Chaque année, plus de 9,6 millions de personnes subissent les effets délétères du froid (soit 19% de la population) au Pérou. Un problème structurel qui tend à s’atténuer avec la mise en place de plans et programmes par le Gouvernement dans les Andes.
Récemment, la campagne de sensibilisation « La casa mas fría de Lima » (la maison la plus froide de Lima) a subi une vague d’indignation générale sur les réseaux. Et pour cause : la société Vick a reproduit les conditions de vie d’une maison de Puno dans un centre commercial. Ses pourfendeurs ont dénoncé une expérience qui fait « de la pauvreté un spectacle ». Depuis, l’habitation a été retirée.
La population péruvienne qui souffre le plus du gel et des basses températures est celle située dans les hautes Andes. Maladies respiratoires, musculaires, cardiovasculaires ou hypothermie mortelles… Les personnes les plus touchées sont les jeunes de moins de 6 ans et les adultes de plus de 60 ans. Chaque année, les vagues de froid emportent des dizaines d’enfants au Pérou. En mai, sept garçons sont morts à Parijaro et Ayacucho, deux sont décédés à Pasco le mois dernier.
Le froid au Pérou : un problème structurel
« C’est le reflet de l’incapacité des institutions publiques d’être présentes dans les régions reculées du Pérou », déplore Martin Romero, architecte chez Legado. « Nous avons une succession constante de mauvais présidents et gouvernements qui n’arrivent pas à conduire le pays avec une ambition, un objectif de futur réel pour sa population », poursuit-il. Si depuis des années, des campagnes de sensibilisation et de collecte sont mises en place pour éveiller la conscience collective, elles sont, selon lui, insuffisantes.
Autre difficulté : l’absence d’information et d’acteurs socio-économiques capables d’accompagner les dirigeants locaux. « Ils souhaitent un réel changement. Mais bien souvent, ils n’ont pas eu accès à une formation politique ou universitaire et ne savent pas comment s’y prendre », expose l’ingénieur architecte. Au cours des dernières décennies, les habitants se sont chargés eux-mêmes de construire leur logement, sans soutien technique ni aide de l’Etat. A cela, il faut rajouter les problèmes de corruption auxquels le pays fait face.
Le cas le plus emblématique est sans doute celui de l’affaire Odebrecht. Cette entreprise brésilienne de BTP est à l’origine de détournements de fonds tentaculaires dans plusieurs pays d’Amérique latine. « Pour être éligible aux projets, la société a versé des sommes d’argent colossales aux dirigeants politiques », témoigne l’agent public. Cet événement a eu un impact international. C'est la première fois qu’une affaire de malversation provoque la chute d’un président au Pérou, celle de Pedro Pablo Kuczynski, alias PPK, en 2021.
Notre situation économique depuis les années 80-90 a changé drastiquement avec des nouvelles opportunités dans le spectre mondial, mais la manière dont notre pays est gouverné n’a pas changé.
Selon Martin Romero, la solution réside dans la création d'institutions intergouvernementales disposant d’un pouvoir réel. « Elles doivent vouloir et avoir la capacité de prendre des décisions clés pour être présentes dans les pans du pays où subsistent ces conditions drastiques. Elles ne peuvent pas permettre que des enfants souffrent de cette manière. Nous sommes en 2022, c’est impensable ! »
Pérou : la recherche de solutions alternatives contre le froid
Au-delà de l’impact sur la santé, les gelées (entre 0 et -20 degrés) provoquent également un taux d’absentéisme important pour les enfants. Les vagues de froid extrême endommagent aussi cultures et bétails, ce qui dégrade une économie familiale déjà fragile. Depuis 2010, l’Etat péruvien tente de mettre en place des programmes de développement urbain dans les zones reculées du Pérou pour enrayer ce problème.
Le plus récent en date est le projet « Mi Abrigo » (2017), soutenu par le Fonds de coopération pour le développement social (FONCODES). Cette mesure a pour objectif de mettre à l’abri du gel les habitations dans les zones à risque « élevé » et « très élevé ». Ces interventions consistent à « restructurer les logements avec des matériaux isolants » pour protéger enfants et personnes âgées du froid. La Banque interaméricaine de développement (BID) a également élaboré un guide pour améliorer l’efficacité de ces interventions. Les zones visées sont Puno, Cusco et Ayacucho, toutes situées au sud du Pérou.
Sans un développement bien planifié avec des structures adaptées, protéger la population du froid est impossible.
Plusieurs critères sont pris en compte pour élaborer le plan d’exécution des logements : le climat, la situation géographique et familiale, mais aussi les ressources. La plupart des habitations sont construites avec des matériaux présents sur le territoire. Les plus courants sont l’ichu, la cabuya et la totora. Ce sont des fibres naturelles utilisées comme isolant. Elles permettent d’améliorer « les performances thermiques de la maison (dans les murs, les toits, les fenêtres,…) ». Les habitants utilisent aussi souvent la terre comme intrant (élément entrant dans la production d’un bien), car elle a un meilleur comportement thermique que le gypse et le ciment. Les travaux de recherches privilégient le développement de modèles d’isolation naturelle. A Cupisa, par exemple, les résultats ont permis de démontrer que l’alternative la plus viable était l’utilisation de fibres de blé et d’orge comme matériau isolant.
Pour en savoir plus : Guide pour une meilleure implantation du programme Mi Abrigo dans les Andes