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Stérilisation contrainte: l'Espagne face à ses responsabilités

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Photo by Martha Dominguez de Gouveia on Unsplash
Écrit par Mathilde Dumur
Publié le 25 février 2019, mis à jour le 25 février 2019

Cela fait des années que les associations de personnes handicapées et ONG internationales dénoncent la stérilisation contrainte des femmes handicapées en Espagne. Encore en 2017, on a recensé 93 cas. Récemment, le gouvernement a enfin émis l’idée d’une possible réforme du Code Pénal afin d’interdire cette pratique. Elections anticipées oblige, elle ne pourra certainement pas être menée à terme au cours de ce mandat.


En Espagne, la stérilisation de femmes handicapées est une pratique encore courante, qui s'effectue dans la plupart des cas, de façon contrainte ou non consentie. Elle s'appuie sur l'article 156 du Code Pénal, qui dépénalise les cas de stérilisation sans consentement, quand l'intéressé "manque totalement d'aptitude pour le donner". Une notion vague, qui laisse largement place à l'interprétation du décideur.

La stérilisation est en théorie réalisée pour le bien de la femme, pour la protéger de grossesses non désirées. Concerné de près, le Comité espagnol des représentants des personnes handicapées (CERMI) dénonce non seulement un texte de loi "vague et imprécis", "plein d’éléments indéterminés", mais aussi une pratique sans contrôle qui met à la merci d'un tiers les victimes de la procédure. Bref, une forme d'agression, orientée en particulier "contre les femmes souffrant d'un handicap psycho-social, intellectuel ou sourdes et muettes", comme le relève l'association dans son rapport portant sur les droits de la femmes et de la fille handicapée. 

 

Une violation généralisée des droits humains

En plus de bafouer les droits des femmes, la stérilisation pratiquée sans consentement est interdite par la convention d’Istanbul, qui date de 2011 et qui lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Même l’ONU la qualifie de "pratique inacceptable avec des conséquences pour la vie" et dénonce "une violation généralisée des droits humains", qu’elle demande d’éradiquer. Selon Jordi Durà, avocat et membre du conseil d’administration de Dincat, (une fédération qui œuvre pour la défense des droits des personnes handicapées), "l’ONU est contre la pratique de la stérilisation sans le consentement libre et valide de la personne". 

En décembre 2018, le parti de centre droit Ciudadanos, avec l'appui du CERMI, avait inscrit une proposition de loi demandant la suppression de la stérilisation forcée. Le gouvernement de Sánchez a montré son intérêt sur la question, et a constitué un groupe d’experts pour analyser la possible réforme du code Pénal. Le PP avait lui aussi fait une demande de loi visant à "garantir le droit à la maternité des femmes handicapées". Bref, depuis la société civile comme depuis tous les bords politiques, la conscience de l'abérration légale existe, même si jusqu'à présent rien ne bouge vraiment.


De 2005 à 2015, selon les statistiques judiciaires du Conseil général de la magistrature, 1.017 procédures liées à des cas de stérilisations forcées et non-consenties ont été résolues devant les tribunaux et en 2017, 93 personnes ont été recensées comme victimes de ces violences.