Marie Lenclos nous a ouvert les portes de son studio londonien, à deux pas de Brixton. L’occasion de découvrir l’univers pictural fascinant de cette artiste-peintre française à ne pas manquer : “J’essaie de recréer ces moments de surprise que l’on a lorsqu’on se promène et que la beauté ambiante nous séduit”, nous a confié Marie. Sa prochaine exposition se tiendra au café artistique Everyday Sunshine Shop de Stoke Newington du 6 au 26 novembre 2023.


Marie Lenclos a investi il y a quelques années les Whirled Studios, non loin de Brixton, où elle consacre l’entièreté de son temps à la peinture de paysages londoniens.
Quelques semaines avant l’ouverture de sa nouvelle exposition à Stoke Newington, elle nous a parlé de son parcours artistique, de sa passion pour la peinture, de ses sujets picturaux de prédilection, mais aussi de son rapport à Londres, sa ville de coeur, où elle s’est installée il y a 28 ans.

Marie Lenclos, ou “l'art qui coule dans les veines”
Qu’est-ce qui vous a amenée à Londres ?
J'ai fait une maîtrise de lettres modernes à la Sorbonne, à Paris. En parallèle, je peignais énormément l'été avec mon père en Bretagne pendant les vacances depuis ma jeune adolescence. J’ai eu envie d’explorer mon côté créatif. Je suis donc partie faire une année préparatoire d'art à Bruxelles, puis je me suis présentée pour venir faire des études à Londres, où j’avais fait six mois d’Erasmus. Je suis arrivée à Londres en 1995 pour faire un B.A en graphic design au Camberwell College of Arts. Ensuite, j’ai eu ma fille et j’ai enchaîné avec un master en Communication, Arts and Design au Royal College of Arts. Pendant une dizaine d’années, j’ai réalisé des documentaires vidéo sur des sujets de société en freelance. À ce moment-là, j'ai développé un regard sur la ville, qui est revenu plus tard au moment de ma reprise de la peinture.
Vous avez donc repris la peinture plus récemment ?
De mes treize ans jusqu'à la naissance de ma fille, j’ai beaucoup peint. Je réalisais surtout des natures mortes, des autoportraits et quelques paysages. Puis, par manque de temps, j'ai arrêté de peindre pendant presque 20 ans. Et petit à petit, quand mes enfants ont grandi, et que je les emmenais en Bretagne, je me suis remise à peindre avec le matériel de mon père. Tout l'été pendant deux ou trois ans, je peignais au lieu d'aller à la plage. Un mois de septembre, je suis rentrée à Londres et j'ai demandé à l'atelier de mon quartier s'il y avait une place, et il se trouve qu’il y en avait une. J’y suis toujours. C'était il y a huit ans. À partir de là, la peinture est devenue mon activité à temps plein.

Les paysages urbains londoniens, terrain de jeu favori de Marie Lenclos
Comment définissez-vous votre style ?
À Londres, je fais principalement des paysages urbains. Mais c'est assez récent, depuis peut-être trois ou quatre ans. Quand j'ai repris la peinture, je faisais encore des natures mortes, puis j'ai évolué vers de l'abstrait, avec des formes géométriques que je remplissais de couleurs. Un jour, comme mon regard était habitué à regarder la ville à travers une caméra, je me suis rendue compte qu'en observant minutieusement un paysage urbain, je voyais en fait des formes géométriques remplies par des couleurs. Je me suis alors mise à peindre des paysages urbains très figuratifs.

Dans ma peinture, j’essaie de recréer ces moments de surprise que l’on a lorsqu’on se promène et que la beauté ambiante nous séduit. J'ai appris à me faire confiance et à capturer ce moment
Quel est votre processus créatif ?
Pour les paysages urbains, je prends toujours des photos parce que la lumière est très importante et qu’elle passe en une minute. Dans mon travail, je choisis de représenter une partie de la réalité, qui est la réalité telle que je la perçois. Mes photos sont en général des moments d'architecture et de ville qui ne sont pas forcément considérés comme “beaux”, mais ce sont des moments que je vois, que j’apprécie, et que je décide de peindre.

Londres est-elle une ville qui vous inspire particulièrement ou votre travail se déplace-t-il d’une ville à une autre ?
Ma fille a vécu à Prague pendant deux ans et j'ai fait quelques peintures de Prague. J'ai également fait quelques peintures à Paris. Mais j’aime par-dessus tout revisiter mes sujets. Les ponts sont par exemple une série de peintures que je fais depuis des années et qui a beaucoup de succès. Autour de chez moi, il y a énormément de structures industrielles et de ponts-chemin de fer de l’ère victorienne qui traversent les rues en hauteur. Malgré le fait d’avoir vécu quinze ans dans mon quartier, je me suis rendue compte que je n’avais en fait jamais vraiment vu ces structures. Et le jour où je les ai vues, j’ai pu observer la lumière qui tombait du fait des angles, leur horizontalité par rapport aux murs de la ville, et les ombres spectaculaires que cela crée.

Ma peinture naît de la répétition, de la rencontre avec l'endroit. Je peins beaucoup ce qui est tout près de chez moi.
Qui sont les artistes qui vous inspirent ?
Bien longtemps avant de reprendre la peinture, il y avait des œuvres qui me plaisaient particulièrement quand j'allais voir des expositions d'art. J’aime beaucoup Edward Hopper ou Georgia O'Keeffe, qui est très connue pour ses peintures de fleurs en gros plan, mais qui a aussi peint des paysages urbains à New York. J'ai aussi toujours eu une sensibilité pour les artistes qui utilisent la lumière d'une façon très particulière. J'aime beaucoup les impressionnistes comme Paul Cézanne et Pierre Bonnard. Mon autre énorme inspiration, ce sont les films et les séries, qui me nourrissent énormément visuellement et qui retransmettent souvent la beauté des images de manière inattendue.

Crédit Steven Zucker
Qu'est-ce qui vous plaît dans la vie artistique londonienne ?
La vie artistique y est extrêmement dynamique. Il y a beaucoup d'opportunités pour les artistes. J'ai commencé à vendre ma peinture en faisant des portes ouvertes, à l’atelier ou chez moi. Les Londoniens se déplacent très facilement pour découvrir le travail d'artistes. Il y a une facilité à établir une vraie relation de confiance entre collectionneurs et artistes.
Pendant la pandémie, le milieu artistique s'est retrouvé coincé. Toutes les expositions qui étaient programmées ont été annulées. Matthew Burrows, un artiste britannique, a créé un concept : Artist Support Pledge. Les artistes proposaient une œuvre à la vente sur Instagram, pour moins de 200 livres. Les collectionneurs contactaient directement l'artiste pour l'acheter. Une fois qu’un artiste avait gagné 1 000 livres, il s’engageait à dépenser 200 livres chez un autre artiste. Les acheteurs récupéraient une œuvre unique, originale et en même temps, ils savaient qu'ils aidaient un artiste à vivre. Les artistes s'entraidaient mutuellement. Je n’ai fait que ça pendant un an, et grâce à ce concept, les gens se sont mis à acheter beaucoup plus d'art. J'ai pu acquérir plus d'abonnés et mon activité s'est développée.
Du 6 au 26 novembre 2023, du jeudi au dimanche de 10 heures à 16 heures, les tableaux de Marie Lenclos sont exposés à Everyday Sunshine Shop, un café artistique à Stoke Newington. Pour le bien de cette exposition, elle a réalisé une série de paysages urbains des alentours de la boutique.
En décembre 2023, les Whirled Studios organisent des portes ouvertes et invitent le public à venir découvrir le lieu dans lequel Marie Lenclos et d’autres artistes (peintres, sculpteurs, graphistes, photographes…) tiennent leur activité. Les visiteurs pourront acheter des œuvres directement aux artistes. L'adresse : Hardess Street, London SE24 0HN.
En 2024, Marie sera présente à l’Affordable Art Fair, la grande foire d'art contemporain tenue à Battersea Park. Puis en octobre 2024, elle tiendra une exposition près de Shoreditch, à Spitalfields. L’ensemble des informations sera disponible sur le site internet et le compte Instagram de Marie Lenclos.
Que faire à Brixton, le quartier de prédilection de Marie Lenclos ?
Brixton est un quartier du sud de Londres, situé à Lambeth. Foyer d’une importante communauté jamaïcaine issue de la génération Windrush, il est réputé pour sa richesse culturelle et son identité musicale et artistique marquée. Voici les activités que Marie Lenclos privilégie pour ses balades à Brixton !
- Visiter les Black Cultural Archives, un centre d’archives dédié à l’histoire des Britanniques caribéens et afro-descendants ;
- Aller voir un film à la Ritzy Picturehouse, le cinéma centenaire historique de Brixton ;
- Explorer Brixton Village, le “marché le plus vibrant et divers de Londres", qui combine "cuisine, shopping, musique et culture” ;
- Se restaurer à Pop Brixton, le food court fait de conteneurs qui offre des plats issus des quatre coins du monde dans une ambiance musicale unique.
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