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“ Je te violerais bien” : la Met Police épinglée pour des SMS racistes et violents

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Ehimetalor-akhere-unuabona - Unsplash
Écrit par Léonie Bayon
Publié le 2 février 2022, mis à jour le 2 février 2022

L’Independent Office for Police Conduct (IOPC) - l’équivalent britannique de l’IGPN - a révélé dans son rapport des comportements discriminants, des propos sexistes et racistes au sein des rangs de la Metropolitan Police.

 

Ces propos, défendus par les intéressés comme des plaisanteries, ravivent la question de l’exemplarité de la police au Royaume-Uni, déjà mise à mal ces derniers mois suite à une multitude d’affaires. Le rapport fait d’ailleurs suite à une enquête interne lancée en 2018 après qu’un policier a eu une relation sexuelle au poste de police avec une femme en état d'ébriété. Suite à cette révélation, neuf enquêtes avaient été menées, conduisant à plusieurs radiations, démissions et sanctions au sein de la Met Police.

 

"Frappe ta femme une fois... et dis rien" 

Les enquêteurs ont mis la main sur des messages échangés entre policiers, à caractère sexuel et sexiste marqué, mais aussi des messages racistes, antisémites, homophobes, violents et discriminatoires. La violence de ces conversations touche plusieurs groupes sur WhatsApp et Facebook. L’IOPC parle de comportements loin d’être isolés ou anciens. “Je serais ravi de te violer”, “Frappe ta femme une fois… et ne dis rien”, “Si j’étais célibataire je serais heureux de t’endormir au chloroforme”, “Mon père avait kidnappé des enfants Africains et s’en servait pour faire de la pâtée pour chien”, “Mettre une femme dans son lit c’est comme étaler du beurre : ça peut être fait avec un peu d’effort en utilisant une carte de crédit, mais ça va bien plus vite avec un couteau” sont quelques exemples glaçants parmi les SMS épinglés par le rapport baptisé “Opération Hotton”.

 

 

Le problème touche tous les corps de la police. Beaucoup d’officiers prennent part à des messages évoquant le fait de frapper et de violer des femmes, parfois leurs propres collègues. La ministre de l’Intérieur Priti Patel a dénoncé des comportements "scandaleux" et assure que "le public s'attend à juste titre à ce que le comportement de la police soit irréprochable" et estime ainsi que "les normes doivent être relevées".

 

Les messages, qui remontent parfois à 2016, n’ont jamais été signalés, par peur de harcèlement au sein même du poste de police. Celles et ceux qui s’y risquaient étaient parfois harcelés, exclus et humiliés. Nombreux sont ceux qui dénoncent un silence institutionnalisé face à ces comportements récurrents. Le maire de Londres Sadiq Khan a qualifié ce comportement de "totalement inacceptable" et prédit que "ce qui a été révélé par ces enquêtes ne fera que nuire davantage à la confiance du public dans la police".

 

En réponse face à ces faits édifiants, le rapport de l’IOPC propose plusieurs recommandations suggérant, entre autres, que les personnes en charge des enquêtes concernant la police soient encore plus indépendantes, dans l’espoir que ces affaires soient moins étouffées dans l’entre-soi protecteur des forces de l’ordre. Concluant que la “culture du harcèlement” a été “acceptée” et “jamais remise en cause” au sein de la police, l’IOPC recommande par ailleurs que les parlementaires “s’engagent à une tolérance zéro face au harcèlement”. Concrètement, des formations et accompagnements de victimes devraient être mis en place, estime le rapport.

 

Des suites de la publication du rapport, la Met Police a présenté des excuses officielles. “Nous présentons nos excuses à tous les Londoniens et toutes les personnes que ces policiers ont trahi par leurs comportements déplorables. Nous sommes également conscients que ces faits vont abîmer la confiance de beaucoup à l’égard de notre institution”.

 

Un regain de tensions depuis bientôt un an

Les tensions envers la police avaient commencé après le viol et le meurtre par un policier de Sarah Everard, début mars 2021, alors qu’elle rentrait chez elle au sud de Londres. Le corps de la jeune femme de 33 ans avait été retrouvé dans un bois du Kent une semaine après sa disparition. La nouvelle avait fait l’effet d’une bombe et depuis, la défiance envers la police gangrène toujours le pays.

 

En mars 2021, une veillée féministe en hommage à Sarah everard avait été violemment réprimée par la police, relançant à la fois le débat sur les violences policières et les violences faites aux femmes. Le 13 mars, de nombreuses femmes avaient été menottées, poussées et jetées au sol alors qu’elles s’étaient réunies pour une marche pacifique rendant hommage à la jeune femme. En pleine crise sanitaire, la police avait voulu dissoudre la manifestation au prétexte d’infractions aux règles sanitaires et à l’ordre public. On y rapportait des bougies et des fleurs écrasées et piétinées, déclenchant rapidement une vive émotion et une colère face à une police soupçonnée de vouloir les réduire au silence. A l’époque, les femmes dénonçaient aussi le comportement inapproprié de la police face aux plaintes pour viol ou agressions sexuelles.

 

Les échauffourées n’ont fait qu’escalader après une proposition de loi visant à accroître le pouvoir des forces de l’ordre et à restreindre le droit de manifester au Royaume-Uni : la “Police, Crime, Sentencing and Courts bill”, adoptée en seconde lecture par la Chambre des Communes. Depuis, la police a le pouvoir d’imposer des heures limites pour les manifestations et peut intervenir si la manifestation fait “trop de bruit” et “gêne le voisinage”. Une loi qui reposerait trop, selon ses opposants, sur le jugement subjectif des forces de l’ordre et ouvrirait ainsi la porte à des abus de pouvoirs. Dans le contexte de l’an dernier, la loi portée par le gouvernement Johnson était très mal passée auprès d’une partie de la population, qui avait lancé le mouvement « Kill the Bill ». Une nouvelle fois, les rassemblements avaient dégénéré, notamment à Bristol où le poste de police avait finalement été attaqué.

 

Une relation conflictuelle avec les minorités

Les dernières révélations remettent en lumière le problème historique des rapports de la police avec les minorités. Les messages offensants voire violents font état d’un problème de langage. « Gay » y est par exemple utilisé comme une insulte. Mais le passé a aussi montré que le langage s’accompagne parfois d’actes violents. Ce fut le cas avec les manifestations féministes mais, plus largement, le problème touche aussi la communauté noire britannique. Le rapport évoque notamment des propos indignes sur le mouvement Black Lives Matter ou les mosquées. Alors que la police avait fait l’objet de nombreuses réformes à la suite du meurtre par un policier de Stephen Lawrence, un adolescent noir tué alors qu’il attendait le bus en 1993, elle révèle encore de nombreuses failles et la nécessité d’engager des réformes durables.