Le 20 septembre, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a annoncé une série de changements relatifs au plan de neutralité carbone, fixé à 2050. Il a fait savoir que le Royaume-Uni allait revoir plusieurs de ses objectifs à la baisse, suscitant entre autres l’inquiétude d’élus, de scientifiques et d’activistes britanniques. L’arrêt des ventes de véhicules roulant au diesel ou à l’essence est notamment repoussé de cinq ans.
Après une fuite d'informations concernant les intentions du gouvernement britannique en matière de lutte contre le dérèglement climatique, Rishi Sunak a été contraint à faire des annonces devant la presse britannique et étrangère le 20 septembre 2023.
D’après les indications données par le Premier ministre, le calendrier de mise en place du plan neutralité carbone voit un certain nombre de ses volets remis à plus tard. Ainsi, l’échéance fixée à la fin de la vente et de l’achat de voitures et d’utilitaires roulant à l’essence et au diesel est repoussée de cinq ans. La mise en place de cette mesure passe donc de 2030 à 2035. Par ailleurs, les citoyens britanniques auront toujours la possibilité de revendre et de se procurer ce type de véhicules à condition qu’ils soient d’occasion.
We're changing the way we reach Net Zero by 2050 to ease the burden on working people.
— Rishi Sunak (@RishiSunak) September 20, 2023
Our new approach will be pragmatic, proportionate and realistic.
Here’s how 👇 pic.twitter.com/RIY35Gia4Q
Un délai supplémentaire a aussi été accordé au remplacement des chaudières à gaz chez les particuliers. Il suffira d'attendre qu'une chaudière ait besoin d'être remplacée afin d'effectuer la conversion vers une pompe à chaleur électrique.
Dans sa communication officielle, Rishi Sunak ne manque pas de rappeler le peu d’impact que ces mesures doivent avoir sur sa politique globale de lutte contre le dérèglement climatique. D’après lui, même si ces mesures peuvent être vues comme un coup de frein dans sa politique, le Royaume-Uni sera bel et bien en mesure “d’honorer les engagements internationaux pour atteindre l’objectif zéro carbone d’ici 2050”.
Une stratégie populiste dans un contexte de rivalité électorale avec le Labour Party ?
Les prochaines élections générales se dérouleront dans un peu plus d'un an, en janvier 2025. Les citoyens britanniques se rendront aux urnes pour élire les membres de la Chambre des Communes, qui détermineront la couleur politique du futur gouvernement.
Avec ces nouvelles mesures, Rishi Sunak espère tout d’abord satisfaire ses électeurs conservateurs, dont une partie adhère aux discours climatosceptiques. Dans une courte vidéo publiée sur X (ex-Twitter), le Premier ministre insiste sur la nécessité de mener une politique écologique non-punitive et de “changer [leur] approche pour soulager le fardeau qui pèse sur les travailleurs”. Certains observateurs considèrent qu’il vise également la tranche populaire de l’électorat du parti travailliste tout comme celle du parti conservateur, en mettant en avant l’effort économique parfois élevé demandé aux citoyens dans la lutte contre le changement climatique.
La crise des Gilets jaunes de 2018 en France, qui avait été déclenchée par l’annonce d’une nouvelle taxe carbone pour les particuliers français, fait en effet craindre à de nombreux dirigeants l’arrivée d’un vent contestataire similaire au sein de leur population.
We will never impose unnecessary and heavy-handed measures on you, the British people.
— Rishi Sunak (@RishiSunak) September 20, 2023
We will still meet our international commitments and hit Net Zero by 2050. pic.twitter.com/XjXQzGVaCN
Rappelons que le Royaume-Uni fait face à une crise du pouvoir d’achat qui touche la grande majorité des habitants. En août 2023, le pays enregistrait un taux d’inflation annuel global de 6,3%. Ces annonces sont donc censées tomber à pic alors que les Britanniques peinent à tenir leurs comptes.
Des mesures qui divisent au sein même du parti conservateur
Dès leur annonce, les mesures de Rishi Sunak ont été jugées nocives par un grand nombre de personnalités politiques. Pour Edward Miliband, membre du parti travailliste et leader de l’opposition sur la question du changement climatique, les revirements proposés par le chef du gouvernement vont à l’encontre des aspirations économiques et écologiques des Britanniques. Au contraire, il juge que parce qu’il “augmente les coûts, détruit les emplois et retarde les mesures climatiques”, ce changement d’approche est une “vraie erreur”.
The British people want a plan to cut energy bills, boost wages, and tackle the climate crisis.
— Ed Miliband (@Ed_Miliband) September 25, 2023
That is why Rishi Sunak's cost-raising, job-destroying, climate-delaying u-turns are such a mistake.https://t.co/UjDcHTcavD
Ce constat est partagé par de nombreux économistes et climatologues internationaux. La revue indépendante du Net Zero a par exemple averti le Premier ministre d'un risque de perte de confiance des investisseurs et donc d'augmentation du coût de la décarbonation en cas de changements soudains de la politique écologique.
Ce recul des politiques vertes entreprises depuis plusieurs années par les gouvernements britanniques successifs n'a pas non plus suscité l'unanimité dans les rangs conservateurs. Mercredi dernier, l'ex-Premier ministre Boris Johnson, alors en déplacement en Ukraine, a fait parvenir une déclaration à la presse. En réaction au rétropédalage amorcé par Rishi Sunak, il a souhaité rappeler à son successeur qu'il "ne peut pas se permettre de faiblir maintenant" sur les ambitions du pays en matière écologique et environnementale.
Rishi Sunak politiquement affaibli jusque dans les sondages
Les réactions aux annonces de Rishi Sunak ne s’arrêtent pas au simple mécontentement de la classe politique. Une étude menée au lendemain de la conférence de presse par l’agence de sondages YouGov montre que la popularité du Premier ministre conservateur plonge désormais à son plus bas niveau depuis le début de son mandat, en octobre 2022. 68% des Britanniques auraient en effet une opinion défavorable vis-à-vis du leader du gouvernement.
Quant à l’opinion des électeurs Tory, elle reste quasiment inchangée depuis le discours du 20 septembre, faisant craindre aux équipes gouvernementales un effet électoral nul voire négatif de ces annonces.
Le rendez-vous est donc donné en janvier 2025, à l’issue des prochaines élections générales, afin de savoir quel poids aura eu ce revirement de situation dans les urnes.