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God save the jubilé

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Single des Sex Pistols
Écrit par Tontonsweplayrocknroll
Publié le 6 février 2022, mis à jour le 7 février 2022

70 ans de règne, un jubilé de platine et une contestation aux multiples disques d'or.

 

En ce jour béni du 6 Février, louées soient la sainte couronne et la Reine d'Angleterre. Si, si, vous savez, l'île en face de Dunkerque, où à la pluie succède la pluie, pour ce qui s'annonce mémorable : le jubilé de platine d'Elizabeth II.

 

70 ans de règne, ça se festoie, mais croire que ce fût un long fleuve tranquille, des Rolling Stones, en passant par The Sex Pistols ou U2, rien n'en est moins sûr.

 

Pour vous jeunes Gaulois réfractaires, un jubilé est une commémoration nationale donnée pour les 25 ans de règne d’un souverain. Jubilé d’argent pour Elizabeth II en 1977, puis, pour les 50 ans, jubilé d’or en 2002, de diamant en 2012, et de platine en 2022. Si la date du 6 Février n'est pas le lancement officiel dudit jubilé, elle n'en demeure pas moins la date d'accession au trône et le début du règne de la reine mère, son couronnement n’ayant lieu que le 02 juin 1953.

 

Les commémorations et festivités du jubilé du 2 au 5 Juin

On peut aisément imaginer que préparer un sacre royal ne pouvait pas se faire en deux minutes, comme celle des élections présidentielles françaises où nous avons pu découvrir une remontée des Champs-Elysées à bord d'une Citroën avec la blanquette de veau planquée dans le coffre ou encore une investiture au Louvre. Étrangement, faire une marche triomphale au sein de l'ancien palais des Rois aurait dû nous mettre la puce à l'oreille.

 

Dans les faits, les commémorations et festivités du jubilé se dérouleront du 2 au 5 Juin avec en prime des jours fériés afin que le plus grand nombre puisse festoyer avec BoJo en tant que gentil organisateur, du moins on espère. Avis à tous les français, on va bouffer de la Reine ces prochains mois, matin midi et soir.

 

Cette année est historique ! Eh oui, c'est les 70 ans de "Mon Manège à Moi" de la grande Edith et paradoxalement le premier jubilé de platine en Angleterre. Pour vous, jeunes Hobbits, il convient de préciser que la couronne d’Angleterre est une institution créée en 1066 par Guillaume le Conquérant. Tiens ? Un Français… Ne serait-ce pas aussi notre jubilé ?

 

Elizabeth II, un des règnes les plus longs

Elizabeth II balaye la Reine Victoria, 63 ans de règne, le Pharaon Ramsès II, 66 ans. Seul en tête, Louis XIV et ses 72 ans de règne qui, lui seul, a eu un jubilé de platine. Croire que la royauté et le régime n'ont pas subi reproches, critiques et soubresauts, serait une gageure et en premier lieu le symbole même de de l'Angleterre, le "God Save The Queen" ou du moins le "God Save The King".

 

- 1668, en France, Louis XIV est opéré avec brio d’une fistule anale, sans anesthésie... Son compositeur attitré Lully compose un air "Dieu Sauve Le Roi". Pour s’en sortir vivant, il fallait être très croyant ! Le Roi d’Angleterre, Jacques II, alors en exil en France, apprécie cet air et souhaite en faire son hymne lors de son retour sur le trône. Ce qui n’arrivera pas, du moins pour lui...

 

- 1745, George II, nouveau souverain, s’approprie ce chant très populaire et en fait son hymne national…

 

 

Comme quoi, rien ne sert de critiquer la couronne Britannique, elle se ridiculise très bien toute seule ... Trêve de chauvinisme, restons sérieux.

 

Les Britanniques adulent leur Reine. Tous ? Compte tenu de la population, bien entendu que non, n’oublions pas que ce fût un Empire, qu’un Empire n’est pas franchement égalitaire et que certaines de ses colonies ont...certains griefs. Résumons quelques "contestations sociales" :

 

- 1845/1850 : en pleine famine Irlandaise, la Couronne spécule sur le peu de denrées restantes. Les Irlandais meurent de faim, fuient aux États Unis, ou sont déportés dans les colonies.

Pete St John écrivit "Les Champs de Atherny", l’histoire d’un homme condamné à l’exil pour le vol de quelques féculents. Ça ne rigolait pas à l’époque et impossible, pour la Couronne, d’empêcher la propagation d’un chant.

God Save The Queen…

 

 

Et comment ne pas évoquer le fameux "James Mc Clean Hates The Queen" ? Difficile de dater sa création mais très facile d’y prêter l’oreille lors d’un match au stade de Glasgow. Ni subtil, ni poétique, mais quelle puissance !

 

 

-1986 : en visite officielle en Nouvelle-Zélande, certains Maoris contestataires jettent des œufs sur le cortège et sur la Reine Elizabeth II. Bien entendu, aucun ne l’atteint, mais le geste est fort. Il aurait été dommage de maculer de jaune d'œuf la tenue forcément impeccable de la Reine.

 

 

Il faut noter que lors de sa précédente visite, en 1963, ne trouvant pas assez de Maoris pour le traditionnel accueil en costumes typiques, le gouverneur Anglais fît déguiser des colons anglais pour les danses tribales...ça pique un peu.

 

 

-1945, fin de la seconde guerre mondiale, les Empires Coloniaux Européens vacillent mais refusent de l’admettre. Churchill dira : "L’Angleterre s’écroule dans l’ordre, la France se relève dans le désordre". En l’espace de vingt ans, tout se disloque. La France ne conserve que les Dom-Tom, l’Angleterre crée son Commonwealth. Ça a le goût de l’Empire, ça ressemble à l’Empire, mais ce n‘est pas l’Empire. Ses ex-colonies sont maintenant des partenaires commerciaux indépendants, l’honneur est sauf.

God Save The Queen...

 

 

La société a changé et la jeunesse dorée aspire à une forme de liberté. C’est la fabuleuse période des sixties, qui depuis 1962 et l’arrivée des Beatles permettent à l’Angleterre et surtout à Londres une effervescence culturelle sans précédent.

Les Baby Boomer, les jeunes nés après-guerre, découvrent le Rock’n’roll Américain, moult groupes se forment, apprennent la musique sur le tas, un sentiment de pouvoir et de changement se développent.

 

Le temps des possibles

-1967, l’été de l’amour. Des fleurs dans les cheveux, la jeunesse anglaise voit le futur avec espoir. Pas, ou très peu, de chômage, Londres est "The Place To Be". "Make Peace, Not War" était le slogan à la mode, la consommation était à son paroxysme, la contestation scandait "Paix Au Viêt-Nam", nul n’inquiétait la Couronne, ce n’étaient que de jeunes hippies, vivant, sans le savoir les derniers sursauts d’un Empire à l’agonie.

Les Rolling Stones osent, en 1967, face à leurs déboires avec la justice, détourner l'en-tête des invitations royales "Their Majesties wanted and request", pour le titre de leur album en le tournant en un "Their Satanic Majesties request...".

God Save The Queen…

 

Their Satanic Majesties request

 

Bon, ça ne les empêchera pas d’accepter le titre de Lord… Arff, les Stones contestent quand ça les arrangent. Tollé général, mais le nom de l’album ne sera pas censuré.

Jusqu’en 1969, la Couronne contrôlait étroitement son image. Un reportage de la BBC désirant humaniser la famille royale dévoile leur intimité devant trente millions de Britanniques éberlués, où on y voit le Prince Philip griller des saucisses, la Reine préparer une vinaigrette et le Prince Charles jouer du violoncelle. Ce documentaire finit dans les archives Royales avec interdiction de diffusion.

God Save The Queen…

 

-1972 : Irlande du Nord, manifestation de 20 000 Catholiques à Derry (Londonderry pour les protestants) sous le chant de "We Shall Overcome" (Nous Triompherons) rendu célèbre par Joan Baez, un hymne pour tout un peuple.

 

 

Les parachutistes Anglais, présents pour "assurer la sécurité" reçoivent l’ordre de disperser tout ce joli monde, ils prennent peur devant la foule désarmée et tirent. Quatorze morts, pour la plupart de jeunes mineurs.

 

 

Ce Funeste Dimanche restera dans les annales comme le "Bloody Sunday".

 

 

Deux jours plus tard, Paul Mc Cartney & The Wings enregistrent "Give Ireland Back To The Irish" et est immédiatement censuré par la couronne Britannique.

God Save The Queen…

 

 

Non sans reste, John Lennon, du moins John&Yoko With Plastic Ono Band & Elephants Memory and Invisible Strings sortiront de leur côté "Sunday Bloody Sunday". Bis repetita, interdit en Grande-Bretagne.

God Save The Queen…

 

 

 

En souvenir et pour les dix ans de ce massacre, le groupe U2 reprend haut le flambeau avec le mémorable "Sunday Bloody Sunday" même titre, même cause, morceau différent et hymne de toute une génération.

God Save The Queen…

 

 

Sur trois décennies, ce conflit causera 3720 morts et 47 000 blessés.

God Save The Queen…

 

Mais une fois l'Empire fini, l'Angleterre se réveille avec une gueule de bois monumentale.

Le choc pétrolier de 1973 décime les Nations. Pour résumer c’est l’équivalent d’un "Coup de tête, balayette" façon JCVD. Quoiqu' elle en dise, l’Europe mettra quinze ans à s’en relever ; (Et encore...) C’est la fin des trente glorieuses.

En Angleterre et ailleurs, les usines ferment, le chômage explose, la monnaie est dévaluée le peuple ne croit plus en rien, des manifestations s’enchaînent avec leurs lots de répressions, les minorités ethniques sont accusées de tous les maux par la montée des nationalismes, les jeunes ont pour avenir un mur d’incompréhension. Côté musique, tout s’enflamme. 1976, le Reggae, le Punk prônent un changement. 1977, grave période de tensions au royaume d’Albion.

Les Sex Pistols sortent un single avec une pochette reprenant le portrait officiel de la Reine, cette dernière, affublée d'une épingle à nourrice, d'une croix gammée dans l'œil et des textes comparant le régime au Fascisme. Impossible de mettre la main sur l’originale. 

 

God

 

Ce single "God Save the Queen" sera, certes, interdit sur les antennes de la BBC, mais surtout, les ouvriers des usines refuseront d’imprimer le 45t. Quoi ? Des prolétaires défendent l’aristocratie ?

 

 

Et pourtant, même les Pistols n'osent attaquer de front la Couronne. Ils critiquent le régime, mais fait d'arme d'un mouvement Punk à son apogée et déjà à l'agonie, ils organiseront la plus grande contre-manifestation du mouvement Punk : un concert donné sur une péniche descendant la Tamise pendant le jubilé de 1977, choquant pour l’Angleterre. En France c'eût été simplement anecdotique !

 

 

Bon, depuis, Virgin, leur maison de disques, a repris a repris l’iconographie des Sex Pistols comme visuel pour ses cartes bancaires...les temps changent. 

 

carte de crédit virgin

 

-1979, les années noires du début du thatchérisme et son lot de détresses sociales. Une fois de plus la contestation sera aussi musicale. Le groupe The Clash en devient le point d’orgue. Mélangeant habilement la puissance du Punk dans ses textes, son chant et ses guitares et le Reggae dans sa basse/batterie, ils en appellent à un regroupement des communautés, Blancs, Noirs, Pakis. Une même lutte contre le Pouvoir et l’injustice des classes. Combat perdu d’avance, comme le souligne le single "I Fought The Law"

 

 

Pourtant, ils vont rappeler au monde que durant une période, pas si lointaine, Londres était vue comme la lumière guidant la Liberté. "London Calling", ça ne vous dit rien ? C’était simplement le "Jingle" de la BBC que les esclaves du Nazisme attendaient d’entendre pour connaître la Vérité, hé oui De Gaulle, tu n’étais pas tout seul !

 

 

God Save the Queen...

Mais si nous avons abordé succinctement les différentes contestations qui ont pu secouer la Grande-Bretagne, à n'en point douter, la stature de la Reine n'a été que peu touchée directement.

Comment expliquer qu’un peuple qui doit se révolter ou peut se révolter ne touche pas à la sainte institution monarchique ? En France, tout serait plus simple... "C’est la faute à (de) la Reine."

Que nenni, nous sommes en Angleterre, on ne touche pas à la Couronne et surtout pas à la Reine.

Ah ? Mais pourquoi ?

La réponse pour nous semble simple. En France, nous avons une République. Ayant chassé le Roi (du moins il est reparti avec le corps d'un côté et la tête de l'autre), en lieu et place d'un monarque aux pouvoirs absolus, il fût mis en place un Président prônant la séparation des pouvoirs, enfin en apparence.

En Angleterre, la Reine est un titre honorifique et traditionnel. Elle n’a aucun pouvoir, n’a pas son mot à dire (quoique). Elle représente, Elle inaugure. Son premier ministre gouverne et tombe, s’il y a besoin.

On ne critique pas la Reine.

Et la Reine ne critique pas. Elle rassemble et unifie.

Jamais elle ne dira vouloir "Emmerder les réfractaires qui ne sont rien". (Même s’ils n’ont qu’à traverser la rue pour trouver un emploi...)

Ce serait "So Shocking".

Jamais personne ne lui mettra une gifle, aucun "Casse toi pauv'con" ne sortira de sa Royale bouche, ni un doigt d’honneur de ses Vénérables mains.

God Save The Queen...

 

Mais alors, qui pour contester et surtout pour critiquer la Reine ? Il faut admettre que le story telling est presque parfait.

 

En un mot, enfin presque, Bataille de Londres, Georges VI visite les ruines, parle aux sinistrés, pendant que sa fille, Elizabeth, s’engage à 18 ans comme conductrice de ravitaillement. La prochaine reine est déjà au turbin tout de même ! À plusieurs reprises, l’image de la Reine aurait pu être "déboulonnée" (c’est le terme à la mode).

Mais, n’en déplaise à Napoléon, cette monarque a su jouer avec son image, comprendre le nouveau monde et se jouer des tabloïds :

 

-1981, le mariage du prince Charles avec Diana Spencer, la presse à scandale se défoule, dévoile, au fur et à mesure des années, des adultères de part et d’autre et indirectement, critique la couronne... Certes, le public achète pour s’en délecter. Mais personne ne critique la Reine, ça reste quand même un conte de fées !

God Save The Queen...

 

-1992, grand incendie au château de Windsor, le peuple doit payer les restaurations. Là, ça grogne. Que fait la Reine ? Elle prend en charge les travaux et décide de payer des impôts. 1997, à la mort de Diana, Tony Blair, le premier ministre, sous-entend qu’un discours de la Reine serait le bienvenu, pourtant, ils sont divorcés. La Reine le donnera en direct avec des obsèques nationales. Voilà, c’est ce qu’attend le peuple.

God Save The Queen...

 

Pour ses 80 ans, suite à un tirage au sort, un déjeuner est organisé au palais de Buckingham avec un panel d’octogénaires roturiers, du jamais vu !

 

Elle va même jusqu’à parler à Lady Gaga, oui, c’est de la Com, mais c’est ce dont rêve la jeunesse anglaise.

God Save The Queen...

 

 

Et ça fonctionne. Ajoutez à cela le fait d’être enlacée par Michelle Obama lors d’une visite officielle… Mon Dieu, PERSONNE NE TOUCHE LA REINE ! Eh oui, mais pourtant, Elle l’enlace en réponse.

God Save The Queen...

 

Reine Elizabeth II, une icône intemporelle

Moralité, même en cherchant, mis à part les Pistols et ce fabuleux mouvement Punk, nul n’a cherché à entacher la royauté en la personne d’Elizabeth II. C’est une icône, un modèle qui a rassemblé plus d’un million de personnes, sous la pluie, pour son jubilé de 1992.

 

Tout n’a pourtant pas été tout rose. Lorsqu’on ajoute à la récession des seventies, les répressions d’un autre temps en Irlande et l’engagement durant la guerre des Malouines… On vous laisse voir.

 

Les années 70/80 auraient pu être celles de la chute de la Royauté. Mais non, grâce au travail de la Com et (leur maîtrise?) des tabloïds. Les années 90 virent éclore une nouvelle image.

 

Des tenues… ridicules aux couleurs fantasques : "Comme elle les porte bien !" De formidables chapeaux qu’Elle seule saurait porter : Victor Hugo a pu écrire : "Le coup passa si près que le chapeau en chût." Une marche à descendre pour saluer un Président : "L’ai-je bien descendue ?" Et ce nombre incommensurable de voiles d’inauguration, "Quel geste pur et limpide".

God Save The Queen...

 

Pour clôturer cet historique jubilé, un concours de pudding va être organisé. Ridicule ? Certes non.

God Save The Pudding...

 

N’oublions pas que, quoiqu'en disent certains, ce n’est pas une reptilienne. C’est simplement une femme de… d’un certain âge.

Amis Anglais, n’ayez pas peur si son soutien est une canne.

70 ans de règne, ça pèse sur les épaules.

Et qui nous soutiendra quand Elle ne sera plus là ?

Elle pourrait être notre grand-mère à tous.

Sincèrement God Save The Queen… mais tout dépend la version.

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