Édition internationale

Karim Kattan : “redécouvrir mon livre à travers une autre langue, c’est magique"

Karim Kattan, écrivain palestinien a rencontré son public londonien ce jeudi 8 mai à l’Institut français de Londres. L’auteur était de passage dans la capitale pour présenter la version anglaise de son premier roman, Le Palais des deux collines, publié en 2021 et récompensé par le Prix des cinq continents de la francophonie. Lors de sa visite, il exprime : “ c’est toujours marrant pour moi de présenter mon livre en anglais, un livre que j’ai écris en français. C’est une occasion de le redécouvrir sous l'œil de la traduction et c’est hyper chouette.”

karim kattan_0karim kattan_0
Karim Kattan était à Londres à l'occasion de la dernière date de sa tournée au Royaume-Uni. Il est allé à la rencontre de ses lecteurs anglais.
Écrit par Morat Alizée
Publié le 14 mai 2025

Après avoir parcouru Édimbourg, Newcastle, Oxford ou encore Bristol, Londres était la dernière étape d’une tournée britannique riche en échanges. “C’est toujours marrant pour moi de parler d’un livre que j’ai écrit en français… en anglais. Mais en fait, c’est une vraie redécouverte. Ça me fait réfléchir différemment à mon propre texte”, confie-t-il, quelques heures avant la rencontre. Habitué à parler de ses romans en français, cette expérience est comme une deuxième ou plutôt une troisième vie pour ses livres et c’est quelque chose qui l’émeut “ Ça me touche énormément” exprime t-il un sourire aux lèvres. 

 

“Mes livres sont politiques, car tous les livres sont politiques qu’on le veuille ou non”

 

Une Palestine onirique et politique

Dans ses livres, Karim Kattan refuse les clichés. Il ne cherche pas à expliquer la Palestine, encore moins à représenter son peuple à travers des témoignages ou reportages. Ce qu’il propose, c’est un détour par la poésie, par l’imaginaire, par une forme de rêverie engagée. Son dernier roman, L’Éden à l’aube, raconte une histoire d’amour queer entre deux Palestiniens, Gabriel et Isaac, dans une Palestine fictive, peuplée de fées, de chevaliers, et de paysages irréels. “Ce n’est pas un reportage. Ce n’est pas une description ni un témoignage. C’est une Palestine rêvée, mais structurée par l’apartheid, et par ce qu’il fait aux corps et aux intimités.” Le roman ne délivre pas de message. Il invite, plutôt, à ressentir, à se laisser porter par un monde à la fois familier et lointain. “Mes livres sont politiques, car tous les livres sont politiques qu’on le veuille ou non. Mais pas au sens d’un manifeste. Ils parlent du monde autrement. Ce sont des objets littéraires, pas des tribunes.”

 

Le Palais des deux colline un livre qui vit, ailleurs et autrement

Lorsqu’il parle de ses romans, Karim Kattan le fait avec pudeur et franchise. Il évoque le temps long de l’écriture, les doutes, le lâcher-prise nécessaire une fois le livre publié. “On y met ses tripes. Et puis, un jour, il est là. On ne peut plus le toucher, le corriger. C’est parfois douloureux, mais aussi euphorisant. Et puis on le voit vivre, ailleurs, dans d’autres mains.” Ce qui le touche le plus ? Les interprétations inattendues des lecteurs. “Il y a toujours cet espace entre ce qu’on écrit, et ce que les gens lisent. Chacun vient avec son imaginaire. C’est souvent flou, visuel, personnel. Et tant qu’il n’y a pas de contresens, je trouve ça magnifique.”

 

Karim Kattan : de la poésie au roman, une écriture libre

 

En parallèle de L’Éden à l’aube, l’auteur a publié récemment un recueil de poèmes, Hortus conclusus. “Ils se répondent. Ce sont deux livres très différents, mais qui ont été écrits presque en même temps.” Karim Kattan aime expérimenter. Il passe de la prose à la poésie, du réalisme à la fable, sans jamais se figer : “je ne me définis pas par un genre. J’écris pour créer quelque chose qui, à un moment, me plaît. Et parfois je suis surpris par ce que ça donne.” Quand on lui demande ce qui déclenche l’écriture, il répond sans hésiter : “Les livres. On écrit parce qu’on lit. Parce qu’on a aimé des histoires. Ma grand-mère me racontait beaucoup de contes. Et j’ai voulu, moi aussi, un jour, faire ressentir ce que je ressentais en lisant.”

 

Une littérature francophone, libre et fière

Très attaché à la francophonie, Karim Kattan écrit en français, et en est fier. Il ne se revendique pas d’un “Paris littéraire”, mais bien d’un espace plus large, plus libre. “Le Prix des cinq continents de la francophonie m’a permis de voyager avec mon livre : au Canada, au Sénégal, en Suisse… Et maintenant ici, au Royaume-Uni. C’est une chance de voir mes livres résonner dans des mondes différents.” Et pour ceux qui lisent ses textes, il a un vœu simple, sincère : “Du plaisir. Si j’arrive à offrir cela, à une seule personne, alors j’ai réussi.”

 

Commentaires