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HISTOIRE - Eddy, combattant poète de la seconde Guerre Mondiale

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 28 juin 2012, mis à jour le 20 novembre 2012

Le Petitjournal.com dresse le portrait d'Eddy Hasson, un volontaire français des Forces Françaises Libres (FFL) durant la seconde Guerre Mondiale. À près de 100 ans, le grand homme nous livre son parcours exceptionnel avec une énergie et une joie de vivre toujours intactes

(Crédit : Julie Philippe)

Il a le sourire Eddy. Un sourire inoubliable dont il ne se départira pas tout au long de notre rencontre. Derrière cette bonhomie, se cache une vie incroyable. Né lors de la première guerre mondiale, son existence est un cours d'histoire à elle toute seule. D'origine espagnole, le jeune Eddy a 5 ans lorsqu'en 1919, sa famille s'installe à Paris. Très jeune, il apprend à se débrouiller pour gagner sa vie. Il multiplie les petits boulots, travaille sur les marchés. A 15 ans, il dort dans les rues de la plus belle ville du monde. Il vivra 3 ans avec des prostitués. Son goût pour les arts et notamment pour la poésie sont déjà présents. "Au début des années 1930, j'ai gagné 250 francs en écrivant une petite histoire, quelle joie, c'était une fortune ! J'ai pu acheter des bas que j'ai revendus aux prostitués que je connaissais", raconte-t-il.

Combattre dans la légion étrangère

1937. Un vent mauvais souffle sur l'Europe. Les plans d'Hitler sont déjà écrits, la Chine est envahie par le Japon. C'est cette année là qu'Eddy décide de s'engager dans la légion étrangère. Par idéal ? Par vocation ? Pas du tout. La raison invoquée est assez surprenante : "Je voulais écrire un livre sur la légion". Un reportage qu'il n'aura pas le temps de mettre sur papier. A la place, Eddy livre ses pensées sur la guerre par le biais de la poésie. Au cours de notre entretien, il ponctue souvent ses phrases de citations poétiques. Beaucoup évoquent la guerre et son absurdité, mais le thème favori du vieux monsieur se révèle être l'amour. Romantique, Eddy ? "La vie est une chance !", répond le vieil homme. "Et à la loterie, j'en ai eu beaucoup". Il faut dire que depuis presque 70 ans, il partage la vie de celle qu'il aime. Mais nous y reviendrons.

Pour le moment, nous sommes en 1939, la seconde Guerre Mondiale vient de débuter suite à l'invasion de la Pologne par Hitler le 1er septembre. Eddy va combattre à Narvik, en Norvège. Il est chargé de surveiller les prisonniers allemands. Des Allemands qu'il nomme, encore aujourd'hui, "les Boches". Au cours de cette période, Eddy perd beaucoup d'amis dans les combats. Ce sont ses souvenirs les plus tristes. "Le matin, on joue aux cartes avec les copains et l'après midi ils ne sont plus là, c'est terrible !".

(Crédit : Elodie LLanusa)(Leg : Eddy Hasson devant la statue de de Gaulle, le 18 juin 2012)

Un exil dès le lendemain de l'armistice

Eddy est en Bretagne lorsque les Allemands envahissent la France. Il n'attend pas pour s'exiler : il part en Angleterre. A peine arrivé, il joint les Forces Françaises Libres le 1er juillet 1940. Là, il signe un contrat de six mois au sein de la 13e demi-brigade étrangère. Il s'en va combattre en Afrique au Tchad, au Nigéria ainsi qu'au Gabon. Ceux qu'il combat sont des Français, mais Eddy n'hésite pas à tirer. "Pour moi les Vichystes étaient pires que les boches ! Ils ont fait leur travail !", s'emporte-t-il. Il reconnaît avoir eu peur lors de ces combats. "Tout le monde a la frousse, même ceux qui disent le contraire !", soutient le vieil homme. Au bout de ces six mois de contrat, Eddy retourne à Londres. Un autre combat s'annonce : il s'engage dans la civil defense et est chargé de récolter les cadavres sous les décombres. "J'ai ramassé les gens et procuré les premiers soins à ceux qui étaient encore en vie sous les gravats." Son visage s'assombrit lorsqu'il évoque "des choses terribles, les têtes écrasées et les corps disloqués" qu'il a vus. "En rentrant chez soi, on s'en souvient longtemps, la nuit surtout", évoque-t-il.

Ces années sombres sont aussi ponctuées de grands moments de joie. C'est au cours de celles-ci que notre aventurier rencontre Gwen, une Anglaise de 12 ans sa cadette. "Si je survis à la guerre, je t'épouse", lui dit-il alors dans un anglais épicé d'un charming french accent. Promesse tenue : les deux tourtereaux se marient en 1945. Ils auront un fils l'année suivante.

Eddy se souvient du 8 mai 1945, il était à Londres ce jour là. "C'était incroyable ! Tout le monde était heureux, nous sommes allés danser au Town Hall avec Gwen.  Hélas, ajoute-t-il, les guerres ont continué."

(Crédit : Julie Philippe)(Leg : Eddy Hasson avec une photo de lui plus jeune)

Des décennies de travail et de bonheur

A la fin de la guerre, Eddy et Gwen ont tenté de vivre à Paris avant de finalement revenir à Londres. "En France on ne connaissait plus personne", explique-t-il. Ils y vivront heureux pendant des décennies. Tour à tour chanteur d'opéra, comédien, décorateur d'intérieur, chef d'entreprise puis investisseur en bourse, Eddy qui est aussi polyglotte, s'estime "lucky". Pendant soixante ans, il pratique le yoga et la course à pied, s'engage dans l'association des Français libres, en devient le président et un membre très actif. Au cours de ses années de guerre, il a rencontré le général de Gaulle deux fois. Plus tard son chemin croisera celui de la Reine mère, qui aimait beaucoup les Français libres, et même celui de Picasso.

Il se dit heureux même si quelques regrets, notamment un manque de reconnaissance de ses actions durant la guerre, ternissent un peu son récit. "Je n'ai jamais rien eu, alors que j'aurai sans doute dû avoir la légion d'honneur", explique-t-il. Mais point d'amertume pour cet éternel optimisme qui à près de 100 ans s'occupe au quotidien de sa femme handicapée et continue à écrire des poèmes.

Eddy est un personnage, l'un de ceux que l'on aimerait rencontrer plus souvent. Un être qui nous permet d'affirmer que la vie est définitivement une chance, surtout quand on le veut. La France lui dit merci.

Julie Philippe (www.lepetitjournal.com/londres) jeudi 28 juin 2012

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Publié le 28 juin 2012, mis à jour le 20 novembre 2012