Arrivé dans le cadre de son Master à Lisbonne en 2017, Natan Jacquemin est le fondateur de l'entreprise Nãm, un projet d'économie circulaire qui transforme le marc de café en champignon. Lepetitjournal a été à la rencontre de cet entrepreneur belge pour connaître son parcours et le projet qu'il a développé.
Lepetitjournal.com : Qu'est-ce que Nãm ?
Natan Jacquemin : Nãm est un projet d'économie circulaire et une ferme urbaine. Notre objectif est de prouver que le déchet n'existe pas, que c'est une invention de l'être humain dans l'économie. Si on prend pour exemple la nature où le déchet n'existe pas, on peut alors penser le concept du déchet comme une opportunité. C'est la notion d'économie circulaire. Nous recyclons donc le marc de café qui va être un excellent substrat pour ensuite faire pousser des champignons que l'on vend principalement aux restaurants. J´aime bien le mot « nãm » qui veut dire champignon en vietnamien.
Nãm innove par son orientation plus économique et par l'équilibre que nous essayons de trouver entre économie et social
Comment avez-vous eu cette idée ?
Après avoir fait un bachelor de gestion à Maastricht, j'ai poursuivi mes études et donc mon Master à l´Université Catholique de Lisbonne. A la fin de mon Master, j'avais cette ambition d'avoir un impact positif et j'étais aussi très intéressé par l'entrepreneuriat. J'ai donc commencé à réfléchir à plusieurs modèles d'économie circulaire qui n'existaient pas au Portugal et plutôt simples à réaliser, sans besoins d'investissements colossaux et faciles à comprendre. J'ai choisi Lisbonne parce que j'aime la ville et les conditions de vie mais aussi parce que cela représentait une opportunité pour mon projet. Les projets d'économie circulaire ne sont pas vraiment développés ici, et le café est très consommé au Portugal, c'était donc symbolique de recycler le marc de café.
Je n'ai pas inventé l'idée d'utiliser le marc de café comme substrat. Elle a été pensée par un scientifique chinois dans les années 90. Nãm innove en revanche par son orientation plus économique et par l'équilibre que nous essayons de trouver entre économie et social. La plupart de ces initiatives dans le monde sont surtout sociales.
Comment avez-vous fait vos débuts ? Est-ce que cela a été difficile ?
Un investisseur français que j'ai rencontré dans un cours de portugais venait d'acheter un immeuble. Il a entendu parler de mon projet et il m'a proposé d'utiliser la cave de son immeuble gratuitement pendant un an pour que je cultive mes champignons. Cela m'a pris quelque temps pour trouver la recette des champignons mais les médias se sont intéressés et ont écrit quelques articles sur mon projet. À partir de là Delta café, le leader du café au Portugal, m'a proposé de collaborer. Eux cherchaient à être plus durable et écologique, moi je cherchais un producteur pour récupérer du marc de café : c'était un partenariat gagnant-gagnant. Je travaille donc depuis deux ans et demi avec Delta.
Notre ambition plus large est de développer des fermes dans plusieurs villes et de vendre localement.
Avez-vous des projets d'agrandissement de vos activités et d'expansion de celles-ci au-delà des frontières portugaises ?
Mon objectif c'est d'abord de développer ce projet d'économie circulaire partout au Portugal et éventuellement par la suite à l'étranger.
Les débuts ont été plus difficiles dans le contexte pandémique parce que le secteur de la restauration a souffert. Nãm étant dépendante de ce secteur, on a souffert avec eux. Cette année 2022 est donc la première réelle année où l'on va pouvoir voir le potentiel économique de l'entreprise. On développe un nouveau projet à Cascais où l'on produit sur place et on vend directement au marché de Cascais le mercredi, le samedi et le dimanche. Notre ambition plus large est de développer des fermes dans plusieurs villes et de vendre localement.
Avez-vous pensé à utiliser d'autres déchets que ceux du café pour produire des champignons ? Et est-ce possible ?
Oui c'est possible, notamment avec la drêche de bière. La drêche c'est ce que l'on obtient lors du brassage. Nous avons utilisé le marc de café parce que c'est riche en nutriments et aussi parce que c'est symbolique au Portugal, la plupart des gens consomment du café.
Pour éduquer les gens et les encourager à s'engager dans l'économie circulaire, on a créé des kits où vous pouvez faire pousser vos propres champignons
Quel est votre impact grâce à l'économie circulaire sur l'environnement et en particulier sur les émissions de carbone, quand vous produisez des champignons à partir de graines de café ?
L'impact le plus positif que l'on a chez Nãm c'est au niveau du transport et de sa réduction à 15 km. En réduisant le transport, la qualité du champignon est aussi meilleure. Notre impact est aussi éducatif. Il consiste principalement à la sensibilisation en organisant des visites et des ateliers, notamment en invitant des écoles pour leur montrer la production de champignons. Pour éduquer les gens et les encourager à s'engager dans l'économie circulaire, on a créé des kits où vous pouvez faire pousser vos propres champignons. Une solution plus simple à l'échelle individuelle serait aussi de faire son propre compost avec ses déchets organiques, dont le marc de café, pour faire son propre engrais.
Le plus grand défi du XXIème siècle est de réconcilier l'économie et l'écologie
Pensez-vous que les initiatives d'économie circulaire sont viables dans notre système par essence assez ou même ultra-libéral ?
J'opte pour une approche optimiste et positive de la situation actuelle. La manière dont le système capitaliste s'est construit est une opportunité de le changer. C'est possible à travers l'économie circulaire et d'autres modèles économiques. Une citation à laquelle je me réfère beaucoup dit : "le secret du changement est de concentrer toute son énergie non pas pour combattre l'ancien mais pour construire le nouveau". Le plus grand défi du XXIème siècle est de réconcilier l'économie et l'écologie. C'est exactement ce que l'on essaie de faire chez Nãm.