La décision de la Cour suprême des États-Unis sur le droit à l’avortement fait écho dans le monde entier. Si la liberté des femmes de procréer ou non est loin d’être acquise, qu’en est-il au Pérou ?
La remise en cause récente du droit à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis retentit à l’international. Au Pérou, ce procédé reste exceptionnel. L’avortement thérapeutique est pratiqué dans des cas rares, lorsque la vie de la femme est en danger ou qu’il peut y avoir une « répercussion grave et permanente sur sa santé ». En 2014, le gouvernement a adopté un protocole qui liste les 11 cas dans lequel l’avortement est autorisé. Cette résolution ministérielle prévoit également la possibilité de se faire avorter en cas de viol. Mais il s’agit d’une faculté et non d’une obligation pour le centre de santé, seul à même de prendre cette décision.
État des lieux du droit à l’avortement au Pérou : une avancée timorée
Si le recours à l’avortement thérapeutique a été entériné dans les années 70 par de nombreux pays dont la France, au Pérou il n’en est rien. Pourtant, l'État de Lima est un précurseur en la matière. Dès 1924, le gouvernement adopte la première loi qui consacre le droit d’avorter pour des raisons médicales. Mais il faudra attendre 2014 et son décret d’application pour que cette mesure s’applique. Jusque là, les centres de santé refusaient souvent de le pratiquer. Rares sont les femmes qui y avaient accès. Encore aujourd’hui, selon l’Institut de la démocratie et des droits de l’homme du Pérou (IDEHPUCP), sa « mise en œuvre est discutable ».
Sur 70 établissements de santé du premier niveau de soins, seuls 29% ont connaissance du protocole. Pour les centres du second niveau, 39% ont déclaré ne pas le pratiquer, rapporte l’IDEHPUCP. Le système médical péruvien manque d’informations concernant la législation dans ce domaine. Pourtant, l’an dernier, le Congrès a soumis deux projets de loi pour « réglementer le droit à la maternité librement décidée ». Ces textes visent à dépénaliser totalement l’avortement. Mais le changement de composition du Parlement a mis leur approbation en suspens.
L’avortement clandestin : une pratique risquée mais courante
Si l’avortement non-thérapeutique reste illégal au Pérou, dans la pratique certaines femmes y recourent de manière clandestine. Daniela a 23 ans. Elle a accompagné une proche durant ce processus. Pour ce faire, la jeune fille est passée par un collectif de femmes qui l’ont mise en contact avec un médecin. « Elle était à environ six semaines, elle pouvait encore utiliser la pilule (environ dix cachets). Après cela, elle a dû faire une échographie et prendre un traitement pour être sûr qu’elle n’ait aucune infection. C’est la partie la plus risquée quand tu te fais avorter dans un pays où c’est illégal », témoigne son amie. Le coût : 2 000 soles (environ 500 euros). Une somme qui n’est malheureusement pas à la portée de toutes.
« Dans ces cas là, c’est très difficile de pratiquer un avortement sans danger. Tu ne sais pas comment ton corps va réagir. Et si tu vas dans un centre médical, qu’ils découvrent que tu es enceinte et que tu essaies d’avorter, tu risques la prison », confie-t-elle. Selon le code pénal péruvien, « ce comportement est passible d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans pour la femme enceinte et jusqu’à quatre ans pour la personne qui pratique l’avortement ». La loi prévoit des circonstances atténuantes en cas « de viol ou d’insémination artificielle non consentie hors mariage » et si « le fœtus est susceptible de présenter de graves handicaps physiques ou mentaux ».
Pour en savoir plus :
- Le guide technique des 11 cas médicaux où l’avortement peut être envisagé
- L’implant sous-dermique, une méthode gratuite et efficace