Dans six semaines, les Britanniques trancheront : le Premier ministre Rishi Sunak et le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer se sont lancés jeudi dans la bataille des législatives du 4 juillet, où le Labour part grand favori après 14 ans de règne conservateur.
Distancé de longue date d'une vingtaine de points dans les sondages, le chef du gouvernement conservateur de 44 ans a assuré qu'il comptait "se battre pour chaque vote", en annonçant mercredi à la surprise générale, et sous la pluie, un scrutin estival.
Dans les matinales comme dans son premier déplacement de campagne inaugurant une tournée expresse aux quatre coins du pays, Rishi Sunak a martelé son argumentaire. Il s'est posé comme celui qui prend des "mesures audacieuses" pour assurer la sécurité des Britanniques, et dispose d'un "plan clair" qui commence à porter ses fruits, face à un Labour synonyme d'un "retour à la case départ".
Accusant le Labour d'offrir "l'amnistie" à l'immigration clandestine, il a toutefois concédé que les vols pour expulser des migrants vers le Rwanda, mesure phare de sa politique en matière d'immigration, ne décolleraient qu'après le scrutin, s'il est réélu.
Preuve, aux yeux de Keir Starmer, que Rishi Sunak lui-même "n'a jamais cru" dans ce projet controversé que le Labour promet d'abandonner.
Sur les terres traditionnellement conservatrices du sud-est de l'Angleterre, le travailliste a lui aussi repris son refrain, étrillant les conservateurs qui ont passé "14 ans à tourner en rond pour aller absolument nulle part". Et résumé ainsi le choix qui se pose: "la poursuite du déclin et du chaos" avec les conservateurs ou la "reconstruction du pays" avec le Labour.
- Préparation de longue date -
La plupart des journaux mettent en exergue le pari que représente ce scrutin, qui pour la première fois depuis 1945 - où le travailliste Clement Atlee l'avait emporté face à Winston Churchill - se tiendra en juillet.
La tâche s'annonce titanesque pour Rishi Sunak, qui n'est pas parvenu à redresser la barre depuis qu'il est entré en octobre 2022 au 10, Downing Street après les scandales de l'ère Boris Johnson et la quasi-crise financière qui a marqué les 49 jours au pouvoir de Liz Truss.
Les sondages donnent le Labour autour de 45% des intentions de vote contre moins de 25% pour les Tories, semblant promettre les rênes du pays à Keir Starmer, ancien avocat et directeur du parquet de 61 ans, qui depuis la débâcle électorale de 2019 a reconstruit et ramené son parti vers le centre gauche.
Après la succession des gouvernements conservateurs sous cinq Premiers ministres marquée par le Brexit, les Britanniques semblent pourtant décidés à tourner la page, épuisés par la baisse du pouvoir d'achat des deux dernières années, le déclin des services publics - surtout du système de santé, à bout de souffle -, la hausse des taux d'intérêt ou encore la crise du logement.
Mais "dans toute démocratie", rien n'est jamais fait "jusqu'au décompte des voix", relève Tony Travers, professeur à la London School of Economics, l'électorat peut tourner "très vite". "Mais pour l'heure, on dirait qu'on aura un changement de gouvernement le 4 juillet."
Les études d'opinion ne traduisent pas non plus un enthousiasme massif pour le Labour. Citant le "cliché" en politique britannique selon lequel "l'opposition ne gagne pas les élections, le gouvernement les perd", le politologue souligne que les travaillistes s'efforcent de se présenter comme "éligibles", espérant que les "échecs" des conservateurs "suffiront" à les faire perdre.
Les Tories se trouvent aussi sous la menace du parti nationaliste et populiste Reform UK qui, crédité de 10% d'intentions de vote, risque de priver les Tories de sièges clés. Ils présenteront des candidats dans 630 des 650 circonscriptions que compte le pays.
Mais la formation ne pourra pas bénéficier de la notoriété de son président honoraire, Nigel Farage, champion du Brexit, qui a annoncé qu'il ne briguerait pas de siège, lui qui a été candidat malheureux à sept reprises à Westminster mais a été élu au Parlement européen de 1999 à 2020.