Édition internationale

Sur la Manche, le ballet des “taxi-boats” continue malgré les risques

À la faveur d’une météo clémente et de vents favorables, une nouvelle vague de traversées a eu lieu ce lundi 30 juin sur les plages du Nord. En l’espace de quelques heures, cinq canots pneumatiques ont quitté les côtes françaises et ont embarqué des dizaines de migrants déterminés à rejoindre l’Angleterre.

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Écrit par Morat Alizée
Publié le 7 juillet 2025

Le ballet a commencé à l’aube, vers 4 heures, dans l’obscurité encore épaisse sur la plage d’Équihen, au sud de Boulogne-sur-Mer. Un premier groupe d’une vingtaine de personnes a embarqué dans un canot, dont seulement quatre occupants portaient un gilet de sauvetage. L’embarcation, inhabituellement peu chargée, pourrait avoir servi de “taxi-boat”, une technique désormais utilisée par les passeurs pour transporter les exilés en plusieurs temps, loin des forces de l’ordre.

 

Traversées de la Manche: sur la plage, la foule des élus et des déçus

Vers 6 heures, d’autres groupes se sont dirigés vers la plage. Ils ont levé les yeux vers l’horizon, espérant apercevoir leur embarcation. Peu après, quatre autres canots ont fait leur apparition au même moment. Leur arrivée a déclenché une course effrénée vers la mer. La scène, parfois chaotique, s’est déroulée sous les yeux des promeneurs matinaux : des touristes en short, des riverains accompagnés de leurs chiens.

Des familles repoussées, des embarcations échangées

Dans la panique, certains migrants ont été repoussés dans les dunes par les gendarmes, déployés pour bloquer les accès à la plage. D’autres ont tenté de rejoindre les canots en pleine mer, parfois avec des enfants sur les épaules, mais l’eau montait jusqu’au cou. Incapables de monter à bord dans les temps, plusieurs familles ont fini par renoncer, encouragées par les forces de l’ordre à revenir sur le rivage.

Dans l’eau, deux canots ont échangé des passagers, tandis que les gendarmes maritimes et les pompiers surveillaient les opérations depuis un jet-ski et un zodiac. L’embarquement d’un des bateaux a duré près d’une heure et demie, dans une tension palpable.

Une stratégie d’évitement de plus en plus rodée

En faisant arriver les canots par la mer plutôt que de les gonfler sur la plage, les réseaux de passeurs espèrent échapper aux patrouilles françaises. Ces dernières n’hésitent plus à percer les embarcations avant qu’elles ne prennent le large. Mais depuis plusieurs semaines, des images qui circulent sur les réseaux sociaux montrent une évolution : certaines interventions se déroulent désormais jusque dans les premiers mètres en mer.

Face à la pression britannique, Paris envisage de modifier sa doctrine. Une réflexion est en cours pour permettre l'interception des embarcations jusqu’à 300 mètres des côtes françaises. Actuellement, une fois à l’eau, les autorités ne peuvent procéder qu’à des opérations de sauvetage, conformément au droit international maritime.

18.500 traversées et 17 morts en 2025

Depuis le début de l’année, 18.500 migrants ont réussi à traverser la Manche à bord de “small boats”, selon les autorités britanniques. Ce chiffre dépasse de 6.000 les statistiques des six premiers mois de 2022, année déjà record. Mais le danger reste immense. Dix-sept personnes ont perdu la vie en tentant la traversée depuis janvier, rappelle le ministère de l’Intérieur. L’année 2024, la plus meurtrière à ce jour, avait enregistré 78 décès.

Sur la plage, après le départ des canots, les bénévoles de l’association Opal'exil sont venus en aide aux exilés restés à terre, en leur distribuant vêtements secs et boissons chaudes. Quelques heures plus tard à Lille, neuf passeurs afghans et kurdes étaient condamnés.

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