Impôt sur le revenu, impôt sur la fortune, droits de succession et de donation, droits de mutation, taxes propres à chaque région, etc. Force est de constater qu'avec la décentralisation fiscale, il peut y avoir de grandes différences d'impôts suivant l'endroit où l'on réside en Espagne. Lepetitjournal fait le point.
Résider à Madrid, en Catalogne ou à Valence a son importance du point de vue fiscal. C'est ce qui ressort du rapport sur les perspectives de la fiscalité régionale 2023 (Panorama de la Fiscalidad Autonómica y Foral 2023), dans lequel le REAF (Registro de Economistas Asesores Fiscales, conseil général des experts en fiscalité) effectue chaque année une comparaison exhaustive sur l'imposition des revenus, du patrimoine, des successions, des donations et transmissions de patrimoine dans les différentes communautés autonomes d'Espagne.
Madrid, région où l'on paie le moins d'impôts
Selon cette radiographie complète de la fiscalité en Espagne, Madrid est une année de plus la communauté autonome qui a la fiscalité la plus attractive du pays, puisque c'est là où l'on paie le moins d'impôts, tant pour les contribuables les plus riches que pour les plus pauvres (à l'exception des revenus jusqu'à 16.000 euros, où Valence fait payer le moins d'impôts: 314 euros contre 335 pour Madrid).
Valence, les impôts les plus élevés
A l'opposé, Valence est la région autonome qui taxe le plus les revenus les plus élevés, en confisquant 54%, et la Catalogne est celle qui taxe le plus les revenus compris entre 20.000 et 30.000 euros. Cette année, en plus, la Communauté valencienne se distingue comme la région où la plupart des revenus paient le plus d'impôts. C'est le résultat de la plus grande pression que Valence exerce sur les hauts et moyens revenus, après avoir renforcé cette année le taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques à partir de 52.000 euros, comme l'atteste le REAF.
Ce tableau comparatif montre à quel point Madrid est la région où les impôts sont les plus bas dans presque toutes les tranches de revenus (en vert), par rapport à la Catalogne, qui frappe durement les revenus moyens, et à Valence, les revenus élevés (en rouge). D'ailleurs, les différences entre les deux régions sont si importantes qu'un contribuable gagnant 30.000 euros par an paiera en Catalogne 403 euros de plus qu'à Madrid (358 euros en 2021).
Cette économie est encore plus importante pour les revenus élevés et très élevés. Ainsi, dans le cas d'un revenu de 110.000 euros, la différence entre Madrid et Valence est de 3.435 euros (cette différence était de moins de 3.000 euros en 2021), tandis que pour un revenu de 300.000 euros, la distance entre ces deux régions est de 19.125 euros (18.000 euros pour 2021).
Pour réaliser cette comparaison de l'impôt sur les revenus entre les régions, le REAF a pris comme exemple un contribuable célibataire, sans enfant, de moins de 65 ans, et sans handicap ou autre circonstance personnelle qui pourrait lui donner droit à une déduction.
Le taux d'imposition maximum en Espagne est de 45%
En ce qui concerne l'Europe, le REAF indique que le taux d'imposition sur le revenu en Espagne, de 45%, se situe dans la moyenne de celui des autres pays de l'UE. Toutefois, il existe déjà plusieurs régions espagnoles dont le taux marginal cumulé atteint 50%, telle que la Catalogne, ou le dépasse, comme c'est le cas de La Rioja, avec 51,5%, et de la Communauté de Valence, qui atteint 54%, des taux qui figurent déjà parmi les taux marginaux les plus élevés de l'UE. Seuls la Belgique, avec 53,1% et le Danemark, avec 55,9% sont au-dessus. La France, quant à elle, applique un taux de 51,5%.
Catalogne, 19 taxes
Précisément, dans ce vaste document de plus de 400 pages, les économistes décrivent aussi les différents impôts et taxes propres de chaque région. Suivant les communautés autonomes, le contribuable -particulier ou entreprise- peut payer du simple au double. C'est ainsi que la Catalogne, avec 19 taxes propres - dont 4 ont été déclarées inconstitutionnelles - est la région autonome qui compte le plus grand nombre de taxes. On peut citer la taxe sur les logements vides, qu'a également introduite la Communauté de Valence en 2021. Les experts fiscalistes signalent ainsi d'importantes différences entre les régions, car si en Catalogne les impôts propres s'élèvent à 116,4 euros par habitant, en Andalousie ils ne sont que de 17 euros, et à Madrid, 0,50 euros par habitant.
Bonification de 100%
Quant aux impôts sur la fortune et les droits de succession, les différences sont également notables entre les régions. Ce sujet provoque d'ailleurs depuis quelques années une forte controverse entre le gouvernement et certaines communautés autonomes, telles que l'Andalousie ou la Communauté de Madrid, qui bonifient ces impôts, parfois jusqu’à 100%.
Le gouvernement central a souvent évoqué son intention "d'harmoniser" toutes ces taxes, autrement dit, d'augmenter les impôts dans les régions autonomes qui ont les taxes les plus faibles. C'est chose faite avec la création -temporaire pour 2023 et 2024- d'un impôt supplémentaire sur la patrimoine, dit "de solidarité". Dans les régions où l'impôt sur le patrimoine existe déjà, cela ne changera pas grand-chose. En revanche, dans les endroits où cet impôt est totalement remboursé (à Madrid, depuis 2014 et en Andalousie depuis 2022), les contribuables ayant un patrimoine supérieur à 3,7 millions d'euros devront payer cet impôt. Ces deux communautés autonomes ont déposé un recours auprès du Tribunal constitutionnel, affirmant que cet impôt "empiète sur les compétences fiscales et financières" des communautés autonomes.
Pendant la présentation du rapport sur la fiscalité 2023, le président du Conseil général des économistes et fiscalistes d'Espagne, Valentín Pich, a souligné que "l'Espagne nage à contre-courant de la fiscalité du patrimoine au sein de l'UE en créant l'IGF (l'impôt de solidarité) pour boucher les trous que certaines régions autonomes sont en train d'ouvrir en matière de fiscalité du patrimoine".
Décentralisation fiscale: 17 régions et 1000 réglementations!
"L'imagination n'est pas épuisée lorsqu'il s'agit de créer de nouveaux impôts" a souligné le président de la REAF qui explique que "l'utilisation de la capacité réglementaire des régions autonomes dans les impôts décentralisés a produit 958 réglementations, dont 317 correspondent à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, principalement des déductions, bien que celles-ci n'aient apporté aux contribuables qu'une économie de 498 millions d'euros en 2020, soit 0,47 % des recettes totales".