Habemus pacte sur l'indépendance de la justice. Le PP et le PSOE sont parvenus à un accord, avec Bruxelles comme garant, qui met fin à plus de 5 années de blocage dans le cadre du renouvellement du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CGPJ). Décryptage.
"Montesquieu est mort"
En fait, et si l'accord est réel (on le verra dans 6 mois), ce sera la fin d'une situation anormale qui avait débuté en 1985, lorsque Felipe Gonzalez avait profité de sa majorité absolue pour réformer la loi sur le pouvoir judiciaire, instaurant un système de quotas, qui permettait aux partis politiques d'élire les juges et de s'assurer ainsi de leur loyauté idéologique et du contrôle qui en découle. Ce fut la fin de l'indépendance de l'un des trois pouvoirs (le judiciaire) face à l'exécutif et le législatif. "Montesquieu est mort" aurait d'ailleurs déclaré Alfonso Guerra, le vice-président du gouvernement de l'époque. Et les enterrements se sont ensuite succédés, jusqu'à la signature de ce pacte qui ressusciterait le pouvoir judiciaire. Quelles sont les clés d'un tel accord?
Plus d'indépendance…
L'accord garantit une composition équilibrée du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire CGPJ, qui comptera 20 nouveaux membres au "profil professionnel et indépendant". Chacun des partis majoritaires a élu 10 membres au lieu de la répartition "habituelle" de 11 membres proposés par un parti et 9 par l'autre. C'est donc une bonne nouvelle pour l'indépendance de la Justice. Il est ainsi mis fin aux quotas partisans. Toutes les décisions devront être prises à la majorité renforcée des trois cinquièmes, et non majorité simple. Le même quorum sera exigé, par exemple, pour la nomination de profils aux postes vacants dans les cours régionales de justice ou les cours provinciales.
… et moins de contrôle politique
Pour la première fois dans l'histoire de la démocratie, les partis nationalistes ne seront pas représentés au CGPJ. Jusqu'à présent, le PNV et CiU (aujourd'hui Junts) ont traditionnellement eu le pouvoir de décision dans les nominations.
Par ailleurs, le régime d'incompatibilités des juges, magistrats et procureurs lorsqu'ils occupent des fonctions politiques ou des postes de confiance d'hommes politiques d'un rang supérieur à celui de directeur général est renforcé. Dans ces cas, ils ne peuvent réintégrer le service que deux ans après avoir quitté le poste qui a donné lieu à la mise en congé volontaire et, s'ils demandent finalement à réintégrer le service, ils doivent s'abstenir d'intervenir dans des affaires dans lesquelles sont impliqués des partis ou groupements politiques ou ceux de leurs membres qui exercent ou ont exercé une fonction publique et, le cas échéant, ils peuvent être disqualifiés.
En ce qui concerne les membres du CGPJ, ils ne pourront pas être élus pour exercer cette fonction s'ils ont exercé, au cours des cinq dernières années, un ministère, un secrétariat d'État, une administration régionale ou une mairie, ou s'ils ont exercé des fonctions publiques représentatives au Parlement européen, au Congrès des députés, au Sénat ou dans les assemblées législatives des Communautés autonomes.
Renouvellement immédiat
Dans un premier temps, et pour débloquer la situation, un renouvellement immédiat des membres du CGPJ aura lieu en juillet, avec une liste élaborée conjointement par PP et PSOE qui proposeront chacun dix membres. Le candidat qui occupera le siège vacant de la Cour constitutionnelle sera également désigné par la Chambre haute. Les nominations seront approuvées au cours de la même semaine de juillet, si possible le même jour. Mais, le plus important est la réforme du système régissant le mode de désignation des magistrats:
6 mois pour une réforme du système électoral
En effet, les nouveaux membres du CGPJ rédigeront un rapport visant à réformer le mode d'élection des membres de l'organe directeur des juges, en tenant compte des exigences de la Commission européenne et de ses recommandations sur l'État de droit dans les États membres. Elle aura six mois pour le faire.
Ce texte devra expressément inclure un nouveau modèle de participation directe et de vote pour que les juges puissent élire leurs représentants au CGPJ. Le mérite revient au centre des nominations. Sur la base de ce rapport, les groupes parlementaires du PP et du PSOE s'engagent à présenter conjointement le projet de loi réglementant la modification du système de nomination et à ne traiter ni soutenir aucun amendement qui ne serait pas signé conjointement.
Le gouvernement ne pourra pas nommer le président de la Cour Suprême
Pour la première fois dans l'histoire, ce sont les nouveaux membres du CGPJ qui choisiront le magistrat qui présidera la Cour Suprême. Ils le feront par un minimum de 12 votes favorables et sans candidats proposés par les partis politiques. En outre, le temps que les membres de la carrière judiciaire doivent avoir servi pour être nommés magistrats de la Cour suprême sera porté à 20 ans.
Nouvelles incompatibilités
L'accord prévoit également l'interdiction expresse pour toute personne ayant été ministre, secrétaire d'État, conseiller régional ou maire d'être nommée procureur général de l'État avant l'expiration d'un délai de cinq ans. En d'autres termes, on le comprend, le pacte implique d'éviter de nouveaux cas comme celui de l'ancienne ministre de la justice Dolores Delgado.
En outre, le procureur général de l'État, en tant que membre du ministère public, doit s'abstenir d'intervenir dans des procès ou des affaires lorsqu'ils sont concernés par l'une des causes d'abstention établies pour les juges et les magistrats dans la loi organique du pouvoir judiciaire. La demande formulée est décidée par le conseil des procureurs de la chambre, qui est présidé par le procureur général adjoint du Tribunal suprême.