Quand Will Shu, le patron de Deliveroo… se glisse parmi les livreurs londoniens !

Une fois par semaine, le co-fondateur de l’entreprise pesant 5 milliards de livres sterling se fait passer pour un livreur dans le but de tester le service que prodigue son application.
Bien connue dans le domaine de la livraison de nourriture à domicile, la compagnie britannique fondée en 2013 est entrée à la Bourse de Londres plus tôt cette année et peut se targuer d’être en partenariat avec 100 000 restaurants à travers 12 pays.
Voir son créateur enfourcher un vélo pour effectuer quelques livraisons n’est donc pas anodin. Personne ne le reconnaît cependant, révèle-t-il dans le podcast The Diary of a CEO (« Le Journal d’un PDG ») sur YouTube. « Je ne suis pas une célébrité », ajoute-t-il.
Son retour d’expérience
Plus encore que tester la qualité du service de Deliveroo, il souhaitait surtout se glisser dans la peau des livreurs et comprendre ce à quoi ils sont confrontés chaque jour. Celui qui est crédité de la création de plus de 7000 emplois décrit son expérience hebdomadaire tel un bon moyen de faire de l’exercice et surtout de « voir les restaurants en action par la même occasion, car on en apprend beaucoup simplement en étant là-bas ».
Lors de sa tournée la plus récente, il a livré cinq commandes au cours de la soirée dans le quartier de Notting Hill, où il réside. Une expérience dont il n’est pas sorti satisfait en raison du manque de courtoisie à son encontre lorsqu’il a fait remarquer au personnel d’un restaurant que la commande qu’il devait livrer était déjà froide. « Contente toi de la livrer, mec », lui a-t-on répondu. Il ajoute : « C’était assez marrant car, après qu’ils aient été grossiers envers moi, cet autre livreur s’est approché sans savoir qui j’étais et m’a dit : “Ah, ils ont recommencé”. »
Il raconte avoir attendu un long moment alors que la commande était déjà prête et trônait sur le comptoir. « Je n’ai rien dit mais j’ai pris bonne note de tout ça », assure-t-il. Il prévoit d’informer les patrons du restaurant afin de leur transmettre son retour afin qu’ils prient le personnel « de sourire et d’au moins dire “bonjour” ».
Il s’agit malgré tout pour lui d’un réel plaisir que de faire ces livraisons à vélo, quand bien même elles n’ont rien d’un loisir car la seule motivation est de tester l’application régulièrement. Il trouve néanmoins l’activité très relaxante car « vous êtes juste sur la route et vous ne pensez à rien d’autre ».
Des protestations récentes de la part des livreurs
Il y aurait cependant un hic dans tout ce système, celui là même qui provoqua la grève d’un grand nombre de livreurs Deliveroo en avril dernier. Ces derniers avaient dénoncé que la compagnie ne traitait ni ne payait correctement ses employés. Des manifestations respectant les règles de distanciation physique s’étaient donc tenues à Londres ainsi que dans d’autres villes anglaises telles que York ou Wolverhampton.
Deliveroo avait par ailleurs réfuté en bloc les résultats d’une enquête menée par le Bureau of Investigative Journalism (Bureau de Journalisme d’Investigation) montrant que certains livreurs empochaient seulement £2 par heure. La compagnie de Will Shu s’était empressée de nier cela et d’avancer que ces derniers gagnaient en moyenne £13 de l’heure en période chargée.
Les raisons de la grève ont été expliquées par un livreur Deliveroo, Greg Howard, également membre du Syndicat des Travailleurs Indépendants de Grande-Bretagne : « Je me mets en grève pour mes droits fondamentaux et ceux de tous les autres livreurs qui luttent pour s'en sortir et subvenir aux besoins de leurs familles grâce au salaire de misère de Deliveroo. »
Il raconte le peu de soutien qu’il a reçu après avoir contracté le Covid-19 pendant le confinement, l’empêchant de travailler. Il dit avoir vu les conditions déclinées au fur et à mesure des années, et la pandémie n’aurait fait qu’asséner le coup de grâce, selon lui. « Après tout ça, plus de personnes comprennent que cette exploitation n’est pas une manière de traiter qui que ce soit, encore moins les travailleurs-clefs », avait-il déclaré.
La réponse de Deliveroo ne s’était une nouvelle fois pas fait attendre : « Ce petit syndicat autoproclamé ne représente pas la grande majorité des coureurs qui nous disent apprécier la flexibilité totale dont ils bénéficient. »
Les questions liées aux conditions de travail des livreurs opérant pour des entreprises comme Deliveroo ou Uber Eats sont régulièrement au centre des préoccupations et nul doute qu’elles ne cesseront pas de sitôt de faire débat.