Édition internationale

À Windsor, Charles III s’emploie à réparer une amitié franco-britannique fragilisée

C’est une image que le Royaume-Uni chérit depuis des générations : le carrosse royal glissant lentement dans les rues de Windsor, escorté par des gardes en grande tenue. Ce mardi, Charles III accueille Emmanuel Macron pour une visite d’État de trois jours, la première d’un président français depuis Nicolas Sarkozy en 2008 et, surtout, la première d’un chef de l’Union européenne depuis le Brexit.

Visite Emmanuel MacronVisite Emmanuel Macron
Écrit par Morat Alizée
Publié le 9 juillet 2025

Derrière la solennité des fanfares et les dorures du château, c’est un moment hautement politique. Alors que l’Europe est secouée par la guerre en Ukraine et que la relation transmanche a connu de nombreuses turbulences, le souverain britannique joue un rôle discret mais central dans cette tentative de réconciliation entre Paris et Londres.

 

Une visite aux allures de tournant

Le président français a été reçu à Westminster, où il a prononcé un discours devant les députés et les pairs. Un banquet d’État s’est tenu à Windsor, en présence de la famille royale au grand complet, dont le prince et la princesse de Galles une apparition remarquée alors que Catherine poursuit son traitement contre le cancer.

Le point d’orgue de la visite aura lieu jeudi, avec un sommet bilatéral coprésidé par Emmanuel Macron et le Premier ministre Keir Starmer. Au programme : défense, énergie nucléaire, intelligence artificielle, coopération culturelle… mais surtout deux sujets hautement sensibles : le soutien à l’Ukraine et la gestion de la crise migratoire dans la Manche.

Visite d'État du président français au Royaume-Uni : à quoi s’attendre ?

Plus de 20.000 traversées en petites embarcations ont été recensées dans les six premiers mois de l’année, et les deux gouvernements espèrent conclure un accord sur le retour des migrants irréguliers vers le continent.

Charles III, acteur d’une diplomatie subtile

À 76 ans, Charles III s’impose progressivement comme un souverain engagé sur la scène internationale. Depuis le début de son règne, il a accueilli à plusieurs reprises le président ukrainien Volodymyr Zelensky, même après un passage houleux à la Maison-Blanche face à Donald Trump. Le monarque a aussi adressé une invitation personnelle à Trump, attendue à l’automne, pour une seconde visite d’État au Royaume-Uni.

Francophile assumé, il parle couramment la langue de Molière, Charles III avait choisi la France pour son tout premier déplacement officiel à l’étranger, en septembre 2023. Dans un discours au Sénat prononcé dans un français irréprochable, il avait salué la mémoire de la reine Elizabeth II, reçue six fois à l’Élysée. Il avait reçu une ovation debout.

« Il n’est pas qu’un symbole », estime le commentateur royal Richard Fitzwilliams. « Il incarne une diplomatie douce mais efficace, à un moment où le gouvernement a besoin de rétablir des ponts. »

Réparer les séquelles du Brexit

Le souvenir des années Johnson reste vivace dans les esprits. Les négociations houleuses du Brexit, les tensions sur la pêche, les querelles autour de l’Irlande du Nord ou des migrants… autant de dossiers qui ont creusé une méfiance durable entre les deux pays. À Paris, certains n’ont pas oublié les remarques sarcastiques de l’ancien Premier ministre britannique, David Cameron à l’égard des Français. À Londres, la virulence d’Emmanuel Macron contre le Brexit reste en mémoire. Mais depuis l’arrivée de Keir Starmer à Downing Street, les signaux de réchauffement s’accumulent. Le Premier ministre travailliste a déjà rencontré cinq fois son homologue français et l’a accompagné, avec le chancelier allemand Friedrich Merz, lors d’un déplacement symbolique à Kyiv.

En mai dernier, Londres et Bruxelles ont convenu de « réinitialiser » leurs relations. Dans ce contexte, le lien bilatéral entre Londres et Paris apparaît comme essentiel. Les deux capitales, puissances nucléaires et membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, souhaitent aussi moderniser les traités de Lancaster House de 2010, qui encadrent leur coopération militaire, et renforcer la force conjointe CJEF.

Une confiance à reconstruire

Pour Sébastien Maillard, analyste à Chatham House et ancien conseiller de la présidence française, la visite ne suffira pas à effacer des années de tensions. « La mémoire de ces temps difficiles ne s’est pas encore dissipée », souligne-t-il auprès de la BBC. « Mais face à la menace russe, aux incertitudes américaines et à la nécessité de soutenir durablement l’Ukraine, Londres et Paris n’ont pas vraiment le choix : ils doivent se faire confiance à nouveau. » La relation reste néanmoins fragile. Côté français, l’exécutif traverse une période d’instabilité. Emmanuel Macron, affaibli par les élections législatives anticipées de 2024, gouverne sans majorité.

Pour le président français, cette visite à Londres est donc aussi l’occasion de redorer son image sur la scène internationale. Et rien de tel, pour cela, qu’une mise en scène royale : le faste de Windsor, les honneurs militaires, les photographies avec la famille royale… et le soutien implicite d’un souverain qui, sans jamais prendre position, sait manier les symboles avec habileté.

 

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