En 2021, le Pérou a vu son nombre de féminicides et d'enlèvements de femmes augmenter. La pandémie du Covid-19 est venue aggraver les questions des violences contre les femmes dans le pays.
« Le fait d'être en situation d'urgence sanitaire a exacerbé la violence dans les espaces clos, principalement à domicile, en particulier les féminicides… Le nombre d'appels a considérablement augmenté vers les lignes d'urgence qui ont été créées », a déclaré le sociologue Javier Díaz-Albertini à Infobae. Bien que des progrès lents aient été réalisés dans le pays en faveur des femmes, le sociologue souligne que la pandémie a interrompu les lentes avancées qui étaient accordées aux femmes.
L’état des lieux de la violence contre les femmes au Pérou
Le directeur de l'Institut national de la statistique et de l'informatique (INEI), Dante Carhuavilca Bonett, a indiqué qu'en 2020, 137 féminicides ont été enregistrés au Pérou, dont plus de 50% se sont produits au sein du domicile de la victime et de l'agresseur, sachant que dans 43,6 % des cas, il existe une relation familiale avec la victime, l’agresseur étant le partenaire, le concubin ou le mari.
Le mouvement féministe « Manuela Ramos » par la voix de sa porte-parole, Andrea Pardo, évoque pour l’année 2021, 147 femmes assassinées et 5.000 disparues. D’après ce collectif, ce sont au moins 170 femmes qui ont été assassinées au Pérou depuis le 1er janvier 2021 jusqu’à aujourd’hui.
À titre de comparaison, 113 féminicides ont été recensés en France en 2021 pour une population qui est deux fois plus importante (67,8 millions d'habitants) qu’au Pérou (32,6 millions d’habitants).
En 2021, 147 femmes ont été assassinées et 5.000 ont disparu au Pérou.
Pour sa part, Silvia Romero Borda, à la tête de la Direction générale contre la violence de genre du ministère des Femmes et des Populations vulnérables (MIMP), souligne que les cas de violence contre les femmes diminuent globalement au fil du temps. « Selon une enquête ENDES, menée par l'INEI, les violences faites aux femmes par un mari ou un partenaire en 2020 étaient de 54,8%. Ce chiffre montre qu'il y a une diminution significative de la violence au Pérou, étant donné qu'en 2019, il était de 57,7 % et en 2018, de 63,2 % », a-t-elle déclaré.
À cause de la pandémie, ce sont des milliers de femmes qui ont dû quitter leur emploi pour rester à la maison et se consacrer davantage à leurs enfants et aux tâches ménagères. Un contexte qui est venu aggraver une situation déjà existante où de nombreuses femmes restent dépendantes de revenus produits par un homme. Ce manque d’autonomie des femmes amène inéluctablement à un sentiment de pouvoir des hommes sur elles.
L'équipe de communication de l'ONG « Manuela Ramos » rappelle que 59% des femmes ne peuvent pas travailler parce qu’elles doivent s’occuper de leur foyer et que 57,3% des femmes qui travaillent occupent des emplois précaires.
La gestion des violences faites contre les femmes par les autorités péruviennes
Si l'actuelle titulaire du Ministère de la Femme et des Populations Vulnérables (MIMP), Anahí Durand Guevara, s'est publiquement déclarée féministe, elle fait face à un Gouvernement et à un Parlement très conservateurs. À l’image du ministre de l’intérieur, Alphonse Chavarry qui vient de déclarer ce 7 mars 2022 : « Les grands hommes qui arrivent au sommet doivent leur succès aux femmes. Elles sont le complément que nous avons dans la vie, elles nous conseillent, ce sont elles qui veillent pour le bien des époux. La femme veille sur le foyer et sur la réussite de toute une famille. La femme que nous a donnée Dieu est le complément qui permet de former une famille, elle est la compagne de l'homme ». Suite à cette déclaration, le mouvement féministe « Manuela Ramos » a dénoncé un discours qui reproduit des rôles et des stéréotypes contribuant à l'idée d'une femme soumise, reléguée aux tâches ménagères et incapable d'être la protagoniste de sa propre vie.
Pour faire face aux féminicides, le MIMP a mis en place diverses actions afin de lutter contre ce fléau, comme avec la création du Système national de justice spécialisée pour la protection et la répression des violences faites aux femmes et aux membres du groupe familial (SNEJ). En outre, une stratégie nationale a été mise en œuvre en 2021 permettant une réponse judiciaire spécialisée dans la protection et la répression de la violence à l'égard des femmes et des membres du groupe familial. Un programme pour la période 2021-2026 qui réunit le Pouvoir Judiciaire, le Ministère Public, le Ministère de l'Intérieur, le Ministère de la Justice et des Droits Humains, et le Ministère de la Femme et des Populations Vulnérables. « Cette stratégie nationale vise à réaliser l'articulation des institutions qui la composent et à apporter une réponse immédiate et appropriée aux victimes, en garantissant leur accès à la justice et une protection intégrale. Elle définit des objectifs et des indicateurs qui lui permettront de mesurer les progrès des institutions membres dans le traitement des cas de féminicides », a indiqué Silvia Romero.
De son côté, le mouvement féministe « Manuela Ramos » estime que le fait d’avoir une collègue féministe à la tête du MIMP n’est pas suffisant et que les mesures mises en œuvre ne permettent pas de garantir et de générer une politique d’égalité des genres dans tout l’appareil d’état et dans le pays. L’ONG aimerait voir l’intervention de la Police nationale du Pérou (PNP) dans cette stratégie nationale. « Ce n'est pas suffisant, on fait appel à l'Etat, et pas seulement au MIMP, car les solutions doivent venir de manière intégrée. Si le MIMP met en place une politique étatique, mais que le PNP ne fait rien pour retrouver les disparues ou retrouver les auteurs de féminicides, cela ne fonctionnera pas. Cela nécessite que toutes les agences de l'État travaillent de manière articulée », a déclaré Andrea Pardo.