Marie-France Cathelat, présidente de l’Union des Français de l’Étranger au Pérou, membre de la Fédération française de Psychothérapie et Psychanalyse, et blogueuse, auteure des publications hebdomadaires « Les Samadhi du Samedi », se penche sur la crise actuelle et se pose la question de l’après Covid-19.
Les chercheurs futurs se pencheront sûrement sur la période que nous vivons avec l’intérêt que nous portons à Pompéi ou à la Cité de Caral.
Notre culture de l’image cherchant à remplacer l’écrit leur montrera les rues désertes de nos villes se remplissant de cercueils, les laboratoires géants pétrifiés par l’impuissance, nos superbes avions cloués au sol sans pouvoir nous induire à croire qu’il existe des horizons sans limites, les routes de l’hémisphère sud se peuplant de citadins qui, comme la marée, se précipitent pour quitter leurs cités insalubres et contaminées dans l’espoir de rejoindre à pied le hameau où la terre voudra bien les nourrir.
D’autres, disposant de plus d’intuition, se demanderont sans doute pourquoi alors que les pays les plus riches avaient atteint leur but dans la course à la rentabilité, les pauvres continuaient de s’appauvrir, les migrants mourraient à la nage et nous étions devenus les générations des banlieues violentes et peu ou mal scolarisées et des vacances payées en Thaïlande ou au Pérou.
Mais, se diront-ils, étaient-ils plus heureux avant le Covid 19 ? Face à toutes ces aliénations du quotidien, quelles étaient leurs vraies nécessités ? En quoi le fait de se retrouver en famille est-il devenu un facteur de stress si insoutenable que parmi ces êtres cultivés et si bien informés un nombre incontrôlable déferle subitement sur les quais, les bois, les plages alors qu’ils n’avaient cure de la nature et l’avaient allègrement saccagée par tous les moyens et en dépit de tous les accords et revendications des COP 20, 21… ?
Nous cherchions des horizons existentiels sans limites et brusquement nous devenons nomades de notre propre parcours.
Pour ceux qui auront le privilège de survivre, l’heure est certes de repenser plus ou mieux et d’admettre que ce confinement interpelle directement non pas seulement notre mode de vie, notre alimentation, nos habitudes mais surtout l´équilibre mondial, la perception de nous-mêmes, et le rôle que nous devons retrouver dans les sociétés qui se construisent. Nous cherchions des horizons existentiels sans limites et brusquement nous devenons nomades de notre propre parcours.
Nos enfants se détachaient progressivement des pratiques familiales et des institutions scolaires pour parcourir de nouveaux espaces en quête de sens ou d’avenir et nous voilà forcés à redevenir, comme nos ancêtres, les médiateurs humains au cœur de la transmission culturelle.
Le temps des actes gratuits est-il révolu pour devenir celui de la solidarité, l’empathie, l´intelligence émotionnelle ?
Le retour à la terre promise de la réflexion, de la remise en question de tout ce qui nous apparaissait comme des certitudes ?
Certes, espérons que plus rien ne soit « comme avant » car hier, avec cette liberté totale que certains revendiquent comme les droits de l’homme pour retourner écraser leurs concurrents ou collaborateurs, signer des accords internationaux qui étranglent les cultivateurs et déversent des camions d’aliments aux égouts et des tonnes de plastiques dans les océans, alors que des peuples entiers n’ont pas d´eau, non, cet « avant » ne va plus.
Besoin d’un contrat social adapté à notre temps, respectueux de la planète.
Les protestations qui ont éclaté partout ou presque dans le monde dans les mois qui ont précédé le Covid 19 devançaient un besoin de renouveau non pas des valeurs que nos démocraties ont mis tant de temps et de sang à conquérir, mais du besoin d’un contrat social adapté à notre temps, respectueux de la planète (qui revit de façon éblouissante depuis que nous ne pouvons pas la détruire) qui priorise l’éducation et la santé, qui privilègie l’échange et la transmission au lieu de la communication purement numérique et donne à la représentation de notre existence un sens vraiment humain.
Les cultures et les peuples qui se sont ankylosés dans leurs certitudes ont péri, cette épidémie nous donne l’occasion, par les frustrations qu’elle nous impose, de comprendre les représentations des autres, pour « à partir du présent nous enivrer du souvenir du passé restauré », comme disait Baudelaire.
Marie-France Cathelat :
- Présidente UFE (Union des Français de l’étranger) au Pérou
- Membre de la Fédération française de Psychothérapie et Psychanalyse
- Blogueuse, auteure des publications hebdomadaires « Les Samadhi du Samedi ».