Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Un manuscrit français de Charles Quint exposé à la BNE

livre heures charles quintlivre heures charles quint
DR
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 29 octobre 2019, mis à jour le 18 février 2021

La BNE profite de la restauration de l’un de ses plus importants manuscrits, réalisé dans un atelier parisien vers 1500, pour exposer pour la première fois plusieurs des feuillets du "Livre des heures de Charles Quint". Des visites guidées scolaires seront organisées.

 

La restauration du "Libro de horas de Carlos V", l’un des plus importants manuscrits enluminés de la Bibliothèque National d’Espagne, a conduit à enlever la reliure et à ce que ses feuillets puissent être affichés séparément dans une occasion unique, puisque le livre sera relié après sa restauration. En plus des trente-sept pages présentées, d’un total de 343 feuillets, l'exposition intitulée "un musée en miniatures : Le Livre des heures de Charles Quint" sera accompagnée de quatre autres pièces de la BNE, une gravure, une reliure et deux manuscrits, qui proposent des éléments de comparaison et permettent de contextualiser ce chef-d'œuvre de l’enluminure française comprise entre les XVe et XVIe siècles.

Le manuscrit, réalisé dans un atelier parisien vers 1500, recèle une richesse d'images extraordinaire dont plusieurs d'une grande originalité iconographique. Bien qu'il n'ait pas été commandé pour Carlos V, il faisait probablement partie de sa bibliothèque et il a donc pu l'utiliser dans ses prières quotidiennes. Il est possible que "Le Livre des heures de Charles Quint" ait fait partie du butin obtenu lors de la bataille de Pavie contre les Français en 1525 ou qu'il s'agisse d'un cadeau d'un membre de sa famille ayant eu des liens avec la cour de France (sa sœur Éléonore de Habsbourg fut reine de France).


Peu de musées prennent le temps de montrer au public ces œuvres exceptionnelles

samuel gras
L’exposition de ce manuscrit d’origine française est d’autant plus extraordinaire que normalement il est impossible d’en voir plusieurs pages. Un Français, Samuel Gras, Docteur en histoire de l’art médiéval, a co-rédigé avec Javier Docampo, directeur du département des manuscrits et incunables de la BNE, le livre qui analyse l’œuvre en question. "Un manuscrit –explique Samuel Gras-, lorsqu'il n'est pas conservé dans un lieu où l'hydrométrie et la température sont stables, est exposé habituellement ouvert ‘comme un livre’. Le fait de pouvoir contempler près de trente feuillets séparés est exceptionnel, voire rarissime. Peu de musées prennent le temps de montrer au public ces œuvres exceptionnelles. De mémoire, la dernière initiative de la sorte remonte à 2010, lorsque le MET de New York avait présenté un manuscrit dérelié". 

La graphie du Livre des heures de Charles Quint est très belle et extrêmement riche, avec plus de 1.200 images. L’œuvre commence par un calendrier illustré très original puisque les deux cycles iconographiques habituels, les signes du zodiaque et les travaux des mois, sont en second plan, et les scènes principales développent l'histoire de deux frères, l'un bon et pieux, qui ira au ciel, et l’autre dissolu et lubrique qui finira ses jours en enfer. Une grande partie du récit biblique peut être suivi depuis les scènes de la Genèse autour d’Adam et Eve jusqu’aux récits des Évangiles et même à certains passages de l’histoire des premiers siècles du christianisme.

A côté de ces scènes religieuses, le Livre des heures de Charles V contient un Office des morts, illustré de différents thèmes macabres, qui incluent des sujets aux racines médiévales, tels que la rencontre des trois vivants et des trois morts ou la Danse de la mort, dans laquelle la figure allégorique d'un squelette entraîne des individus de différentes classes sociales vers leur fin.

La dernière section du livre est constituée par des prières destinées à demander l’intervention des Saints, souvent pour des problèmes très concrets, tels que des maladies. Les scènes représentées vont de la simple représentation de leurs effigies à différents épisodes de leur vie : miracles, martyres, etc.

Paris était l'un des centres les plus importants à cette époque pour l'illumination de manuscrits, même s’il y en avait d'autres comme Gand et Bruges. Un travail aussi complexe, avec un tel nombre d'images devait nécessairement résulter de plusieurs ateliers de miniaturistes. Ces grands maîtres aujourd’hui anonymes, étaient connus sous les noms de Maître de Martainville, Maître de la Chronique Scandaleuse, Maître de Robert Gaguin, Maître Morgan 388 ou Maître de Jacques de Besançon. "Il est difficile de calculer le temps qui leur était nécessaire pour achever un manuscrit de la sorte –affirme Samuel Gras-. Les enlumineurs avaient développé une organisation du travail qui devait leur permettre d'aller plus vite, mais ce genre de commandes avec plus d’un millier d'images à peindre, devait prendre plusieurs mois, voire un an. Et je fais juste référence à la réalisation des peintures, car avant il y avait les étapes de préparation du parchemin et de la copie du texte".

L’exposition durera jusqu’au 4 janvier 2020. Les visites se font par petit groupe de vingt personnes, dans une pièce qui a été aménagée spécialement pour des expositions centrées sur un objet exceptionnel. Ce fut le cas auparavant pour deux manuscrits de Leonard de Vinci, puis pour un manuscrit rédigé en espagnol pour la première fois, et maintenant pour les Heures de Charles Quint. Des visites guidées en français vont être également organisées pour les groupes scolaires. 

Pour plus de renseignements : cliquez ici.

livre heures charles quint