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Les cordes vocales des doubleurs de jeux vidéo britanniques protégées par un contrat

Un micro d'enregistrement utilisé pour les doublagesUn micro d'enregistrement utilisé pour les doublages
Jacek Dylag - Unsplash
Écrit par Judith Chouzenoux
Publié le 8 décembre 2021, mis à jour le 9 décembre 2021

Les doubleurs de jeux vidéo britanniques viennent d’obtenir un accord afin de protéger leurs cordes vocales contre les rugissements lors des combats et les « cris de mort déchirant la gorge » dans les jeux vidéo.

 

C’est un accord historique que vient de signer le syndicat des arts du spectacle Equity, un syndicat qui réunit de nombreux acteurs et doubleurs britanniques. Cet accord, conclu avec le studio de création à l’origine de jeux tels que Horizon Zero Dawn, Game of Thrones et Second Extinction, vise à protéger la voix et les cordes vocales des acteurs, souvent obligés de rugir et de crier lors des enregistrements.

 

Le doublage de vidéo : un métier qui n’est pas sans risque

 

Chacune des étapes de production d’un jeu vidéo est périlleuse, mais est surtout assez longue et intense. Les doubleurs peuvent être amenés à jouer plus de 100 heures de « dialogues » et de scènes pour un jeu à succès, au cours de sessions d'enregistrement intensives et dont les délais serrés offrent peu de pauses.

 

Mais en résultat, ces dernières années, de nombreuses voix-off anglaises ont signalé avoir développé des problèmes de santé, allant « de la toux sanglante à la paralysie à long terme des cordes vocales » rapporte le journal britannique iNews. Le syndicat explique que ces maux sont en partie dus à « l'énorme pression exercée sur leur voix pour répondre aux exigences des titres shoot'em up », un genre de jeu vidéo d’action assez violent dans lequel le joueur incarne un personnage devant anéantir un grand nombre d’ennemis.

 

Protéger les acteurs obligés de forcer sur leur voix

Cet accord est historique puisqu’il constitue le tout premier accord de ce type au Royaume-Uni. Il prévoit notamment un « minimum de cinq minutes de repos par heure obligatoire, afin de protéger la voix des artistes » dans le cas où un rôle les confronterait à un « stress vocal. » En d’autres termes, un repos leur sera imposé s’ils sont obligés de forcer sur leur voix pour crier, hurler ou grogner. L’entente prévoit également de faire appel aux « meilleures pratiques afin de ne pas dépasser les deux heures de stress vocal par jour. »

 

Un accord semblable a déjà vu le jour aux États-Unis en 2017, mettant fin à onze mois de boycott de la part du plus grand syndicat d'acteurs d’Hollywood contre les sociétés de jeux vidéo. Les doubleurs avaient alors obtenu des engagements leur promettant une plus grande part des profits générés par les titres à succès, et des solutions pour gérer leur « stress vocal. »

 

Des accords qui valorisent le droit des acteurs en tant que travailleurs

Ces accords obligent également les sociétés à informer les acteurs, au moment des auditions, sur les contenus du jeu et notamment sur la présence ou non de dialogues de nature « religieuse, sexuelle, raciale, sensible au genre ou potentiellement violente. » Ces mesures interviennent après que des acteurs se soient plaints qu'on leur ait demandé d'interpréter des scènes de nature sexuelle ou de proliférer des insultes raciales, dans les studios lors des enregistrement et sans avertissement préalable. Leur rémunération a elle aussi été revue à la hausse.

 

Les artistes de la voix, trop souvent dans l’ombre des productions, seront désormais payés au minimum £300 par heure d’enregistrement, pour tout jeu vidéo dont le budget global est supérieur à 5 millions de livres. La première heure, elle, sera payée £600.

 

« Sans cette mesure, l'industrie des jeux resterait le « Far West » des médias, alors qu'elle est probablement le plus grand employeur de talents. »

 

Mark Estdale, directeur de la voix et directeur général d’OMUK, un studio de casting et d'enregistrement de voix à Londres et Los Angeles, s’est réjoui de cet accord « important pour tous ceux qui travaillent dans et pour l'industrie des jeux. » Il a estimé « qu’à l'instar des accords sur la télévision, la scène et le cinéma, cette entente apporte de la clarté en matière de rémunération et de meilleures pratiques. Sans cette mesure, l'industrie des jeux resterait le « Far West » des médias, alors qu'elle est probablement le plus grand employeur de talents. »

 

Tim Gale, organisateur des médias enregistrés chez Equity, a pour sa part confié : « Nous sommes très heureux d'avoir convenu, pour la première fois au Royaume-Uni, d'un accord simple pour l'engagement de nos membres, dans le travail vocal dans les jeux vidéo. » Le représentant du groupe est persuadé que « ce contrat révolutionnaire » sera très bénéfique pour les 27 000 personnes employées par le marché des jeux vidéo au Royaume-Uni.