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Vivre en tant que LGBTQ+ à Lima

Vivre en tant que LGBTQ+ à LimaVivre en tant que LGBTQ+ à Lima
Defensoría Del Pueblo estime à 1,7 million le nombre de Péruviens non hétérosexuels.
Écrit par Caroline ROHR - Julie MARFIN
Publié le 8 juillet 2022, mis à jour le 10 juillet 2022

Le mois de la pride vient de s’achever. L’occasion de faire le point sur le mode de vie de la communauté LGBTQ+ à Lima. Quelle législation ? Où sortir ? Comment vivre en tant que personne concernée ?

 

Être gay, lesbienne, trans, ou bisexuel.le paraît effrayant en Amérique latine. Pourtant des milliers de personnes ont envahi les rues lors de la Gay Pride organisée le samedi 25 juin, à Lima. Du drag show aux campagnes de prévention, l’heure était aussi à celle des revendications. Car si la capitale bénéficie d’une importante communauté LGBTQ+, le droit de chacun.e est loin d’être acquis.

 

Vers la reconnaissance des droits LGBTQ+ au Pérou : quelques dates clés

Depuis plusieurs années, la communauté LGBTQ+ du Pérou se bat pour la reconnaissance de ses droits. Identité de genre, unions civiles entre personnes de même sexe ou mariage égalitaire… Face à un pays de contradictions, la bataille est loin d’être gagnée. Tiraillé entre désir de progrès et conservatisme religieux, le Pérou est pourtant l’un des premiers pays d’Amérique latine à avoir dépénalisé l’homosexualité, en 1924*. Depuis, le territoire a connu une lente évolution en matière de protection des minorités sexuelles. Si le Gouvernement reste hostile à l’avancée des droits des personnes non hétérosexuelles, le système judiciaire y est aujourd’hui plus favorable.

 

Voici quelques dates clés :

  • 2004 : Premier tournant pour la reconnaissance des droits LGBTQ+. Pour la première fois, l’Etat accorde une protection constitutionnelle aux personnes victimes de discrimination « en raison de leur orientation sexuelle ».
  • 2013 : La Cour constitutionnelle dépénalise les relations sexuelles entre mineurs consentants du même sexe (auparavant jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle). Les adolescents peuvent désormais avoir accès aux services de santé sexuelle et reproductive (dépistage, contraceptions...)
  • La même année, Carlos Bruce, sénateur, présente un projet de loi en vue de « créer une union civile non maritale pour les personnes de même sexe » et leur garantir droits et devoirs. Un an plus tard, c’est le premier fonctionnaire d’Etat péruvien à déclarer publiquement son homosexualité.
  • 2021 : Une proposition de loi pour l’interdiction des thérapies de conversion est soumise au Congrès. A ce jour, il n’existe aucune législation interdisant le recours à ce type de traitement.
  • 2022 : Alejandro Cavero, député du parti Avanza País, annonce un nouveau projet de loi en faveur de l’union civile.

 

*NB: Selon l’Ofpra, le Pérou est le premier État d’Amérique latine à dépénaliser les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe en 1837.

 

Des droits encore peu reconnus au Pérou

Pour l’heure, ces propositions de loi ont soit été rejetées, soit mises de côté par le Congrès. Si la communauté LGBTQ+ bénéficie d’une protection constitutionnelle, aucune législation n’a été prise en ce sens. Pire encore, en 2013, des députés rejettent un projet de loi en vue d’alourdir les peines en cas de discrimination, notamment « en fonction de l’orientation sexuelle » (56 votent contre, 27 pour). Sans compter l’affaire Azul Rojas Marin dans laquelle le Pérou « a été jugé responsable d’avoir commis des actes de torture et de discrimination contre une personne transgenre » il y a deux ans, par la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. A noter que si les personnes transgenres peuvent librement changer de nom, il est toujours interdit de changer la mention du « sexe » à l’état civil.

En réalité, ces progrès sont avant tout d’ordre politique. Aujourd’hui, la cause LGBTQ+ occupe une place de plus en plus conséquente dans le débat public. La société civile s’érige en grande défenderesse des droits et libertés fondamentales.

 

Vivre en tant que LGBTQ+ à Lima
Gay Pride Lima. Des associations de lutte pour la défense des droits LGBTQ+ sont présentes à Lima : Promsex, Red Peruana TLGB ou MHOL. Crédit photo : Caroline Rohr.

 

Quand les LGBTQ+ sont de sortie à Lima…

Vous voulez sortir dans la capitale le soir et vous êtes un adepte de la communauté LGBTQ+ ? Le Petit Journal vous propose une liste de lieux triés sur le volet. Lima cache de nombreux bars et boîtes de nuit où sortir s’amuser et danser sans modération. La communauté LGBTQ+ apprécie les endroits extravagants, où les queers et les drags queens viennent enflammer la piste de danse. Dans ces zones de liberté, il est possible de s’habiller comme on le désire, et de laisser apparaître sa personnalité. La ville est connue pour receler des trésors que tous les provinciaux viennent s’arracher. “La plupart de mes amis de province préfèrent venir à Lima pour s'amuser et sortir avec leur partenaire”, sourit Cristo, jeune péruvien pansexuel de 21 ans. Ces endroits ne sont cependant pas réservés uniquement à la communauté transgenre et gay… tous les publics y sont les bienvenus, dans le respect de chacun.

 

Les bars les plus tendances…

  • Climax. Le lieu fait office de bar et de boîte de nuit. En son sein, une scène voit défiler de nombreux artistes extravagants. Rock, funk, disco… tout est fait pour danser  jusqu’à 4 heures du matin. Mais le bar n’est ouvert que le vendredi. Les bières sont à environ 15 soles, 30 le cocktail, et 120 pour une bouteille. Entrée : 40 soles (environ 10 euros).
  • Le Selina bar. L’endroit est situé en dessous d’un hôtel haut de gamme, pour y accéder, il faut d’abord dépasser le café et un comptoir vintage original. A l’intérieur, l’espace est moderne : les néons roses et violets ornent les murs, des jeux de sociétés sont à disposition, le bar ressemble à un pub occidental. Les prix sont modérés quoiqu’un peu chers pour le pays. Il est possible de boire des bières, de manger un bout … Mais il ne faut surtout pas manquer leur Pisco Sour. Pour les curieux et adeptes de show excentriques, un spectacle de Drag Queen est organisé une fois toutes les deux semaines le mardi. Entrée gratuite.

 

Vivre en tant que LGBTQ+ à Lima
Selina bar. Crédit photo : Caroline Rohr.

 

Les boîtes aux milles et une nuits…

Elles sont ouvertes à tous les publics. D’après Cristo, “les boîtes de nuit gay sont de loin les meilleurs endroits pour faire la fête à Lima”. Le côté libre, assumé voire carrément déjanté de ces lieux attirent toutes les communautés.

  • Le Vale Todo ou aussi surnommé le “Down Town”. Le nightclub le plus emblématique de tout Lima. Situé dans le quartier central de Miraflores, le lieu est facile d’accès. Mais qui dit populaire, dit lieu très fréquenté. Pour entrer, il vous faudra sûrement faire la queue. L’entrée est de 40 soles et 70 pour les VIP avec une boisson offerte.
  • Le Babylon, une discothèque plutôt destinée aux gays. Les styles de musiques sont variés mais peuvent vite revenir à l’incontournable reggaeton. L’endroit est spacieux et voit défiler de nombreux spectacles où des stripteaseurs peuvent apparaître après 1 heure du matin. Le vendredi, l'entrée est gratuite jusqu’à minuit. Passé cette heure il faudra payer 15 à 20 soles. Le prix est le même le week-end.
  • Le Sagitario. Cette discothèque se caractérise par sa volonté d’ouverture à toutes les identités de genre. La musique est variée et des stripteaseurs viennent faire leur show certains week-end. L’endroit est populaire et souvent très fréquenté. L’espace pour y danser s’y retrouve considérablement réduit. Le bar ne vend que de l’eau et de la bière à 15 soles. Le prix d'entrée peut varier de 15 à 25 soles.
  • Disco avenida 13. Ce nightclub est très apprécié des lesbiennes. Les filles viennent y chercher de la musique pop techno et une ambiance girly. Ils vendent de la bière et de bons cocktails. Mais le lieu est un peu étroit pour danser. Le ticket d’entrée est à 25 soles.
  • La Palestra est située dans le centre de Lima. Ce bar dansant est difficilement accessible pour un œil non-averti. Il faut passer une porte en métal et un vigile pour pénétrer dans un monde industriel et underground. A l’intérieur, des lumières rouges, du son électronique à gogo, une ambiance déjantée et des dj queers. La techno tambourine à partir de 23h jusqu’à plus de 3h du matin tous les samedis soirs. Petit hic : le bar ne vend que des bières. Pas de touristes à l’horizon dans cette enclave débridée. L’entrée coûte environ 15 soles.
  • Le Nitroclub, plus éloigné du centre. Cet endroit se cache sous un hôtel, au niveau de son sona. Faire la fête avec des transgenres et des drag queens perchées sur des talons aiguilles à côté d’une piscine ? Définitivement à cocher sur la liste de choses à faire à Lima. Ames sensibles s’abstenir, la musique y est des plus extrêmes (hardcore, acid, tribe, techno industrielle…).

 

Vivre en tant que LGBTQ+ à Lima
Palestra. Crédit photo : Caroline Rohr.

 

Savoir garder les yeux ouverts

Tous ces lieux accueillent les membres de la communauté LGBTQ+ et ses sympathisants à bras ouverts. Mais vivre en tant que lesbienne, gay ou transexuel à Lima n’est pas toujours une mince affaire. Entre discriminations, agressions, harcèlement et propos injurieux, les avenues de la ville ne sont pas toujours sûres. Il est possible d’afficher son homosexualité en public, mais certaines pratiques restent tout de même risquée. “Quand j’avais environ 15 ans, je me promenais près d’un commissariat dans le centre de Lima. Nous marchions en nous tenant la main, lorsque cinq voitures de police sont passées à côté de nous. Ils ont commencé à nous siffler et à faire des commentaires déplacés”, dénonce le jeune péruvien. Comme en Europe il est possible d’agir librement dans les lieux publics, mais personne n’est à l'abri de propos homophobes ou racistes. Les habitants ne peuvent malheureusement pas s’appuyer sur le soutien des forces de l’ordre, “ici la plupart du temps l’agresseur, c’est la police”, déplore Steve, jeune transgenre de 26 ans.

Aujourd’hui, au Pérou, les mentalités tendent à évoluer. En ville, principalement dans les quartiers aisés, la communauté LGBTQ+ est de plus en plus acceptée. Il devient courant d’aborder ces thématiques en famille et entre amis.

 

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Pour en savoir plus :

 

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Crédit photo : Caroline Rohr.

 

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