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Latam-GPT : la première intelligence artificielle collaborative d’Amérique Latine

L’objectif de ce projet transnational est simple : révolutionner le paysage technologique latino-américain.

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@Markus Winkler
Écrit par Emma Darsonval
Publié le 28 mars 2025, mis à jour le 31 mars 2025

 

A la fois le marqueur d’un développement technologique remarquable et d’une volonté de valoriser l’identité du continent, cette intelligence artificielle porte de nombreux espoirs.

Selon le Centre National d’Intelligence Artificielle du Chili (CENIA) à l’initative du programme, créer une intelligence artificielle 100% latino-américaine permettrait de mieux « refléter la culture, la langue et l’histoire » de la région que d’autres programmes comme Chat-GPT, en offrant « des informations plus précises et représentatives des contextes locaux ».

 

Latam-GPT, le projet en détail

L'initiative, qui sera lancée mi-juin 2025, vise à devenir le premier modèle d'intelligence artificielle (IA) collaboratif d'Amérique latine et des Caraïbes, dont la nature promet d'être « publique, ouverte et inclusive ». C’est à Paris durant le Sommet pour l’Action sur l’Intelligence Artificielle le 10 et 11 février dernier qu’il fut annoncé.

Même si le Centre National d’Intelligence Artificielle du Chili en est à l’origine, ce n’est pas uniquement un projet chilien. Des pays comme le Mexique, le Pérou, l’Argentine, le Costa Rica, la Colombie ou encore l’Espagne ont apporté des données clés, nombreux conseils d’experts et d’institutions qualifiées, afin d’établir un programme comparable au ChatGPT 3.5 de OpenAI.

Sa différence réside cependant dans son accent sur les questions latino-américaines, qu’elles soient culturelles, historiques, politiques ou sociales. L'objectif est donc une utilisation dans le milieu éducatif, pour l’économie et l’environnement, ou bien simplement permettre des connaissances à tous, surtout dans des pays où l’accès à l’éducation reste limité.

Beaucoup d’espoirs sont placés dans ce programme, considéré comme une prouesse technologique pour la région, une véritable marque de souveraineté.

 

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@ International Development Research Centre

 

Au coeur d’enjeux politiques

Mais alors quelles sont les motivations derrière cette création ? En réalité, cette démarche semble s’inscrire dans la volonté de se construire comme une région influente, et de s’émanciper des autres puissances, en créant sa propre intelligence artificielle.

La ministre des Sciences et de la Technologie du Chili, Aisén Etcheverry, souligne l'importance géopolitique du projet et affirme que « les modèles de langage sont l'essence de l'intelligence artificielle et qu'aujourd'hui, ils ne sont développés que par les États-Unis, la Chine et quelques pays d'Europe ».

 

« Avoir un modèle de langage latino-américain, qui reflète notre culture, notre langue, notre approche de la vie, nous permet de progresser vers une intelligence artificielle plus durable », souligne-t-elle.

Ainsi, au-delà d’un simple outil numérique, cette intelligence artificielle vise à contribuer à la croissance de la région latino-américaine, notamment sur le plan international, en y investissant plusieurs centaines de millions de dollars.

 

Une avancée technologique, un recul écologique ?

La croissance des intelligences artificielles apparaît comme une menace écologique silencieuse, en aggravant l’empreinte carbone, augmentant les demandes en électricité, en ressources et en matières premières tels que le silicium.

A titre d’exemple, les datas centers consomment environ 1,5% de l’électricité mondiale, l’équivalent de l’Arabie Saoudite. C’est pourquoi cette initiative soulève des controverses, surtout puisque l’Amérique Latine fait déjà face à de nombreux désastres écologiques qui pèsent sur les pays.

Selon les calculs de la CENIA, cette intelligence artificielle consommera moins que celle de Google par exemple, en raison d’une abondance d’énergie solaire dans le nord du Chili, et donc d’une faible consommation d’eau. Une perspective encourageante, faut-il encore que le projet tienne ses promesses.

 

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@Siècle Digital

 

Se mesurer face aux géants : ambition ou illusion ?

Malgré de belles ambitions, ce projet n’est encore qu’en phase de développement et de nombreux obstacles pourraient en entraver le fonctionnement. En effet, du fait qu’il s’agisse d’un projet transnational, faire collaborer une dizaine de pays sans véritable autorité en charge semble difficile. L’Amérique centrale fait face à des problématiques parfois drastiquement différentes de pays andins comme le Pérou, et concilier les avis de tous pourrait devenir un réel challenge.

De plus, réussir à rivaliser avec d’autres intelligences artificielles déjà bien installées et fonctionnelles, à l’image de Gemini, l’IA de Google, va certainement s’avérer difficile.

Pour autant, ce ne sont pas les seuls cherchant à concurrencer les monopoles américains et chinois en la matière. L’entreprise française Mistral AI a récemment lancé sa propre intelligence artificielle « Le Chat » en version mobile, afin de rivaliser avec ses concurrents.

L’essor des intelligences artificielles aujourd’hui renforce l’idée qu’une nouvelle révolution numérique est en marche. Elle n’est pas sans rappeler la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle, qui a bouleversé l’Europe avant de transformer le monde.

 

Cette nouvelle ère suivra-t-elle le même chemin ? Sera-t-elle un levier pour réduire les inégalités et lutter contre la crise climatique, ou au contraire, un nouveau risque pour les générations futures ?

 

EMMA DA
Publié le 28 mars 2025, mis à jour le 31 mars 2025

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