Selon les experts, la crise économique provoquée par la pandémie de Coronavirus propulsera une partie de la population espagnole à des niveaux de pauvreté jamais atteints dans le pays.
L'apparition du Covid-19 dans nos vies en 2020 a bouleversé l'ensemble de nos modèles économiques et sociaux. L'Espagne est l'un des pays qui a le plus souffert de la pandémie en Europe, aussi bien sur le plan sanitaire que sur le plan économique. Comme bien souvent en temps de crise, ce sont les catégories de population les plus vulnérables qui sont touchées en priorité : 10,9 millions de personnes se retrouveraient en situation de pauvreté dans le pays depuis le début de la pandémie, soit 22,95% de la population espagnole. L'ONG Oxfam Intermón présente cette semaine, à l'occasion du Forum de Davos, son étude "Superar la pandemia y reducir la desigualdad" qui alerte des conséquences de l'épidémie sur le plan social et prévoit une hausse de la pauvreté sévère dans le pays.
Près de 11 millions de personnes sous le seuil de pauvreté
Selon les données avancées par le rapport d'Oxfam, la crise économique dérivée de la pandémie de Coronavirus pousserait 1 million de personnes supplémentaires en situation de pauvreté en Espagne, dont 80% d'entre elles dans une situation de pauvreté extrême. En 2020, le nombre de personnes vivant avec 720 euros par mois maximum (moins de 24 euros par jour) s'élèverait à plus de 10,9 millions en Espagne. Le rapport rappelle qu'il s'agit des pires données relatives à la pauvreté de toute la décennie en Espagne. Les économistes soulignent les prévisions de chute du PIB espagnol de minimum 11%, et l'augmentation du chômage (qui flirterait avec les 17%), qui ne laissent présager qu'un empirement de la situation. Le rapport présenté insiste cependant sur les bienfaits et la nécessité d'appliquer les mécanismes institutionnels disponibles, comme le maintien des ERTE (le chômage partiel) ou le récent revenu minimum vital (IMV), deux outils qui peuvent permettre "de sauver plusieurs milliers de personnes d'une situation de pauvreté certaine".
Les pauvres plus pauvres... et les riches toujours riches
Comme dans beaucoup de situations de crise exceptionnelle, l'écart économique et social se creuse entre les groupes de population très aisés et les groupes les plus modestes. En Espagne, le fossé qui sépare les deux types de population est de plus en plus inquiétant. Les citoyens espagnols les plus riches ont, comme tout le monde, été impacté par les conséquences directes de la pandémie. Cependant leur capacité de récupération est incomparable. Au 31 décembre 2020 les multimillionnaires espagnols avaient récupéré plus de la moitié de ce qu'ils avaient perdu durant la période la plus dure du confinement : ils ont perdu 57,9 milliards d'euros entre février et mars, et auraient déjà récupéré 32,5 milliards d'euros entre mars et décembre.
Avant la pandémie déjà, l'Espagne souffrait d'une inégalité sociale et d'écarts de revenus entre ses habitants bien supérieurs aux inégalités observées dans les autres pays européens. Le passage du Coronavirus, les fermetures forcées d'entreprises et les restrictions d'activités ont accentué cet écart et propulsé 790.000 personnes supplémentaires sous le seuil de "pauvreté extrême" (survivre avec 16 euros maximum par jour). Ce sont en effet les personnes en situation précaire, exerçant des emplois souvent temporaires, qui ont perdu en priorité leur emploi durant la crise : à ce jour, le taux de chômage atteint 55% chez les jeunes de moins de 20 ans. Toujours selon les données de Oxfam, les femmes représentent désormais 73% des contrats à temps partiel, et 57% des contrats précaires.