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Si les Londoniens adorent leur Cornichon, les Parisiens ne veulent pas de leur Brie

La polémique autour de la Tour Brie à ParisLa polémique autour de la Tour Brie à Paris
Herzog & de Meuron
Écrit par Judith Chouzenoux
Publié le 23 décembre 2021, mis à jour le 24 décembre 2021

Londres est fière de son Cornichon, alors que les Parisiens refusent, eux, la construction du gratte-ciel en forme de « Brie. » Ce projet à 700 millions d’euros a semé la discorde au sein du paysage politique français.

 

Des Parisiens indignés se sont lancés dans une ultime tentative de stopper le projet de construction d'un gratte-ciel de 42 étages au cœur de la capitale. Le bâtiment, dont le budget s’élèverait à plus de 700 millions d’euros, a été comparé à un « morceau de brie géant » par de nombreux architectes et politiques français.

 

Une tour triangulaire qui abriterait des locaux de prestige

Conçu par les architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron, le building devrait s’étirer sur 42 étages et abriter des bureaux, un hôtel quatre étoiles, un centre culturel, ainsi qu’un centre de santé. Sa forme triangulaire et ses grandes baies vitrées en feraient un bâtiment atypique et moderne. S’il elle venait à être construite, cette tour deviendrait le plus grand gratte-ciel de la ville depuis la construction de la tour Montparnasse en 1973. Pour Unibail Rodamco, le plus grand groupe immobilier d’Europe qui soutient le projet, l’immeuble représenterait un « réel intérêt économique et culturel. »

 

Un projet très controversé depuis ses prémices

Pour de nombreux architectes, la « Tour triangle », qui doit être construite cette année, détruirait la ligne d’horizon de la ville et nuirait à son environnement et son économie. Les plans de la tour, souvent comparée à la Shard de Londres, ont été approuvés il y a déjà plus de dix ans, mais sa construction a été retardée à plusieurs reprises à cause des plaintes successives portées par des associations d'architectes, des militants et certains fonctionnaires parisiens. Didier Rykner, historien de l'art et fondateur du magazine Tribune de l’Art, s’est indigné : « C'est comme un gros morceau de brie dans le ciel que l'on peut voir de partout et c'est un problème », ajoutant qu’il préférait du « vrai fromage. »

 

Le brie divise la gauche politique

Le premier à s’être opposé au projet de construction est Philippe Goujon, le maire conservateur du 15e arrondissement, futur site de construction de la tour. Récemment, M. Goujon avait expliqué qu'il prévoyait de demander officiellement l'ajournement du projet lors d'une réunion du conseil municipal de Paris.

 

Le second élément qui pourrait mettre fin au projet découle d'une enquête préliminaire, menée par des procureurs, sur des soupçons de « favoritisme » de la part de la mairie de Paris envers Viparis, la société qui gère le site de la Porte de Versailles, où la construction doit avoir lieu.

 

La tour a créé un clivage inhabituel au sein de la gauche politique, les Verts étant fermement opposés à un projet soutenu par Anne Hidalgo, la maire socialiste de Paris. Emile Meunier, membre du parti écologiste français et président de la commission urbanisme et logement, a déclaré à l’AFP que la majorité de la classe politique se positionne « contre ce projet. »

 

Une tour qui serait trop peu écologique

Télérama, le magazine français, a critiqué le projet en affirmant qu’il était « dépassé, écologiquement absurde et construit hors de propos. » Alors que les partisans du projet affirment qu'il « sera un atout pour le développement économique et le rayonnement de la capitale » en générant « plus de 5 000 emplois pendant sa construction », Christine Nedelec, présidente du groupe de campagne SOS Paris, dément cette information. Selon, elle c’est l’inverse qui pourrait se produire : l’association soutient que le projet est « un scandale depuis le début » qui créerait « un désastre économique et écologique. » Selon le groupe, Paris disposerait déjà 1,5 million de mètres carrés de bureaux vides.

 

SOS Paris estime également qu'il faudrait « trois à quatre fois plus de béton et d’acier » pour construire la tour par rapport à un immeuble parisien classique. De même, sa forme irrégulière signifie qu’elle serait à l’origine d’une plus grande consommation d'énergie. A ce sujet, Mme Nedelec explique que ce serait « comme une chaudière qui doit fonctionner à plein régime à tout moment. »

 

Les Parisiens, attachés à leur architecture traditionnelle

Les Parisiens sont réticents à l’idée de construire de nouveaux immeubles dans la capitale. C’est ce que révèle un sondage dans lequel 62 % des Parisiens se sont dits opposés à la construction de grattes-ciels. Pour beaucoup, un immeuble aurait tendance à ne pas s’intégrer dans le paysage parisien et à perturber l'architecture haussmannienne classique de la ville.

 

Début novembre, un tribunal a annulé les décisions précédentes qui empêchaient les promoteurs d’obtenir un permis de construire, ouvrant la voie à un démarrage des travaux avant la fin de l’année. Mais les opposants se préparent encore à deux derniers efforts pour empêcher la construction.