Édition internationale

Emmanuel Mouret : “Je suis très heureux que mon film soit diffusé en Angleterre”

À l’occasion de la projection de Trois Amies, actuellement à l’affiche à l’Institut Français du Royaume-Uni, nous avons rencontré le réalisateur Emmanuel Mouret. Réputé pour son cinéma intimiste, il revient avec un film qui suscite l’enthousiasme du public outre-Manche. Il se confie sur la genèse du projet, ses choix artistiques et la réception du long-métrage en Grande-Bretagne.

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Écrit par Ewan Petris
Publié le 26 juin 2025

Ce film est d’abord l’histoire de trois amies. À l’origine nous racontons le parcours d’une femme qui a un compagnon et un enfant, et qui, d’un coup, ne trouve plus le sommeil. Elle se rend compte qu’elle n’est plus aussi amoureuse que lui et se sent malhonnête, de se retrouver dans cette situation. Elle se confie à une de ses meilleures amies, qui lui dit : “C’est absolument normal. Moi, je n’ai jamais été vraiment amoureuse de mon compagnon, mais je suis bien avec lui.”

 

Ça ne l’arrange pas du tout, elle, de jouer la comédie, alors que lui est amoureux et grosso modo, son honnêteté provoque une séparation. Cette séparation provoque indirectement un accident : son compagnon, après avoir trop bu, a un accident qui lui est fatal. Ainsi on suit de près la reconstruction de cette femme notamment dans ses relations avec les hommes à venir. L’idée était de traiter le récit de quelqu’un qui veut être sincère, et qui, en étant honnête, provoque une situation dont elle ne se sort plus. 

Je ne voulais pas que le film soit trop tragique, ainsi, les deux autres amies sont venues contrebalancer le récit avec une façon différente de considérer les relations, l’honnêteté et l’amour. On peut dire que le film se situe entre la tragédie et la comédie selon les moments.

 

 

Cette question du dilemme amoureux est-il quelque chose que vous avez déjà expérimenté ?


Je pense que cette question, nous la connaissons un peu tous. Moi, ce qui m’intéressait dans ce personnage est ce dilemme auquel nous pouvons tous être confrontés : vouloir être honnête, et avoir peur de faire du mal. Cela revient à se demander : est-ce qu’il est bon de tout dire, et en même temps, qu’est-ce qui est bon pour soi-même ? Il s’agit là d’une question évidemment indécidable. 

Mais la question du dilemme est au cœur de beaucoup de mes personnages. Je dirais que souvent ces derniers sont pris entre deux désirs contradictoires : celui d’être quelqu’un de bien, qui respecte ses engagements, et celui d’être honnête avec ce qu’il ressent. Or, ces deux choses ne vont pas toujours ensemble.


Comment vivez-vous le fait que le film traverse les frontières et qu’il soit diffusé outre-Manche ?


Je suis très heureux que le film soit diffusé en Angleterre, à Londres. Mes films se vendent plutôt bien à l’étranger, mais plutôt dans des pays latins : l’Italie, l’Espagne, l’Amérique du Sud, les pays de l’Est… mais très rarement ou quasiment jamais au Royaume-Uni. Donc je suis content. 

J’ai commencé à aimer le cinéma avec autant de plaisir à voir un film anglais, américain, iranien, chinois, coréen, polonais et justement, selon moi, le cinéma n’a pas de frontières. C’est ce qui est intéressant dans le cinéma comme dans la littérature : les œuvres se communiquent d’une culture à une autre. Même si nous baignons dans une culture, nous nous comprenons un peu tous.

 

Quels retours avez-vous reçus de la part des spectateurs expatriés ?


Le film a été présenté à la Mostra de Venise, et j’ai eu là-bas des retours très variés. Ce qui m'intéresse est que chaque spectateur projette quelque chose de lui-même dans le film. Il y a autant de lectures qu’il y a de personnes dans la salle.


Chacun y voit une histoire différente, en fonction de son intimité. Ce n’est pas une question de culture ou de langue mais davantage une question de tempérament. C’est d’ailleurs ça que je trouve fascinant.

 


Les récompenses du film : 

Mostra de Venise 2024 :
Sélection en compétition officielle pour le Lion d’or
 
Gijón International Film Festival (Festival de Gijón) :
Nomination au prix Albar du meilleur film

Göteborg Film Festival :
Nomination au Dragon Award
 
International Competition Hainan International Film Festival :
Nomination du film au Golden Coconut du meilleur long métrage

 

Vous avez plus de 20 ans de carrière. Qu’est-ce qui vous anime encore aujourd’hui ?


Le mystère du résultat. Un film est une œuvre très préparée : nous écrivons, choisissons les comédiens, les décors, et répétons… Malgré tout, quelque chose d’imprévu surgit au moment du tournage. Cette part d’inattendu est magique.


Un jour, un jeune journaliste a demandé à Giacometti pourquoi il faisait toujours vaguement la même sculpture. Il a répondu : “Parce que je n’y arrive pas.” Je crois que c’est pareil pour moi : nous poursuivons un geste artistique que nous n'avons pas encore totalement réussi. Cette quête nous pousse à continuer.

 

Parlez-nous du tournage avec Camille Cottin, Sara Forestier et India Hair. Quelle ambiance régnait sur le plateau ?


Je dirais très studieuse. Le film comporte de nombreux plans-séquences, ce qui exige une rigueur particulière. Les actrices avaient beaucoup de déplacements à mémoriser, des enchaînements précis. Toute l’équipe était concentrée, très investie. Il n’y avait pas vraiment de place pour la décontraction, et c’était très beau à voir. 

 

Une phrase pour donner envie aux Francophones du Royaume-Uni de venir voir Trois Amis à l’Institut Français ?


Une spectatrice à Venise m’a dit : “Ce film, c’était exactement moi.” Ça m’a beaucoup touché. Trois Amies, ce sont trois portraits de femmes très différents, mais qui peuvent résonner en chacun de nous. Le cinéma permet parfois cela : nous faire sentir que des personnages très éloignés nous ressemblent profondément. Qu’en chacun de nous, il y a plusieurs personnages qui coexistent.


 

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