David Furlong est un acteur et metteur en scène, à succès au Royaume-Uni. Fort d’une carrière qu’il a construite entre Bordeaux, Paris et Londres, il nous parle de son théâtre, une œuvre métissée et inspirée des grands classiques français : “Dans nos études, en France, nous recevons du Shakespeare; pour les Britanniques, même un nom comme Molière leur est a peine enseigné ! "
La meilleure définition du théâtre, selon David Furlong, metteur en scène derrière Exchange Theatre, est sans doute un art inclusif, novateur et surtout métissé. D’origine mauricienne, l’acteur tombe amoureux de la culture française lors de ses études : “Mon père était littéraire et j’ai tout de suite adoré la culture artistique française… Tellement, que j’en ai raté mon bac de français ! J’étais tellement pris dans les sujets littéraires que je ne répondais plus aux questions.”
Cette déconvenue, David va la transformer en force. S' il n’a pas pu intégrer les classes préparatoires auxquelles il aspirait, il se dirige naturellement vers l’art du spectacle : “ Je n’avais pas le choix. J’ai intégré Présence, à Bordeaux une sorte de mini comédie française où tu joues et tu répètes toute la journée.” Il passe alors par un apprentissage à l’ancienne : rideau rouge, chapeau mal payé… Grâce à des rencontres, il décide de passer, en 2001, des concours pour intégrer une grande école de théâtre : “J’en rate 12, sur 13, mais j'accède à l’École nationale du théâtre de Chaillot”.
La découverte du théâtre au pluriel : de Chaillot à Shakespeare
Si de grands noms comme Albert Dupontel sortent de cette école, notre metteur en scène, lui, s’interroge encore sur son métissage et découvre une nouvelle manière de pratiquer le théâtre : inclure ses racines à chaque performance et les entremêler aux classiques français. Cette formule sera finalement au cœur de tous ses projets : “J’avais déjà la chance d’être bilingue. Je parlais anglais avec ma mère et français avec mon père. Mes professeurs m'invitaient à pratiquer des textes mauriciens. Je me suis senti plus assimilé que jamais”
“En 2004, je rencontre la personne avec qui je vais faire ma vie,” nous révèle-t-il. Ni une, ni deux, il la rejoint à Londres, terre du théâtre classique. “L’Angleterre est plus ouverte à la diversité. Le théâtre que je pratiquais au départ était uniquement dans des rôles d’Indiens,” se remémore-t-il en souriant.
La méconnaissance outre-Manche des classiques du théâtre français
Ce qui a marqué David en posant ses valises à Londres, était la méconnaissance des grandes œuvres françaises, il raconte :
En discutant avec mes collègues, je me suis aperçu que dans nos études, en France, nous recevons du Shakespeare; pour les Britanniques, même un nom comme Molière leur est a peine enseigné ! ”
“Le théâtre britannique est tourné vers ses auteurs, son écriture et bien évidemment Shakespeare,” reprend-il d’un ton taquin. Alors pourquoi ne pas monter un spectacle d’auteurs français, à Londres ? La pièce Échange de Paul Claudel voit le jour, dans cet esprit, à Londres, en 2006.
Du statut de comédien à celui de metteur en scène
Petit à petit, les Britanniques s'intéressent à ces œuvres françaises qui se jouent par-ci, par-là sur le territoire. Exchange Theatre naît alors que David est au même moment ouvreur.
Par chance, dans l’année qui suit, l’Institut français du Royaume-Uni remarque le petit groupe alors qu’il cartonne avec Les Mouches, de Jean-Paul Sartre. Ils sont invités en résidence pour créer un spectacle par mois pendant un an. Dans le même temps, David et sa compagne créent les cours de jeu et un système se met rapidement en place. “Ce sont les élèves des cours qui permettent à Exchange de se produire sur scène. Je passe de comédien à metteur en scène, en gérant mon spectacle annuel, les workshops et ma mission à l’Institut,” nous confie David. L’année suivante (2008), notre metteur en scène est en mesure d’avoir son propre studio au cœur de Londres, qui n’a d’ailleurs pas bougé depuis !
La reconnaissance d’un travail à la française : les OFFIES Awards
À partir de 2010, David essaye d’atteindre le public anglais avec de nouveaux textes français et notamment : Un air de famille. “Nous créons la pièce en français mais aussi en anglais, avec des acteurs bilingues, un vrai succès commercial.” Aux 10 ans d’Exchange, David réalise qu’il n’a toujours pas touché au symbole du théâtre à la française : Molière. Rapidement, Le Médecin malgré lui est joué sur les planches britanniques et notre groupe passe un nouveau cap : “ Nous avons eu une reconnaissance critique très forte, 5 étoiles dans la presse anglaise et nous avons été nommés meilleure mise en scène aux OFFIES award.” La cérémonie vient reconnaître et célébrer l'excellence, l'innovation et l'ingéniosité des théâtres indépendants Off West End à travers Londres.
Nous ne changeons pas une équipe qui gagne, David met en place une deuxième pièce de Molière, dans un nouveau rôle, celui de “facilitateur de talents” avec 3 à 4 spectacles d'élèves par an. Il rentre par ailleurs, en 2017, à la Royale Opera House en tant que premier assistant.
Cette seconde pièce de Molière jouée est Le Misanthrope, et il ne manque pas sa cible. La troupe est nommée meilleure création vidéo et meilleur spectacle aux Offies. Les productions s’enchaînent, avec des moyens toujours plus gros. Avec The Flies, en 2019, David souhaite faire de l’art, un message : “Nous nous posons des questions que les autres ne se posaient pas : comment dégenrer un rôle, intégrer des nationalités mixtes au cœur de la pièce, faire jouer une personne en chaise roulante…”
L’après coronavirus synonyme de renouveau ?
En 2020 il devient fierement artiste associé au Young Vic Theatre et explore les identités métisses et invisibilisées. Mais le confinement viendra interrompre cet association...
Pendant le confinement, notre metteur en scène doit stopper son activité en présentiel : "Nous avons mis en place un spectacle anti-raciste pour enfants en ligne, notamment pour l'institut français du Royaume-Uni, ainsi qu'un documentaire sur notre travail", nous explique-t-il."
En 2022, en 2022, David croit en la réouverture et inaugure une nouvelle pièce de Molière, Don Juan, mais il était encore trop tôt pour faire un retour, malgré l'intérêt de la presse, dont le Guardian. Depuis septembre 2022, David travaille en tant que comédien (Alice at the Asylum, en tournée en Grèce, ou The Wind and the Rain au Finborough Theatre). Il dirige maintenant seul Exchange Theatre, avec un parti pris temporaire : l'arrêt des gros spectacles. Au contraire, il préfère aujourd'hui superviser le travail d'autres artistes émergeants, comme Léa Des Garets, qu'il produit en ce moment a l'Omnibus Theatre - jusqu'au 13 Juillet, dans sa création sur George Sand, mais aussi une communauté de participants amateurs avec le festival Enfin en Scene qui a lieu en ce moment au White Bear Theatre. Les élèves de David y reprennent Un air de famille de JP Bacri et Agnes Jaoui, les 6 et 7 Juillet, mis en scène par Hervé Goffings.
Enfin David vous propose deux découvertes : Les Nouveaux Barbares, jeudi 4 juillet au soir, une comédie sociale de Frédéric El Kaïm et Côté Scene Côté Orchestre de Jean-Francois Sivadier, du 10 au 13 juillet. Il a également une mise en scène qui fait le festival d'Avignon cet été, Je vis avec Freddie Mercury. Il promet cependant d’autres projets pour bientôt, cela se passe juste ici !