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Envol Vert à Tingo María : sensibiliser pour mieux planter

Envol Vert à Tingo María : sensibiliser pour mieux planterEnvol Vert à Tingo María : sensibiliser pour mieux planter
Crédit : Julie Marfin
Écrit par Caroline ROHR
Publié le 27 juillet 2022, mis à jour le 28 juillet 2022

L’association Envol Vert est installée depuis trois ans à Tingo María. Actuellement, elle propose ateliers et formations de sensibilisation à huit villages de la région (pour environ 45 hectares de production). Un moment propice aux échanges et au partage de connaissances. Le Petit Journal est allé sur place pour vous faire découvrir à quoi ressemble une journée type.

 

8 heures. Le soleil bat déjà son plein dans la région de la “selva alta”. Le point de rendez-vous de la formation : Anda, un village situé à une dizaine de kilomètres de Tingo Maria. Devant la maison de la señora Elena, une des participantes, beaucoup manquent à l’appel. Et pour cause : la majorité du groupe est composée de femmes. Elles sont déjà soumises aux charges de la vie quotidienne. Ces productrices doivent d’abord emmener leurs enfants à l’école et entretenir leur maison avant de retrouver l’association Envol Vert. Passé une bonne heure, les agricultrices défilent les unes après les autres, bottes aux pieds et machette à la main. Entre deux chants de coq, la formation peut commencer.  

 

Une formation de sensibilisation sur la monoculture et l’agroforesterie

Tous installés en demi-cercle autour de l’équipe, Maximo, responsable agroforestier au sein de l’association, prend la parole. Le thème du jour : les avantages et désavantages de la monoculture et de l’agroforesterie. Tour à tour, les dix participant.es se présentent et expliquent la raison de leur présence. Pour la plupart, le mariage entre culture et forêt n’a aucun secret pour eux. C’est le cas de la señora Elena qui, dès 2008, s’est tournée vers le système agroforestier.   « Cette année-là, j’ai perdu plus de huit hectares de ferme. Le fleuve a tout emporté. Après cela, j’ai acheté les deux hectares que j’ai maintenant. J’ai réalisé qu’avoir un système agroforestier était bénéfique car il permet d’avoir des produits durables. En plus, je donne du travail à d’autres femmes. »

 

Envol Vert à Tingo María : sensibiliser pour mieux planter
Autour de la table chez la señora Elena, Maximo anime la formation de sensibilisation. Crédit : Julie Marfin

 

Tout comme elle, beaucoup d’agriculteur.trices de la région s’inscrivent dans une démarche mêlant cultures et biodiversité. Pour d’autres, le concept d’agroforesterie a piqué leur curiosité. Sensibles à la nature et désireux d’en savoir plus, c’est naturellement qu’ils se sont tournés vers l’association. « Ils ont des prédispositions à participer à nos ateliers », témoigne Zoé Rouault, volontaire en service civique à Envol Vert. Dans une ambiance conviviale, des échanges dynamiques se poursuivent tout au long de la matinée.

 

Envol vert à Tingo Maria : de la confection de la pépinière à la reforestation

11 heures. Une fois la formation de sensibilisation terminée, place au terrain ! Visite des cultures et de la pépinière puis dégustation des fruits de cacao. Dans les plantations, l’odeur de la terre humide se mélange au bruissement des insectes. « La première étape quand on arrive dans un village, c’est la construction d’une pépinière », explique Zoé. « Il faut qu’elle soit proche des parcelles des participant.es. Lors du repiquage des plants d'arbre, on procède à une distribution égalitaire. Mais si la pépinière est trop loin, certains n’auront pas forcément les moyens de les ramener chez eux. » Le but : transmettre leurs connaissances sur la gestion des semis. « On va leur montrer comment effectuer un contrôle sanitaire du terreau, quelle dose d’engrais organiques mettre, etc. Comme ça, s’ils désirent se tourner vers l’agroforesterie, ils peuvent le faire dans leur jardin personnel », poursuit la jeune française.

 

Envol Vert à Tingo María : sensibiliser pour mieux planter
A l’inverse des cacaoyers, les plantations de café ont besoin de beaucoup d’ombre. Crédit : Julie Marfin

 

Cedros, caobas, bushias, pachacos colorados ou ishpingos, autant d’arbres en voie d’extinction qu’Envol Vert tente de réintroduire dans la région. Tous sont natifs de la selva et sont reconnus pour leur résistance. Ils permettent également d’apporter des nutriments au sol, de plus en plus en proie à l’érosion. En effet, lors des grandes crues, les pesticides associés au phénomène de déforestation entraînent la détérioration des terres. Un problème de plus en plus récurrent à Tingo María. Sans compter l’acidification des sols due aux anciennes plantations de coca. Mais dans les parcelles de la señora Elena, le travail est déjà bien abouti. Les cultures de cacao sont couvertes d’un léger voile de feuilles dansant au gré du vent.

La balade se poursuit aux abords de la rivière. A quelques pas de la lisière, un champ dévasté. La raison : des producteur.ices de maïs se sont appropriés de manière illégale cette parcelle de terrain. Sur le sol, des monceaux de bambous abattus, des bruits secs et cassants, des tas de cendres… Près d’un hectare parti en fumée. L’association a alerté les autorités locales mais même les forces de l’ordre restent impuissantes. Un constat inquiétant pour les agriculteur.trices alentours qui souhaitent évoluer vers une agriculture plus durable.

 

Envol Vert à Tingo María : sensibiliser pour mieux planter
Pour des raisons environnementales et de sécurité, la municipalité a interdit toute construction et culture aux abords du fleuve. Crédit photo : Julie Marfin

 

Pour Zoé, « donner de la plus-value aux connaissances déjà accrues des participant.es » est un des objectifs d’Envol Vert. De la confection de terreau à la création du design agroforestier, l’association travaille avant tout en collaboration avec les agriculteur.trices. Dans la pépinière, Maximo présente la terre utilisée comme fertilisant. Dans ses mains, il la façonne en un tas compact. Du bout de ses doigts, il le désagrège. « C’est un mauvais substrat. Il a perdu quelques-unes de ses propriétés », expose le responsable agroforestier. Il faudra donc lui apporter de nouveaux nutriments.

 

Envol Vert à Tingo María : sensibiliser pour mieux planter
Crédit : Julie Marfin

 

Le repas : un instant privilégié entre agriculteur.ices et Envol Vert

« L’idée, c’est de partager un repas avec eux mais aussi des moments de plaisir où on peut échanger », témoigne la volontaire en service civique. C’est aussi un moment où des liens se tissent de manière plus étroite entre les agriculteur.trices eux-mêmes et les membres de l’association. Car lors de la préparation du repas, tout le monde met la main à la pâte ! Dans la joie et la bonne humeur, membres de l’association et participant.es épluchent légumes et fruits fraîchement cueillis. L’odeur des oignons et de la sauce tomate embaume l’air de leurs effluves alléchants. De quoi ouvrir l’appétit… Pour la señora Elena, c’est un moment pour partager des idées, des façons de cuisiner mais aussi pour parler d’avenir. « J’aimerais que les agriculteur.ices ne soient pas traités avec mépris. Parfois, certaines personnes, parce qu’i.elles sont des professionnel.les, regardent de haut nos connaissances. Je voudrais un pays plus juste, avec plus d’opportunités et de reconnaissance pour les femmes »

 

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Chez la señora Elena (au milieu), tout le monde s'attelle à la tâche. Crédit : Caroline Rohr

 

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