Édition Lima

Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières: ONG de défense de l’agriculture rurale

Dans un entretien exclusif confié au Petit Journal, Javier Alarcón, représentant de l’antenne péruvienne de l’association Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) relate l’importance cruciale de l’organisation face aux enjeux croissants.

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@AVSF
Écrit par Emma Darsonval
Publié le 21 mars 2025

« Si cette agriculture n'est pas soutenue, ce qui est en danger, c'est notre alimentation, ainsi que la vie et les moyens de subsistance des autres ». Cette phrase de Javier Alarcón incarne le cœur de leurs actions. Défendre les droits des agriculteurs locaux face aux multinationales, améliorer les conditions de vie, protéger les ressources naturelles en sont les lignes directrices.

Loin d’être une priorité des politiques publiques, l’agriculture familiale concerne pourtant des millions de Péruviens, qui font face à des défis allant du manque d’infrastructures jusqu’à la crise climatique et l’accès à l’éducation. De ce fait, l’organisation s’appuie sur des financements de l’Union européenne, de l’Agence Française de Développement, mais aussi de fondations privées, afin de mettre en œuvre leurs projets. Parmi les plus récents, on retrouve la transformation de l’association “Cacao Vrae” en créant des espaces de dialogues entre communautés autochtones rurales et institutions publiques dans une vallée historiquement productrice de coca affectée par le conflit armé.

Le Pérou : un cas à part ?

Autant de diversité en Amérique latine, en termes de culture ou paysages, implique donc une variété de problématiques selon les pays. Étant également présente en Amérique Centrale, au Guatemala, et dans les Caraïbes avec Haïti, l’association doit ainsi réussir à faire face aux cultures et modes de vie de la région caribéenne et de la région andine.

Cependant, Javier Alarcón précise que les défis rencontrés par les agriculteurs se rassemblent autour de leur relation avec le marché commercial global. Somme toute, c’est autour de la survie de l’agriculture locale face à la croissance des industries multinationales et grandes villes que se joue l’avenir du monde rural.

 

« Dans le cas du Pérou, je pense qu’un soutien bien plus important pourrait être apporté à l’agriculture paysanne, car l’agriculture familiale reste largement insuffisante. » Javier Alarcón.

 

En réalité, si l’association s’implique tant dans cette lutte, cela vient aussi d’un manque de financement et de soutien de la part des services publics péruviens.

La grande demande en eau, d’infrastructures énergétiques, d’axes routiers et de services de communication fait face à un profond manque de réponse gouvernementale.

Les deux millions de familles concernées sont loin d’être aidées par l'État péruvien, dû à un manque de fonds. C’est là où le rôle des organisations non gouvernementales, à l’image de l’AVSF, s’avère décisif, en se permettant d’employer d’autres moyens pour venir en aide.

 

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@AVSF Péru

 

Quand la crise climatique met à genoux les paysans

La crise climatique n’est une surprise pour personne, y compris les agriculteurs locaux, conscients des menaces engendrées par celle-ci. Concrètement, l’association met en place ce qu’ils appellent des “stratégies d’adaptation”, à l’instar de l’agroécologie. Elle permet de réduire l’utilisation des agrochimiques liés à la production de combustibles fossiles, et ainsi favoriser d’autres alternatives, comme l’élevage familial.

Ainsi, de cette manière, Javier Alarcón témoigne que cela permet d’éviter que les paysans aient un intérêt à poursuivre la déforestation et leur permet au contraire de maintenir leur activité sur les terres déjà exploitées.

 

« Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Le changement climatique est un défi immense, une urgence, et nous nous approchons de plus en plus d’un point de non-retour, où les dégâts deviendront irréversibles. »Javier Alarcón

En revanche, c’est ici qu’intervient le rôle de l’éducation, et plus particulièrement sa difficulté d’accès. Selon les chiffres de l’UNESCO, ce sont près de 250 millions d’enfants, soit 16% des jeunes du monde, qui ne sont pas scolarisés.

De plus, l’exode rural de ces dernières décennies pousse vers une concentration des services essentiels dans les zones urbaines, délaissant les campagnes.

Le Pérou n’en est pas épargné. Des services fondamentaux comme l’éducation, la santé, le logement ou l’eau restent difficiles d’accès pour les communautés rurales et dispersées, d’une qualité souvent bien inférieure à celle offerte en ville.

 

Comment y répondre ?

L’association s’appuie sur les instituts de formation technique en agriculture, qui représentent souvent la seule opportunité pour les jeunes de se former, faute de pouvoir quitter la région.

Ainsi, miser sur la formation locale des futures générations pour se diriger vers une agriculture plus locale et respectueuse de l’environnement est l’un des fils directeurs des projets mis en place.

Pour autant, le représentant de l’AVSF Pérou rappelle une fois de plus le manque de financements de l’État vers ces établissements. La question de genre entre aussi en jeu, puisqu'on retrouve une forte présence de femmes, plus précisément des mères célibataires, qui ne peuvent se permettre de partir étudier en ville pendant plusieurs années. De ce fait, au-delà de la question écologique, ce sont tous les aspects de la société qui sont impactés par cette crise, faisant plonger certaines régions péruviennes dans des situations plus que préoccupantes.

 

AGRICULTURE
@ASVF Péru

 

Finalement, selon Javier Alarcón, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces populations sont conscientes de la question climatique.

Mais accaparés par l’incertitude quotidienne et le travail, les solutions individuelles apparaissent alors difficiles à mettre en place. C’est pourquoi il insiste sur le besoin de prendre des actions collectives, de consacrer du temps à la réflexion et à l’étude, et d’offrir les conditions nécessaires pour commencer à construire des solutions.

 

Ainsi, il affirme : « C’est là que nous, en tant qu’organisation, avons un rôle à jouer : les accompagner et leur fournir les moyens de concrétiser ces solutions. »

 

Il conclut en invitant chacun à venir à leur rencontre, à contribuer et à valoriser ces espaces de travail collectif avec les communautés locales, pour apprendre et comprendre leurs actions.

Ce jeudi 20 mars se tiendra la remise du prix Benoît Maria, en hommage à un agronome français et défenseur des droits des peuples autochtones au Guatemala, assassiné il y a quelques années.

Cette année, l’édition 2024 a distingué une organisation paysanne péruvienne, composée en majorité de femmes de Abancay, dont une représentante a récemment reçu le prix en France. La cérémonie prévue à Lima sera l’occasion de mettre en lumière leur travail, de réfléchir à l’impact de cette reconnaissance et d’ouvrir un dialogue sur les défis actuels de l’agriculture paysanne.

 

AGRICULTURE
@AVSF Péru

 

Le chemin qui reste à parcourir se promet d’être encore long et difficile. Là où l'État semble trouver ses limites, les ONG apparaissent comme l’alternative parfaite pour tenter d’y remédier, à l’image d’Agronomes et Vétérinaires sans Frontières.

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