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REMANIEMENT DES HORAIRES DE TRAVAIL – Et la sieste dans tout ça ? Un débat entre mythes et réalité

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2018

 

La polémique enfle depuis le début de la semaine, relayée par plusieurs médias français et internationaux. Avec la remise en question des horaires de travail, les Espagnols pourraient dire adieu à leur traditionnelle sieste, obligatoire, entre 14h et 16h. Mais quelle est la part de vérité et la part de cliché dans cette affirmation ? On a notre petite idée...

(Photo lepetitjournal.com) Le leader du PP et actuel Président du Gouvernement, Mariano Rajoy, a récemment évoqué, parmi cinq nouvelles propositions, la possibilité de faire terminer les journées de travail à 18h dans certaines entreprises après la signature d'une convention collective. Il n'en fallait pas plus pour que des médias anglo-saxons de référence, parmi lesquels le New York Times et le Washington Post (allant même jusqu'à titrer : "Il est temps de se reveiller"), ne s'empressent de dresser un portrait-type de l'Espagnol vu d'ailleurs. C'est-à-dire flémard, conservateur et arc-bouté sur ses principes.

Une porte ouverte aux clichés
Ces publications étrangères alimentent cette idée reçue, largement diffusée hors des frontières ibères, qui prétend que l'Espagne se retrouverait littéralement paralysée entre 14h et 16h, voir jusqu'à 17h selon BFM TV. De là à mettre en cause la pratique de la sieste, le raccourci est souvent vite pris par la presse étrangère. Pour les Britanniques de The Independent "L'Espagne est prête à abandonner la sieste et à rejoindre le XXIe siècle". De son côté, la chaîne de télévision américaine ABC a ironisé avec un jeu de mots sur la "Fin de la siesta". Mais la palme de la remarque la plus désobligeante est à trouver du côté du site web d'une autre chaine états-unienne, la NBC, qui a publié un article dans lequel on peut lire : "Les niveaux de productivité en Espagne sont même en dessous de ceux des Français, qui sont connus pour leur attitude décontractée au travail et leur ténacité à vouloir des systèmes de congés généreux". Bonjour les clichés.

SIESTA ? Dormir plus pour produire plus
Et si le remède face à la crise était? de faire la sieste ?! Dans un récent ouvrage, le docteur Estivill, spécialiste de la médecine du sommeil, souligne les vertus de cette tradition "made in Spain"

UN ETE A MADRID - La siesta, mode d'emploi
La siesta est-elle une coutume vivante ou une tradition qui se perd ? Entre étirements et bâillements, à l'ombre d'un chêne ou aux abords d'un ruisseau, les adeptes de la sieste et les non-pratiquants nous parlent de cette pratique

VRAI/FAUX ? Les horaires de travail espagnols sont-ils les pires d'Europe?
S'il ne fallait retenir qu'une seule caractéristique pour décrire le quotidien des Espagnols, il est certain que les horaires de travail seraient sur toutes les lèvres. Et pour cause. Ce sujet maintes et maintes fois débattu dans la société comme sur les bancs du congrès des députés fait polémique. 

La sieste n'est pratiquée que par 16 % des Espagnols
Une étude publiée en 2014 par la Fundación de Educación para la Salud del Hospital Clínico San Carlos (Fundadeps) et l'Asociación Española de la Cama (Asocama) et relayée par le quotidien espagnol ABC révèle pourtant que seuls 16 % des Espagnols âgés de plus de 18 ans pratiquent la sieste quotidienne. Sur l'échantillon représentatif de 3.000 personnes interrogées dans le cadre de cette enquête, 58,6 % ont déclaré n'avoir jamais fait la sieste de leur vie, 22 % de manière très occasionnelle et seulement 3,2 % le week-end. Ce qui fait de l'Espagne seulement le 4e pays d'Europe où la sieste est la plus pratiquée, derrière l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Pire, le magazine Verne évoque une étude américaine réalisée par le Paw Research Center, selon laquelle 34 % de la population outre-Atlantique fait un somme après le repas du midi. On serait tenté de dire que c'est un peu l'hôpital qui se moque de la charité? D'autant que la pause déjeuner espagnole, bien que décalée par rapport au reste du continent, a bien peu à voir avec la pause dodo.

D'où vient le mythe ?
Après le Guerre Civile (1936-1939), l'Espagne dirigée par le General Franco décida de se calquer sur le fuseau horaire de son allié, l'Allemagne hitlérienne, supérieure d'une heure au méridien de Greenwich. A cela s'ajoutèrent les conditions de vies, misérables pour une grande partie de la population, et l'interdiction de travailler pour les femmes, qui poussent les hommes à cumuler plusieurs emplois. La pause de 14 à 16h devient donc synonyme de repos vital entre le travail de jour et le travail de nuit et cette habitude s'est peu à peu installée dans la population, jusqu'à devenir la norme à l'heure actuelle. Mais cela ne signifie en rien que cette pratique se traduit automatiquement par une sieste de 2h. Loin de là même, si l'on en croit les propos de Nurilla Ginchilla, Professeur de Management des Organisations à l'Ecole de Commerce IESE Business School de Madrid : "La sieste n'existe plus vraiment. C'était le cas au temps de l'agriculture avant la Guerre Civile et peut être encore aujourd'hui dans certains villages de campagnes. Mais pas dans les villes, à Madrid ou à Barcelone par exemple, où plus personne ne rentre chez soi pour le déjeuner". Même son de cloche dans les colonnes d'El Pais : "La sieste vient probablement d'une société rurale, où les travailleurs se reposaient pendant les heures les plus chaudes de la journée. Mais, comme l'ont rappelé des internautes offensés, rares sont ceux qui se permettent aujourd'hui en Espagne de faire une bonne sieste en semaine". Et toc.

Simon MARACHIAN (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 13 avril 2016
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Publié le 12 avril 2016, mis à jour le 6 janvier 2018
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