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L’histoire de l’exploitation du guano : un véritable « or blanc » ?

Composé de fientes d’oiseaux marins, le guano est un fertilisant qui a profondément marqué l’histoire du Pérou. Si son exploitation a été un facteur central du développement du pays, elle a aussi été à l’origine de conflits armés et d’une grave cise économique.

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Écrit par Lancelot Soumache
Publié le 9 mars 2024, mis à jour le 11 mars 2024

De l'époque des Incas à son utilisation contemporaine, explorer l'évolution de ce précieux engrais soulève des questions cruciales sur son impact sur l'histoire et l'économie du Pérou.

Le guano, obtenu à partir de fientes d’oiseaux maritimes, est l’un des meilleurs engrais naturels au monde. On en retrouve essentiellement sur les îles côtières du Pérou, qui permettent un climat unique au monde.

Le Humboldt, courant froid de l’Océan Pacifique, génère des eaux extrêmement poissonneuses et attire ainsi de nombreux oiseaux.

Pelicans, cormorans et fou à pieds bleus viennent sur ces îles déposer leurs fientes, parfaitement conservés par le climat désertique qui limite les précipitations et fait sécher le guano au soleil.

Si le guano permet une si forte fertilisation cela est dû à sa composition en azote incluant ammoniaque, acide urique, acide phosphorique, acide oxalique et acide carbonique.

 

L’Histoire de l’exploitation du Guano

L’emploi du guano est le résultat de siècles d’expériences qui remontent à l’époque préinca.

L’engrais sera également par les Incas qui lui donneront le nom quechua wanu, à l’origine du mot « guano ». Mais ce n’est qu’à partir du début du 19e siècle que son exploitation se déploie à grande échelle.

Dans les années 20, les premiers marchands signent des contrats avec l’Etat pour obtenir les droits d’exploitation du guano sur les îles Chincha. Ce commerce se développe très rapidement de part l’exploitation de l’engrais vers les pays occidentaux.

A cette époque L’Europe et les Etats-Unis, en pleine industrialisation, ont terriblement besoin de ce puissant fertilisant pour nourrir une population urbaine qui ne cesse de croître.

L’engrais est d’une telle importance pour les Etats-Unis, qu’en 1856, le Congrès adopte le Guano Islands Act, toujours en vigueur au XXIe siècle, qui autorise tout citoyen américain à réclamer, au nom des États-Unis, toute île inhabitée et non revendiquée susceptible de contenir du guano.

Au Pérou, entre 1840 et 1880, plus de 11 millions de tonnes sont exportés pour 750 millions de pesos (38 milliards de dollars américains), ce qui en fait de loin la principale recette fiscale du pays. L’exploitation du guano générait d’autant plus de richesses que le pays en détenait le monopole et pouvait ainsi faire évoluer les prix à sa guise face à l’impuissance des pays importateurs complètement dépendant du fertilisant.

En 1863, prenant comme prétexte le meurtre d’un colon espagnol, l’Espagne tente de s’emparer des îles Chincha, principale mine de guano du pays. En réponse, le Pérou et le Chili unissent leurs forces pour repousser l’invasion navale espagnole. C’est le début d’une guerre hispano-sud-américaine, connue sous le nom de « guerre du guano ». La Bolivie et l’Equateur vont également joindre l’alliance contre l’ancienne puissance coloniale. Un armistice sera finalement signé en 1871 entre tous les belligérants. Mais cette guerre, ainsi que la perte de territoires riches en Guano au profit du Chili (lors de la guerre du Pacifique de 1879 à 1883) vont générer de profondes blessures au pays.

Plusieurs autres évènements vont mener le Pérou vers une douloureuse crise économique. Déjà, les stocks de guano sont largement surexploités et il ne reste plus qu’une infime partie des ressources présentes au début du siècle. Plus tard, l’émergence des engrais industriels va réduire d’importance de l’utilisation du guano.

 

Ainsi, cette dépendance à l’exploitation massive naturelle, qui s’épuise au début du 20e siècle pousse l’économie vers la récession.
 

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@LSoumache

 

Qu’en est-il aujourd’hui de l’exploitation du guano ?

              Si l’exploitation contemporaine du guano n’est plus de l’ampleur qu’elle était au 19e siècle, elle connaît néanmoins un sursaut récent. Le pays a retenu les leçons de la surexploitation de la ressource. Ainsi, en 2009, les 21 îles et 11 caps ou péninsules à guano du pays ont été déclarés sites protégés, et sont exploités avec mesure. L’utilisation de machines y est interdite pour éviter de faire fuir les oiseaux. Avec 23 000 tonnes en 2015, le Pérou est de loin le premier producteur mondial de cet engrais d’exception, devant le Chili et la Namibie. A l’inverse des pratiques antérieures, la production de guano est actuellement à 95 % voué au marché intérieur pour fertiliser les sols de plus d’un million d’agriculteurs du pays.

Bien que l'absence de machines contribue à la préservation des écosystèmes marins, elle entraîne également une exploitation du guano entièrement manuelle. Les travailleurs des mines de guano endurent des conditions de travail extrêmes, devant porter des sacs pesant plus de 50 kg tout en supportant les odeurs nauséabondes des fientes et l'ammoniac toxique du guano. Ce travail éreintant que seuls les paysans de l’altiplano sont capables de réaliser est récompenser par un salaire de 1200 soles mensuel (un peu plus de 2 fois le salaire minimum).

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