

Les Roms et la manière dont ils sont considérés par le gouvernement français sont au c?ur de l'actualité. Mais qu'en est-il chez nos voisins britanniques ? Les gens du voyage ? en majorité des Irlandais (Irish Travellers) ? ne sont pas mieux traîtés. On ne les renvoie pas au pays, car la plupart sont des sujets de Sa Majesté, mais on les expulse de leurs propres terrains
Katherine McCann est encore en peignoir quand le premier camion déboulle sur son terrain. A quelques mètres de sa caravane, la compagnie d'huissiers Constant & Co, spécialisée dans l'expulsion des gens du voyage, installe un premier préfabriqué destiné aux employés de sa compagnie. Katherine fume cigarette sur cigarette. Elle est nerveuse, à bout de nerfs. ?Ca fait 8 ans que ça dure, explique-t-elle, j'ai eu beau acheter mon terrain, je n'ai pas le droit d'y vivre?. Katherine et les 6 autres familles de Hovefields à Basildon dans l'Essex ont reçu un avis d'expulsion de la mairie il y a un mois. La date butoir est passée, ils sont contraints de quitter, par la force, les terrains qui leur appartiennent. ?Je suis bouleversée, concède Margaret, la soeur de Katherine, assise sur la banquette de sa caravane, maintenant qu'ils sont là, ils vont détruire nos terrains au bulldozer les uns après les autres pour faire en sorte qu'on ne revienne pas?.
L'atmosphère est tendue à Hovefields. ?Ce matin, avant que la presse arrive, un huissier, a donné un coup de poing au visage de mon oncle, raconte John, un Traveller d'une vingtaine d'années, il lui a cassé le nez. Il ne voulait pas quitter son terrain. Le même huissier s'en est aussi pris à Donna, notre voisine, il lui a carrément arraché une touffe de cheveux?, poursuit-il.
Des défenseurs des Droits de l'Homme sont présents, ils s'allongent sur le chemin boueux qui mènent aux terrains pour empêcher l'accès des bulldozers. Les huissiers les déplacent de force. ?Les huissiers n'ont pas le droit de toucher aux gens, seuls les officiers de police y sont autorisés?, crie une voix. Mais l'opération continue et se solde par l'arrestation de deux manifestants et l'invasion inéluctable des bulldozers.
Un refus quasi-systématique pour les permis de construire
Les expulsions de gitans sont monnaie courante en Grande-Bretagne. Le scénario est classique : les familles achètent des terrains, demandent des permis de construire aux mairies, qui de manière quasi-systématique, leur refusent. Les Travellers ont beau continuer à vivre dans leurs caravanes et n'avoir construit aucun bâtiment, ils sont considérés comme hors la loi par les autorités. Ces dernières sont censées leur proposer des alternatives de logement. ?On nous propose des appartements en HLM, mais ce n'est pas notre mode de vie. On veut rester ensemble, les uns à côté des autres et continuer à vivre dans nos caravanes?, explique Margaret. Les larmes lui montent aux yeux et son regard se fige vers l'extérieur. ?J'aime ma vie de Traveller?, confie-t-elle.
Plusieurs communautés de gens du voyage
Mais qui sont les gens du voyage au Royaume-Uni ? Il existe plusieurs communautés (English Travellers, Scottish Travellers, Roms) mais la majorité d'entre eux sont d'origine irlandaise. Depuis des décennies, ils arpentent les routes du Royaume-Uni et sont originaires des quatre coins d'Irlande. Ce serait la grande famine du milieu du 19ème siècle qui aurait poussé leurs ancêtres à prendre la route à la recherche de travaux temporaires. Le voyage est devenu leur mode de vie et les routes du Royaume-Uni, plus propices au travail que celles d'Irlande, leur territoire de prédilection. C'est ainsi qu'aujourd'hui on estime qu'entre 15 000 et 30 000 Irish Travellers résident en Grande-Bretagne. Leur nombre est cependant difficile à évaluer : il se base essentiellement sur les enfants scolarisés.
La majorité vit dans des camps pour la plupart aménagés par les mairies. Mais les places dans ces sites sont chères, d'autant plus que les fonds que les travaillistes avait prévus pour leur expansion ont été annulés par le nouveau gouvernement de coalition au printemps dernier.
D'autres ont acheté des terrains et tentent comme les habitants de Hovefields, bien souvent en vain, d'obtenir des permis de construire. Ils vivent sous la menace perpétuelle de l'expulsion. Enfin, une minorité s'est sédentarisée. Mais les Gypsies britanniques ne perdent pas leurs traditions. La caravane est toujours amarrée à la voiture, prête au voyage, aux rassemblements familiaux et aux événements tels que les foires aux chevaux, comme celle d'Appleby dans le nord-ouest du pays.
Ce soir, c'est le chemin des bas-côtés des routes et des parkings de supermarchés que les expulsés de Hovefields vont prendre. Un des huissiers ose demander à un des enfants pourquoi il n'est pas à l'école aujourd'hui. A quoi bon ? Il ne sait même pas où il sera demain.
Le coup de force que viennent de subir les sept familles de Hovefields n'a malheureusement que des allures d'exercice préparatoire et de répétition générale avant la ?grande expulsion?. A quelques kilomètres de Basildon, les 1.000 Travellers de Dale Farm (la plus grande communauté de gens du voyage du Royaume-Uni) sont en effet les prochains sur la liste des huissiers. L'expulsion, prévue dans les 3 semaines à venir, sera la plus importante de toute l'histoire du Royaume-Uni.
Elisabeth Blanchet (www.lepetitjournal.com/londres) mardi 14 septembre 2010
[crédit photos: Elisabeth Blanchet]
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Video : Travellers' Eviction in Basildon from elisabeth blanchet on Vimeo.
