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Philippe Gelis : “Quand vous avez l'idée, et que l'équipe est là, il faut se lancer”

Quels sont les ingrédients du succès ? Nous avons posé la question à Philippe Gelis, cofondateur et PDG de Kantox, la multinationale qui simplifie la gestion des taux de change pour les entreprises. Pour lui, le secret tient en trois mots : équipe, passion, audace. Il nous partage ses conseils pour transformer une idée en réalité, affronter l’échec sans faillir, et surtout, saisir les opportunités là où on ne les voit pas. Masterclass pour nos lecteurs.

Philippe GelisPhilippe Gelis
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 9 octobre 2024, mis à jour le 10 octobre 2024

 

"2 à 3 %. Voilà le taux de réussite dans la tech", assure Philippe Gelis. Un chiffre qui pourrait en refroidir plus d’un. Mais pour ce Narbonnais d’origine, l’échec est un passage obligé, une école. Il en parle en connaissance de cause. Dès ses années à la Toulouse Business School (TBS), il goûte aux leçons douces-amères de l’entrepreneuriat en lançant une marque de t-shirts avec des camarades. L’aventure tourne court. Pas de quoi entamer sa détermination pour autant. 

Quelques années plus tard, installé à Barcelone et consultant chez Deloitte, il rencontre son futur associé : Toni Rami. Puis, lors d’un Startup Weekend, il croise John Carvajal, le troisième membre du trio fondateur. C’est le début d’une aventure entrepreneuriale hors norme : Kantox. Une multinationale qui aide les entreprises à gérer les variations de taux de change dans leurs transactions. BNP Paribas la rachète 120 millions d’euros en 2022, mais Gelis en reste le PDG. Comme quoi, il suffit parfois de croire en soi et de bien s’entourer, pour faire mentir les statistiques et réussir dans la tech. Peut-être aussi est-il recommandable de suivre deux trois conseils. Et ça tombe bien, Philippe Gelis est prêt à les partager.

 



 

Conseil 1 - L’humain, avant l’idée : Ayez une équipe solide

Le PDG de Kantox est catégorique : dans l'entrepreneuriat, l'humain prime sur tout. "L’équipe, c’est 80 % de la réussite", prévient-il. Les cimetières d’affaires regorgent de bonnes idées qui n’ont pas rencontré une équipe pour les porter. À l’inverse, combien d’idées moyennes voire banales réussissent dans les mains de collectifs talentueux ! "Le plus difficile, c’est de recruter les bonnes personnes, qu’elles restent motivées, puis de savoir s'en séparer si nécessaire." Un pragmatisme chauffé au fer rouge du terrain.

 

des mains d'une équipe qui se touchent
@krakenimages, Unsplash.

 

Les boîtes ont tendance à exagérer le poids de la technologie, au détriment de celui de leur “team”, souligne Gelis. Un message reçu 5/5 chez Kantox : “Nous, on joue collectif. C’est dans notre ADN.” Ici les équipes doivent apprendre à développer certaines compétences, en plus de la cohésion de groupe. Comme communiquer de manière franche et directe, une qualité fondamentale pour le chef d’entreprise : “Je le prône et le personnifie tous les jours”. Pas de place pour les non-dits ni les messages subliminaux. La clarté est la colonne vertébrale de l’action. 

Autre vertu cardinale, la curiosité. “On est dans un secteur très spécialisé, très ‘niche’. Ce qu'on fait est unique. On a besoin de personnes qui ont envie d'apprendre.” Il faut aussi savoir aller à l’essentiel, tout de suite. "Cette capacité à se focaliser sur ce qui est important, et à exécuter les tâches rapidement, est la clé du succès."

 

Fondée en 2011 par Philippe Gelis, Toni Rami et John Carvajal, Kantox est une société « Fintech » spécialisée dans l’automatisation de la gestion des devises pour entreprises. Sa plateforme les protège contre les variations des taux de change en temps réel, un enjeu clé pour gérer les flux financiers sur le long terme. Basée à Londres, avec des bureaux à Barcelone, Kantox propose ses services dans 124 devises et opère dans plus de 70 pays. 



 

Conseil 2 - Vous voulez entreprendre ? Pas d’excuses, lancez-vous !

Une fois que l’idée est là, et que l’équipe est prête, il ne reste plus qu’une chose à faire : se lancer. Philippe Gelis ne croit ni au moment parfait ni au lieu idéal pour sauter le pas. "Le défi est avant tout personnel. Il dépend très peu de l'environnement". Certes, des cas extrêmes existent : “Si on vit dans un pays où il n'y a pas d'ingénieurs, pas de marché, et un PIB de 3.000 dollars par an, ce n'est peut-être pas le bon endroit”. Autrement, pas d’excuses ! Et si on lui demande ce qu’il pense de Barcelone, le CEO de Kantox ne tarit pas d'éloges sur sa ville d’élection : "Barcelone est vraiment un des meilleurs endroits en Europe pour créer sa boîte". 

 


Dans l'entrepreneuriat, la prise de risque est essentielle.

 

Cependant, Gelis reste lucide sur les réalités de l'entrepreneuriat et nous met en garde : "Il y a beaucoup plus d’échecs que ce qu’on imagine. Il faut être à l'aise avec ça." En particulier dans la tech, où la plupart des projets ne vont jamais au bout. "Je dirais que 90 % des projets ne marchent pas", précise-t-il. Quant à ceux qui sortent de terre, ce sont des petites structures dans la plupart des cas.

Les success stories qui deviennent des géants de l’industrie ? Rares, extrêmement rares. Il faut être conscient que le taux de casse est très élevé, avertit l’entrepreneur français. "Les projets dépassant les 100 employés ou les 10 millions d’euros de chiffre d'affaires représentent à peine 2 à 3 %”. Du reste, les investisseurs le savent bien. "La moitié des boîtes dans lesquelles ils investissent font faillite”. Et parmi celles qui survivent, seules une poignée génèrent des retours significatifs. Cela fait partie du jeu. Échouer encore, échouer mieux… Le risque est omniprésent. Alors, que ceux qui ont peur du krach passent leur chemin ! 

 

 

Conseil 3 - Étoffez votre carnet d’adresses et nourrissez votre esprit

Troisième conseil de Philippe Gelis pour qui voudrait se lancer : élargir son champ de vision. Et pour cela, rien de mieux que les échanges : "Rencontrer régulièrement des entrepreneurs de secteurs variés, permet de sortir de son microcosme, qui reste, par définition, limité". "On apprend toujours quelque chose en discutant, c’est stimulant. C’est pour ça que je suis membre de FrenchFounders", explique-t-il. 

 

carnet d'adresses
@Hope House Press - Leather Diary Studio, Unsplash

 

Ce pionnier de la finance digitale aime à travailler sa “mécanique intellectuelle" sur des business éloignés du sien. Il évoque une conversation récente avec un homme d’affaires ayant lancé une entreprise de paddle aux États-Unis. "Cela n’a absolument rien à voir avec la fintech, mais j’ai trouvé ça passionnant", dit-il en souriant. Il arrive aussi que ces rencontres débouchent sur des opportunités concrètes. "Parfois, on recrute, on investit dans certaines boîtes", précise-t-il.


 

Depuis 2014, FrenchFounders a construit un réseau international de plus de 25.000 leaders francophones, dont 4.000 décideurs et dirigeants. La plateforme propose un Club privé, un fonds d'investissement, un Talent Pool et des solutions business. Avec une équipe de 80 personnes, 450 événements annuels, une présence dans 19 villes, dont Madrid et Barcelone, elle génère 35.000 mises en relation par an. 

 


 

Conseil 4 - La passion est votre meilleure boussole

Amis entrepreneurs, trouvez votre passion, et gardez-la chevillée au corps ! Ce serait le dernier conseil de Gelis. Mais attention, une fois que vous la tenez, explorez le champ des possibles, et surtout, démarquez-vous. Se reposer sur ses lauriers ? Impensable. Il faut être à l'affût des nouvelles opportunités, prêt à saisir la bonne affaire. Et parfois, il arrive qu’on ait une longueur d’avance sur les autres. C’est cela qui a permis à l'entrepreneur narbonnais de percer dans son domaine. 

 

boussole dans une main
@Valentin Antonucci , Unsplash.

 

"Mon truc, cela a toujours été la finance", confie-t-il, évoquant une époque - dès son école de commerce - où il pressentait déjà l’énorme potentiel du secteur. Un horizon immense, certes, mais qui, selon lui, était "très poussiéreux". Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Avant l’ère Tiktok. “En 2003, la néo-banque n'existait pas encore.", se souvient-il. Malgré tout, c’est avec la conviction que le secteur de la finance allait vivre une révolution digitale qu’il décide de se lancer dans l’aventure en 2010. Ce sera quelques années plus tard Kantox, avec le succès qu’on connaît. 

"Quand on a la chance de tomber sur une industrie en pleine transformation, c’est un peu le meilleur des mondes.", s’exclame le PDG. Et la finance a encore beaucoup à donner. "C’est un secteur tellement vaste, où il reste tant de choses à faire". Pour lui, il est clair que l’aventure ne s’arrêtera pas là : "Un jour ou l’autre, je recréerai probablement une boîte dans la fintech", ajoute-t-il avec détermination. Après tout, Philippe Gelis en est convaincu : ce ne sont pas les idées qui manquent, mais ceux qui osent les porter.

 

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