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Violence de genre : "L'Espagne est en avance sur la France"

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Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 1 décembre 2019

Dans le cadre de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, l'association d'amitié hispano française Mujeres Avenir a organisé mardi dernier au sein de la Résidence de France une conférence regroupant 3 expertes internationales en la matière. 

 

"Les différents ambassadeurs de France en Espagne qui se sont succédés ont mis la Résidence de France à disposition de l'association pour l'organisation de cette conférence annuelle", a souligné Maria Luisa de Contes, Présidente de Mujeres Avenir. De la sorte, les instances françaises montrent leur soutien à l'action de l'association, mais surtout l'implication de la France sur la question de l'égalité de genre. Au-delà des débats à proprement parler, l'association Mujeres Avenir constitue donc à la fois une sorte de haut-parleur pour divulguer les actions menées par le gouvernement français dans la lutte contre la violence de genre -une priorité du gouvernement Macron- mais joue aussi le rôle d'aiguillon pour faire remonter les initiatives et l'exemplarité du modèle espagnol vers l'Hexagone. Bref, cette Journée internationale constitue l'occasion pour Mujeres Avenir de tenir plus qu'à tout autre moment de l'année, sa fonction de plateforme facilitant les débats sur la question de l'égalité homme-femme entre nos deux pays.  

Mardi, en introduction de la conférence, Gautier Lekens, Ministre conseiller de l'Ambassade de France en Espagne, a rappelé qu'à l'échelle mondiale, une femme sur 3 a été victime, au moins une fois dans sa vie, de violence physique ou sexuelle. Autre statistique : une femme sur 2 assassinée dans le monde l'a été par son conjoint ou un membre de la famille. "Cette violence contre les femmes est dévastatrice", a-t-il estimé, "et la plupart du temps elle reste impunie". Avant d'insister : "Il faut agir, pour que cette situation alarmante cesse". 

 

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Pour le Ministre conseiller, l'effort doit être collectif, il doit être effectué à tous les niveaux de la société, depuis sa base civile jusqu'aux responsables politiques, afin notamment de permettre les avancées en matière législatives et leur efficace diffusion. "La France a beaucoup à apprendre de l'Espagne, (...) qui constitue en la matière un modèle à suivre", a remarqué Gautier Lekens lors de son allocution. Et d'insister : "L'Espagne est en avance sur la France". De fait la situation en France est particulièrement préoccupante, avec pour la seule année 2019, 138 victimes de la violence de genre, assassinées par leurs conjoints. Elles furent 121 à l'être en 2018. Les chiffres ne s'améliorent pas donc, ils sont loin des statistiques espagnoles (52 victimes en 2018) et ce en dépit de l'engagement de l'Etat sur la question et en dépit de la mobilisation citoyenne, à l'instar du mouvement "Nous toutes" et des quelque 50.000 personnes qui se sont réunies cette année à Paris pour dénoncer la violence de genre, "la plus grande mobilisation dans toute l'histoire de France". 

 

L'Ambassade de France en Espagne est très à l'écoute des avancées politiques et juridiques de l'Espagne au sujet de la violence de genre

L'Ambassade a profité de l'occasion pour rappeler le déblocage d'une enveloppe budgétaire d'1 milliard d'euros destinés à lutter contre l'inégalité de genre en France (dont plus de 300 millions destinés à la violence de genre), et pour réitérer les annonces faites par le Premier Ministre sur la question, organisées autour de trois axes : la prévention, la protection des victimes et le suivi des auteurs d'actes de violence de genre. "L'Ambassade de France en Espagne est très à l'écoute des avancées politiques et juridiques de l'Espagne au sujet de la violence de genre", a précisé Gautier Lekens, qui a défendu le rôle de "courroie de transmission" de l'institution, "pour entretenir et nourrir le dialogue entre la France et l'Espagne", soulignant l'avancée prise en la matière par rapport au reste du réseau diplomatique français dans le monde. A noter ainsi le groupe de travail "Violence de genre", créé en 2017 par le Consulat général de France en Espagne, dont le but est de pouvoir "réagir rapidement à tout signalement au sein de la communauté française". 

 

C'est une véritable honte que nous ayons, une année encore, à organiser cette conférence

Les années se suivent et -malheureusement pourrait on dire- se ressemblent. Tandis que l'arrivée sur l'échiquier politique espagnol du parti d'extrême droite Vox (re)donne la voix à un discours qui met en cause l'existence même de la violence de genre, diluée dans une violence dite "domestique" et donc sans rapport avec le sexe de la victime, la reconnaissance et la dénonciation à l'échelle mondiale du phénomène, relayée par ONU Femmes, l'entité des Nations unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, n'en prend pas moins de l'ampleur. "C'est une véritable honte que nous ayons, une année encore, à organiser cette conférence", s'est indignée Maria Luisa de Contes. "Comment se fait-il que l'on continue à nous maltraiter et nous assassiner, pour la simple raison que nous sommes des femmes ?" Citant la déclaration du Gouvernement espagnol concernant la journée du 25 novembre, la Présidente de Mujeres Avenir a rappelé que "la violence faite aux femmes constitue la manifestation la plus brutale de l'inégalité qui persiste entre l'homme et la femme dans notre société, et, j'insiste, la conséquence des relations de pouvoir historiquement déséquilibrées entre l'homme et la femme".

Autour de Helena Leitao, membre du GREVIO, un groupe d'experts du Conseil de l'Europe chargés de surveiller la lutte contre la violence de genre, de Rebeca Palomo Díaz, Déléguée du gouvernement espagnol à la Violence de Genre, et de Jeanne Lagabrielle, Attachée parlementaire de Samantha Cazebonne, la députée des Français de la 5e circonscription de l'étranger, la conférence, modérée par Sandra Figaredo, Consultante spécialisée en égalité de genre au sein du cabinet Llorente & Cuenca, aura permis d'alimenter le débat et d'explorer les voies permettant de lutter contre le fléau de la violence de genre.

Helena Leitao a ouvert la table ronde en alertant de l'augmentation du phénomène de violence de genre en Europe, où 1 femme sur 20 est victime de viol, 1 sur 10 de cyber-harcèlement. "La violence contre les femmes ne doit pas reste impunie, elle trouve ses origines dans l'inégalité entre hommes et femmes et ne doit pas être considérée comme une affaire privée" -ni comme une seule violence domestique serait-on tenté d'ajouter. "Ce sont les Etats qui ont la responsabilité de la prévenir, de protéger les victimes et de poursuivre les coupables, sous l'étendard de la 'tolérance zéro', comme le reflète d'ailleurs la Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011", a-t-elle insisté.

Pour Rebeca Palomo Díaz, Déléguée du gouvernement espagnol à la Violence de Genre, "la réalité est implacable : tandis que 35% des femmes du monde entier sont victimes de violences sexuelles, la macro-enquête réalisée en Espagne en 2015 sur la question révèle que 15,5% d'entre elles ont souffert des violences ou des menaces de la part de leur conjoint ou ex-conjoint". "La violence de genre est l'instrument qui permet à une société machiste de maintenir asservie la femme (...) Le gouvernement espagnol s'est engagé à atteindre une société égalitaire et est contraint d'erradiquer les violence faite aux femmes", a-t-elle défendu.

 

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Dans la foulée de la publication des résultats de l'enquête menée en France, et dans le cadre du "Grenelle contre les violences conjugales", Jeanne Lagabrielle est pour sa part revenue sur les mesures prises par le gouvernement Macron, pour lutter contre les féminicides, annoncées en début de semaine par le Premier Ministre Edouard Philippe. Avec pour préambule une remarque : "Il est en France très récent que l'histoire des victimes de la violence de genre soit racontée dans les jounaux", a souligné l'Attaché parlementaire. Ceux qui suivent l'actualité en Espagne, avec son fil continu sur ces faits, sauront à quelle point la société ibère sensibilise via ses media les Espagnols sur la question. "Un représentation dans les media à la hauteur des enjeux", d'un phénomène qui ne peut plus rester invisible, "qui touche tous les territoires et tous les groupes sociaux" est donc en marche dans l'Hexagone.

 

Le Grenelle des violences conjugales s'inspire du modèle espagnol

Le gouvernement français, sous l'impulsion de Marlène Schiappa, Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a mis en place un "Grenelle des violences conjugales", a rappelé Jeanne Lagabrielle, qui a développé au cours de son allocution ce que cette grande consultation devait à l'Espagne, "pays reconnu comme étant à la pointe du combat contre les violences de genre". La France s'inspire donc d'une approche globale, qui représente une des singularités fortes de l'Espagne sur ce sujet (avec notamment le pacte national contre la violence de genre ratifié en 2017). Parmi les 30 mesures annoncées lundi, plusieurs d'entre elles sont inspirées du modèles espagnol, à l'instar du parcours judiciaire accéléré, avec le traitement des dossiers en 15 jours (contre 72 heures en Espagne), "un immense progrès pour la France". Ou de cette circulaire émise par la ministre de la Justice, qui requiert que d'avantage d'ordonnances de protection soient délivrées : en 2018 elles étaient de 3.332 en France, contre 45.045 en Espagne. La coopération entre ministère de la Justice et ministère de la Santé est une autre illustration de ce que l'approche globale mise en place en France doit à la politique espagnole, avec par exemple la possibilité de porter plainte directement à l'hôpital ou encore la formation des équipes médicales, pour diagnostiquer les violences conjugales. "Les femmes françaises qui nous témoignent parfois de leur parcours ici", a continué la parlementaire, soulignent à quel point l'accompagnement des autorités espagnoles dans le dépôt de plainte contre le conjoint maltraitant "leur a été bénéfique". "Une des réflexions nées du Grenelle est de modifier la loi française du secret médical, pour permettre au soignant de signaler aux autorités des faits de violence conjugale en cas de risque sérieux", a encore relevé Jeanne Lagabrielle.

 

Accompagner les victimes françaises de l'étranger, victimes de violence conjugale

"Les violences conjugales ne connaissant pas de frontières, la députée Samantha Cazebonne, et sa collègue Amélia Lakrafi, députée de la 2e circonscription, ont remis des propositions au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, pour accompagner les Françaises victimes de violences conjugales hors de France, où elles se trouvent souvent isoées et en position de dépendance financière", a glissé l'Attachée parlementaire. "Là encore la coopération qui existe sur ce sujet entre le Consulat et les autorités espagnoles, devrait servir de modèle à l'international".

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