Ces quinze derniers jours ont été particulièrement suivis depuis l'Espagne, le duel Macron-Le Pen n'ayant fait qu'aviver l'intérêt de la presse espagnole. La campagne d’entre-deux tours a fait l'objet de plusieurs analyses qui montrent les enjeux que cette élection nationale représente non seulement pour l'économie, mais aussi pour la politique au niveau international.
Beaucoup d'encre a coulé dans la presse espagnole sur le tsunami politique qu'engendrerait la défaite de Macron dans les institutions européennes. Cependant, ce raz-de-marée atteindrait également les marchés. Et les médias ont signalé que, dans un premier temps, une victoire de Marine Le Pen toucherait l'euro et les primes de risque des pays périphériques. Et dans un second temps, elle aurait des répercussions sur la répartition des fonds européens, sur le rating de l'Union européenne et sur la transition écologique du Vieux Continent.
Un débat télévisé très commenté en Espagne
C'est sans doute pour ces raisons que le débat télévisé de l’entre-deux tours était en Une de la plupart des journaux espagnols. El País parlait d'ailleurs d’un "débat décisif entre les candidats à la présidentielle française". Pour tous, le "match" a été très tendu mais Macron aurait résisté aux assauts de Marine Le Pen qui "vend la modération pour réduire son écart avec Emmanuel Macron".
Marine Le Pen: une image plus modérée
Cette modération de Marine Le Pen est souvent citée, en référence à son attitude beaucoup plus dure il y a cinq ans. La candidate du Rassemblement national "adoucit ses propositions les plus dures", "Marine Le Pen vend la modération pour réduire son écart avec Emmanuel Macron", "l'aspirante du RN s’évertue à montrer une image de chef d’État qui ne fasse pas peur".
Remontada ou pas de Le Pen
Pour les journaux, ce changement d'image pourrait lui permettre une ‘remontada’, même si peu à peu, l'écart entre les deux candidats augmente. Les médias espagnols font d'ailleurs toujours référence aux instituts de sondages, en particulier Ipsos ou, comme après le débat télévisé, le sondage réalisé par BFMTV, qui signalait que 59% des personnes interrogées estimaient que les arguments du candidat à la réélection avaient été meilleurs, contre 39% qui préféraient Le Pen.
La Russie toujours dans le débat
La Russie a fait partie de cette campagne et dans ce dernier débat, les deux adversaires se sont accusés de propos ‘mensongers’ et de ‘malhonnêteté’. La Vanguardia, par exemple, souligne qu'Emmanuel Macron associe Marine Le Pen à Vladimir Poutine et l’accuse de dépendre financièrement de la Russie. C'est d'ailleurs ce que retient El Mundo du face à face présidentiel, avec cette adresse de Macron à Le Pen : "Vous dépendez du pouvoir russe".
L'inquiétude des journaux financiers espagnols
Les journaux financiers espagnols, pour leur part, se sont surtout penchés sur "la menace" que représente Marine Le Pen sur "la suprématie européenne des banques françaises", en soulignant que bien que son discours se soit modéré depuis 2017 sur l’Union Européenne et le secteur bancaire, "la menace qui pèse sur les grandes institutions financières françaises n'a pas disparu et que la facture boursière en est la preuve".
Ces journaux affirment aussi que ce qui est en jeu dépasse les frontières, également d'un point de vue sociologique. Le chamboulement est tel que les médias espagnols conseillent aux partis traditionnels de procéder à une analyse sérieuse des causes de l'ascension de Marine Le Pen et, en particulier, de la forte adhésion de la classe ouvrière avec son discours.
Jean-Luc Mélenchon, le "perdant décisif"
En ce sens, plusieurs journaux espagnols ont signalé qu'Emmanuel Macron peut compter sur le soutien des classes aisées, alors que Marine Le Pen s’appuie sur le vote de "l’ouvrier pauvre et angoissé". Au sujet de l'électorat de gauche, la presse rappelle que Jean-Luc Mélenchon est devenu "le perdant décisif " car les deux adversaires ont besoin des électeurs du leader de gauche pour l’emporter.
Pour cette raison, les deux candidats ont courtisé l’électorat de gauche avec des promesses sociales dans une campagne marquée par la crise énergétique et le pouvoir d'achat. Le président a aussi accentué son soutien aux énergies renouvelables pour séduire les écologistes. El Correo le résume parfaitement dans un de ses titres: "Chasse à l’électeur écolo". Mais c'est surtout les classes les plus populaires qui seraient "courtisées".
Le troisième tour sera décisif
Cependant, pour les médias espagnols, ni Macron ni Le Pen ne sont les bienvenus en Seine Saint-Denis, le département français le plus pauvre et avec 43% de population immigrée, qui a voté majoritairement Jean-Luc Mélenchon au premier tour.
Cela supposerait donc que le "troisième tour", autrement dit les législatives en juin, pourrait être décisif, avec un vote massif pour Mélenchon. La bataille ne fait donc que commencer et il reste à parier que les médias espagnols continueront de s'intéresser de très près à ce qui se passe de l'autre côté des Pyrénées.