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Otage de son père à Dubaï, la princesse Latifa craint pour sa vie

Princess Latifa captive dubaï Princess Latifa captive dubaï
Wikimedia commons
Écrit par Stéphane Germain
Publié le 22 février 2021, mis à jour le 23 février 2021

La fille de l’émir de Dubaï, Latifa al-Maktoum, affirme être gardée captive dans une villa “transformée en prison” dans une vidéo diffusée mardi par la BBC.

 

C’est une affaire rocambolesque qui secoue la communauté internationale depuis plusieurs années. La princesse Latifa accuse son père, l’émir de Dubaï Mohammed ben Rachid Al Maktoum, de torture et d’emprisonnement. Elle avait essayé par le passé de lui échapper et de trouver l’asile dans d’autres pays, en vain. Ce mardi 16 février, la BBC diffuse une vidéo inédite de Latifa, qui constitue la dernière preuve de la princesse vivante.

 

Deux tentatives de fuite depuis 2002

Le désir de la princesse Latifa d’échapper à son père ne date pas d’hier. En 2002 déjà, la fille de l’émir Dubaïote, alors âgée de 18 ans, tente de fuir son père qu’elle accuse de la torturer. En vacances en Angleterre, elle décide alors de se réfugier à Londres. Elle y restera deux mois avant d’être récupérée et enfermée pendant trois ans une fois de retour dans la cité-état, selon ses dires.

En 2018, la princesse échaffaude une nouvelle tentative avec une amie du nom de Tiina. Latifa prévoit alors de rejoindre les Etats-Unis en traversant l’Inde. Avant de partir, elle diffuse en février 2018 une vidéo dans laquelle elle dénonce les traitements que lui inflige son père : “Je n’ai pas le droit de conduire, ni de voyager, je n’ai pas quitté le pays ni même Dubaï depuis 2000, ça a même été compliqué de faire des études. Voilà ma vie, qui est très restreinte. Je dois partir.” Mais les espoirs de liberté de Latifa sont rapidement réduits à néant lorsque son voilier est pris d'assaut par des hauts gradés de l’armée Dubaïote.

 

“Je suis prise en otage et cette villa a été transformée en prison”

La BBC a diffusé ce mardi une nouvelle vidéo, envoyée par les amis de Latifa qui espèrent ainsi interpeller la communauté internationale quant au sort de la princesse. Cette vidéo daterait d’après son interpellation en mer, et révélerait les traitements qui lui ont été réservés à ce moment-là, sur le chemin de son rapatriement forcé à Dubaï. “Je ne sais pas combien de commandos il y avait, peut-être 12 ou 15, et des lieutenants. L’un d’entre eux a sorti une seringue et me l’a injectée dans le bras. Je me débattais en lui disant “Ne faites pas ça ! Ne faites pas ça ! (...) Je lui ai mordu le bras aussi fort que je pouvais, et un second homme m’a injecté à nouveau du tranquillisant. Ensuite, je ne me souviens que d’être emmenée dans un jet privé” raconte Latifa dans sa vidéo, confiant les détails de son interception en mer.

Depuis, la princesse avait disparu des radars. Jusqu’à la diffusion de cette vidéo, qui fait état de sa vie en captivité dans la villa de son père. “Je suis prise en otage et cette villa a été transformée en prison. (...) Toutes les fenêtres ont été condamnées (…), il y a cinq policiers à l'extérieur et deux femmes policiers à l'intérieur”, explique-t-elle. “Je m'inquiète tous les jours pour ma sécurité et pour ma vie (…) la police m'a dit que je serai en prison toute ma vie et que je ne reverrai plus jamais le soleil”.

 

Une princesse captive aux sorties orchestrées

Cette récente vidéo constitue la dernière preuve en images de la princesse Latifa vivante, depuis sa sortie remarquée en décembre 2018. Latifa avait alors été prise en photo lors d’un repas avec l’irlandaise Mary Robinson, ancienne Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme. Dans la vidéo livrée à la BBC, Latifa affirme que ce repas aurait été orchestré par sa belle-mère, la princesse Haya, nouvelle femme de l’émir de Dubaï.

Celle-ci aurait, selon Latifa toujours, organisé ce repas pour vérifier qu’elle serait “en mesure de se comporter correctement en public après toutes ces années d’enfermement”. Haya aurait par ailleurs confié à Mary Robinson que Latifa souffrirait de bipolarité, dans le but de la discréditer. Sa culpabilité quant au sort de Latifa est encore indéterminée à ce jour. Mary Robinson la dédouane, affirmant qu’elle aurait été “dupée” quant à l’état de sa belle-fille. Interrogée par la BBC sur de potentiels remords dus à cet acte manqué, Mary Robinson se défend d’avoir pu aider Latifa, argumentant qu’elle n’était “pas habituée à avoir à faire à des personnes bipolaires”, souhaitant davantage parler à ses médecins qu’à la princesse elle-même.

 

Mise en abîme du scandale avec l’affaire de la princesse Haya

Dans la vidéo confiée à la BBC, Latifa mentionne l’attention mondiale autour du divorce de son père et de sa belle-mère, Haya. En effet, Haya accuse l’émir d’avoir voulu marier de force leur fille âgée de 11 ans à l’époque avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salman Al-Saoud, âgé de 34 ans.

Le scandale retentit jusqu’au Royaume-Uni dans la mesure où Sa Majesté partage avec le mari d’Haya une passion pour les chevaux. Aussi, la princesse Haya et son frère, le roi Abdallah de Jordanie, comptent parmi les amis proches du prince Charles. Lors de son divorce avec l’émir de Dubaï, la Haute Cour de Justice de Londres octroie finalement à Haya la garde de ses enfants ainsi que l’autorisation de résider avec eux en Angleterre. La princesse, à moitié Britannique par sa mère, trouve alors refuge à Londres où elle vit depuis prostrée dans sa maison de Kensington Palace Garden “par peur d'être assassinée ou ramenée de force à Dubaï”, rapporte la presse britannique.

La fuite de la princesse Haya avec ses deux enfants alors âgés de 7 et 11 ans n’est pas sans rappeler la tentative d’évasion infructueuse de sa belle-fille, qu’elle décrédibilise pourtant en l’accusant de troubles mentaux. Son implication dans le sort de la princesse Latifa demeure trouble encore aujourd’hui.

 

Le Royaume-Uni somme Dubaï de prouver la bonne santé de Latifa

Alors que l’année dernière, en mars 2020, la justice britannique avait statué que l’émir de Dubaï avait commandité l’enlèvement de ses deux filles, Latifa et Shamsa, les yeux se tournent vers les Émirats arabes unis pour obtenir la vérité quant aux conditions de vie (ou de détention) de la princesse Latifa.

Dominic Raab, chef de la diplomatie britannique, a réagi sur Sky News : "Ce sont des images très pénibles, un cas très difficile. Et je trouve que c'est inquiétant", a-t-il déclaré sur la chaîne. "Les gens voudraient (...) la voir en vie et en bonne santé", poursuit-il. Le Premier ministre Boris Johnson, lui, confie à des journalistes être “préoccupé” par l’affaire, "mais la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme se penche dessus et ce que nous allons faire, c'est attendre de voir comment ils avancent".

La vidéo fournie par les proches de Latifa ce mardi 16 février vient jeter une opprobre internationale sur l’émir de la cité-état, déjà mis à mal par ses différents scandales et procès au Royaume-Uni. Les amis de Latifa espèrent que la diffusion de cette vidéo, filmée depuis les toilettes “seule pièce avec une porte que je peux verrouiller”, précise-t-elle, permettra d’accélérer sa libération en faisant pression sur Dubaï aux yeux du monde.

 

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