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Emmanuelle Nicot : “ Avec le film Dalva, j’ai découvert ce qu’était un tabou”

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Emmanuelle Nicot et Julie Esparbes à l'Institut Français de Londres
Écrit par Ewan Petris
Publié le 3 mai 2023, mis à jour le 3 mai 2023

Emmanuelle Nicot, réalisatrice du film Dalva, était à l'Institut Français de Londres le 28 avril. Elle célébrait la sortie de son film au Royaume-Uni, avec des projections dans divers cinémas londoniens. L'occasion pour elle, de revenir sur l’élaboration de Dalva et sur un tournage atypique.

 

Vendredi 28 avril, Emmanuelle Nicot, réalisatrice de Dalva, s'est rendue à l’Institut Français de Londres, accompagnée de Julie Esparbes, productrice du film. En plus d’une séance au Ciné Lumière, une foire aux questions était prévue entre la réalisatrice et les spectateurs. 

Le but de cette séance ? Promouvoir l’arrivée du film Dalva , outre-Manche. Pour la première fois de sa carrière, Emmanuelle Nicot va voir son film diffusé dans les cinémas anglais, une réussite selon elle : “Je n’aurais jamais imaginé que mon film sorte en Angleterre, c’est incroyable”, la réalisatrice de 37 ans est fière de s’étendre et de faire découvrir son projet :”Dalva est un film au sujet pas évident, il y a de l’appréhension quand vous allez le voir et vous en ressortez grandi.”

 

Pourtant, la réalisatrice explique que le cinéma n’était pas un premier choix : “Je n’avais pas prévu d’être réalisatrice à la base. Faire du cinéma a été mon moyen de résilience. J’ai vécu des moments compliqués et j’ai eu besoin de comprendre ce qui m’était arrivé. En racontant des histoires, j’ai donné un sens à ma vie, ainsi l’emprise est une notion qui me touche et qui revient dans chacun de mes films”

Mais que représente Dalva ? La réalisatrice définit son travail comme : “Un film traitant de la notion de résilience. L’histoire d’une fille qui progressivement va comprendre ce qu’elle a vécu, va comprendre qu’elle a été manipulée et pas aimée, par son père.”

Dalva affiche cinéma
Affiche du film "Dalva"

L’inceste, un tabou au coeur de Dalva

L’emprise. Voilà le maître-mot du film. “J’ai commencé à écrire Dalva il y a 6 ans avec à peu près 4 ans et demi d’écriture. Au cœur de l’intrigue, il y a la question de l’emprise entre un parent et un enfant, la plus dure à défaire. Enfant, le parent est perçu comme un dieu.”

 

L’inspiration principale d’Emmanuelle est la réalité, ce qu’il se passe dans les foyers et qui reste secret. Elle raconte : “J’ai fait une immersion fondamentale dans un centre d’accueil d’urgence pour adolescents. Lors de ma visite, j'ai rencontré des enfants qui semblaient souffrir davantage du fait d'avoir été placés en foyer que des événements qu'ils avaient réellement vécus chez eux. Ce sont des enfants qui ont une loyauté folle envers leurs parents et qui étaient dans un déni par rapport a leurs histoires.” 

 

Après avoir eu écho (par un éducateur) de l’histoire d’une petite fille de 6 ans ultra-sexualisée, qui vivait uniquement avec son père, elle a le déclic. La réalisatrice explique que le père était lui-même suspecté d’actes incestueux. Les policiers ont récupéré la petite fille dans son domicile et l’ont placée dans un foyer. Ainsi, Emmanuelle se lance :  “j’ai eu envie de raconter cette histoire à la venue de la puberté et c’est comme ça que Dalva est né” 

 

L’inceste est donc au coeur de l’intrigue, avec notamment le chemin de résilience d’une jeune fille, qui cherche à retrouver son innocence. Plus qu’un tabou, la réalisatrice a conscience de la portée que pourrait avoir Dalva : “En France, deux enfants par classe sont victimes d’inceste, et cela pose un gros problème : comment dénoncer un problème que nous ne savons même pas nommer à cet âge-là ?”

 

 

Dalva, un tournage particulier pour un film singulier

À 12 ans, Zelda Samson, actrice de Dalva, incarne un rôle particulièrement difficile, comme le souligne Emmanuelle : “J’ai reçu 5000 candidatures et j’en ai sélectionné au départ 300, qui devaient m’envoyer une vidéo et je suis tombée sur Zelda Samson. Cette jeune fille était déjà mature, avec un aplomb et un large vocabulaire. Quand la caméra a été allumée, j’ai tout de suite su que c’était elle”. En ce qui concerne les instructions données à la jeune fille, la réalisatrice explique : “n’avoir jamais parlé de sexualité avec Zelda, mais de solitude, d’isolement et d’amour”.

 

Zelda Samson Dalva
Zelda Samson, à l'affiche du film Dalva

Pour retranscrire au mieux les différentes émotions, la réalisatrice avait ses petites méthodes : “À chaque séquence, selon l’état du personnage (fatigue, colère) l’idée était de faire des exercices physiques pour mettre les acteurs dans l’ambiance. Une fois que je sentais l’acteur dedans, je pouvais dire “action”.“ 


 

L'histoire de Dalva dans les salles de cinéma anglaises

Si le film a pu être diffusé en France, la réalisatrice déclare avoir eu des difficultés à diffuser son travail aux plus petits : “Je pense que ce film peut être un moyen d’introduire des notions difficiles aux enfants. Mais en France, comme en Belgique, nous sommes face à un mur. Les écoles ne veulent pas du film, et je suis en train de découvrir ce qu’est un tabou”

Julie Esparbes, productrice du film, développe son propos, appuyant sur l’accessibilité de celui-ci : “Nous pensons qu’il doit être montré à l’école. Il n’est pas choquant, au contraire, il ouvre à la discussion.”

Le film est également classé interdit au moins de 15 ans au Royaume-Uni mais néanmoins, il sera projeté dans plusieurs endroits à Londres, notamment à Covent Garden, au Castle of Hackney et bien d'autres…