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Nathalie Marin, pour la première fois au Pérou

Nathalie Marin, pour la première fois au PérouNathalie Marin, pour la première fois au Pérou
© Nathalie Marin
Écrit par Guillaume FLOR
Publié le 7 mars 2022

Cheffe d’orchestre reconnue internationalement, mais aussi militante, entre autres pour la féminisation de sa profession, Nathalie Marin dirigera l’ensemble Paqari Camerata demain, 8 mars, au Grand Théâtre National.

Arrivée au Pérou le 21 février, sur l'invitation de l'ambassade de France au Pérou, c’est à Cusco que Nathalie Marin s’est d’abord rendue pour une collaboration avec l'orchestre symphonique de la ville, qui a débouché sur un concert grandiose dans la cathédrale de Cusco le vendredi 25 février.

 

Raconter-nous votre expérience avec l'Orchestre symphonique de Cusco !

« Un très grand succès ! C'était un concert au bénéfice d'élèves de quatre collèges. L’idée était belle puisqu'il n'y avait pas d'entrée payante mais une donation. Il fallait apporter au moins quatre cahiers et alors que l'objectif était de collecter au moins 400 cahiers, nous en avons eu 1.800. Il y avait des gens debout dans la cathédrale. Ce fut un privilège de diriger dans un endroit aussi mythique ».

« C'était vraiment un beau concert avec de la musique universelle et la symphonie 29 de Mozart, mais aussi de la musique française avec Massenet et Ravel, et puis de la musique péruvienne notamment d’une compositrice originaire de Cusco, Clotilde Arias. C'est un défi pour moi cette année où je vais diriger dans 12 pays différents, de prendre pour habitude d'avoir au moins une compositrice dans chacun de mes concerts ».

Diriger de la musique notamment péruvienne dans cette cathédrale, c'était une expérience unique !

« Et puis c’était une émotion particulière parce que c'était le premier concert de la saison pour l'Orchestre symphonique de Cusco. C'était la première fois que les musiciens rejouaient une symphonie en entier en public depuis deux ans. Nous avons été un peu punis à cause de la pandémie. Nous ne pouvions plus nous voir et travailler ensemble. Pour ma part, je suis restée presque deux ans sans monter sur scène. Je ne suis repartie en tournée qu’en octobre 2021, c'était très long ».

« Et maintenant pour les orchestres, les conditions sont un peu particulières, nous sommes désormais très éloignés les uns des autres alors qu'avant nous nous rapprochions le plus possible pour bien s'écouter. Il faut tout de même que nous arrivions à un son bien uni tout en étant assez loin les uns des autres. Ce sont de nouvelles difficultés mais nous sommes tellement heureux de nous retrouver et de travailler ensemble, que nous faisons avec ».

 

Nathalie Marin, pour la première fois au Pérou
© Nathalie Marin

 

« J’ai aussi été très touchée de voir beaucoup d’enfants dans la cathédrale. Je trouve que c'est très important qu’ils puissent venir au concert. Même si ça fait un peu de bruit, c'est un grand plaisir de les avoir, c'est notre public de demain. C'est important qu’ils viennent très jeunes assister à des concerts parce que voir, c'est autre chose que d'écouter ».

Je suis une militante, aussi, pour la démocratisation de la musique classique.

Lors de son passage à Cusco, Nathalie Marin a également pu rencontrer les enfants de l’école Andahuaylillas de la Symphonie pour le Pérou (« Sinfonía por el Perú »).

« C'était une très belle rencontre, la Symphonie pour le Pérou est vraiment une expérience magnifique. L'année dernière, j'avais déjà fait un travail en ligne avec la Symphonie pour le Pérou d'Arequipa. Un projet soutenu par l'Alliance française et l'ambassade de France au Pérou qui a abouti à de belles réalisations : « Concierto a tres lenguas ». Travailler en ligne avec les enfants d’Arequipa alors que j'étais isolée dans ma campagne en France, c 'était pour moi des moments de bonheur, un petit moment d’évasion ».

 

Nathalie Marin, pour la première fois au Pérou
© Nathalie Marin

 

Puis vous êtes arrivée à Lima le lundi 28 février pour une table ronde à l'Alliance française de Miraflores durant laquelle vous avez abordé la question suivante : la musique classique est-elle sexiste ?

« Pour rester positif, nous pouvons dire qu'elle l'est de moins en moins et que nous avons fait de grands pas. Elle a été sexiste pendant très longtemps parce que c'était un monde masculin, dominé par les hommes. La direction d'orchestre était symboliquement un métier d'homme. Donc il a été très difficile de faire admettre que les femmes pouvaient diriger un orchestre mais nous sommes sur la bonne voie ».

Je pense que la solidarité féminine joue un grand rôle. Je fais partie d'un mouvement, le symposium international de cheffes d’orchestre, lancé en Amérique latine par la cheffe d’orchestre brésilienne Ligia Amadio.

« Il y a en réalité de plus en plus de femmes cheffes d'orchestre. Mais quand j'ai commencé, nous étions vraiment très peu nombreuses et pour la génération avant moi, nous pouvons même parler de pionnières. Avant, nous n’avions que très peu de visibilité et de possibilité d’exercer notre métier ».

« Pour les compositrices, c'est pareil, il y en a de plus en plus. Mais soulignons aussi les compositrices oubliées parce que évincées de l'histoire de la musique. Il faut savoir qu’au 19e siècle, il y a des femmes compositrices qui étaient jouées à leur époque, qui avaient du succès et qui étaient reconnues par leurs pairs. Mais elles ont disparu parce qu’elles n’apparaissent pas dans les manuels de l'histoire de la musique, écrits par les hommes. On parle d'invisibilité dans la musique classique des femmes créatrices ».

 

Nathalie Marin, pour la première fois au Pérou
© Nathalie Marin

 

Pour bien comprendre la situation, Nathalie Marin nous explique qu’en 2017, un audit a été réalisé par le ministère de la Culture qui a démontré qu'il y avait moins de 4% de femmes cheffes d'orchestre qui étaient programmées dans les orchestres en France. En 2019, une autre analyse sur les compositeurs a révélé que sur 547 compositeurs programmés dans des festivals de musique contemporaine et classique, il y avait seulement 43 femmes compositrices.

« Actuellement, la plus grosse difficulté, ce sont les dirigeants : les programmateurs, les directeurs de théâtre, directeurs d’orchestre… qui ont toujours un peu tendance à ne pas trop nous faire confiance, ou alors on ne nous invite que pour le 8 mars. Je dis toujours que c'est très utile d'avoir cette journée parce que nous en avons encore besoin, mais j'espère qu'un jour, ce 8 mars ne sera plus nécessaire, malheureusement pour le moment, nous n’en sommes pas encore là parce que la place de la femme dans la musique, c'est un peu le reflet de la place de la femme dans la société ».

Je suis ravie de diriger le 8 mars, mais je voudrais que le 8 mars, ce soit toute l'année ! Même si je me sens privilégiée : j’ai une saison 2022 bien remplie.

À Lima pour cette journée des femmes, Nathalie Marin dirigera l'ensemble Paqari Camerata au Grand Théâtre National, à 20h.

« Le concert de mardi est soutenu par l'ambassade de France au Pérou et s’inscrit dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi une compositrice polonaise et argentine, Eva Lopzyc, qui représente symboliquement un pont entre le continent américain et l'Europe, ainsi que deux compositeurs français : Albert Roussel, Maurice Ravel - et un compositeur italien, Wolf-Ferrari. Je vais également interpréter deux autres compositrices que j’adore, les Péruviennes Elisabeth Gil díaz et Pia Alvarado Arróspide ».

 

Parlez-nous de votre collaboration avec l'ensemble Paqari Camerata !

« C’est un ensemble d'instruments à cordes, composé uniquement de femmes et dirigé artistiquement et musicalement par la Maestra María Fust qui est aussi le violon solo de l'Orchestre symphonique national du Pérou. C'est une grande artiste et une grande personnalité. Elle a créé cet ensemble en collaboration avec le Grand Théâtre National pendant la pandémie avec pour objectif de donner de la visibilité aux compositrices, notamment péruviennes ».

« Travailler avec les jeunes femmes de cet ensemble, qui sont dynamiques et plein d'enthousiasme, c'est très agréable. Et la Maestra María Fust est une grande collaboratrice que je remercie vraiment parce nous avons construit ce programme ensemble depuis des mois. J'ai vécu une très belle expérience péruvienne. J’ai reçu un accueil très chaleureux aussi bien des personnes du service culturel de l'Ambassade de France que du côté des partenaires péruviens, que ce soit avec le Maestro Theo Tupayachi de l'Orchestre symphonique de Cusco ou avec Miguel Chivilchez, directeur du Grand Théâtre National ».

 

Le concert du 8 mars est complet mais il sera retransmis en direct sur Cultura24tv et sur Facebook, notamment sur la page de l’ambassade de France au Pérou.

 

Nathalie Marin, pour la première fois au Pérou

 

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