À l’occasion des célébrations du 8 mai, redécouvrons cette franco-péruvienne, née à Lima de parents français, qui s’est confrontée au totalitarisme nazi et a participé à la résistance française.
Madeleine Blanche Pauline Truel Larrabure est née à Lima le 28 août 1904. Ses parents, immigrés français arrivés au Pérou dans la seconde moitié du XIXe siècle, Alexandre Léon Truel et Marguerite Larrabure, ont donné naissance à huit enfants dont Madeleine fut la petite dernière.
Avant de devenir la Péruvienne qui fit partie de la Résistance française contre l'invasion nazie pendant la Seconde Guerre mondiale et qui vécut ses derniers jours dans le camp de concentration de Sachsenhausen, au nord de Berlin, Madeleine passe une enfance paisible et heureuse à Lima, notamment dans la maison familiale située au numéro 54 de la rue Arequipa à Miraflores entre 1916 et 1924. Issue d'une famille aux valeurs catholiques profondes, Madeleine a étudié au Collège San José de Cluny dans le centre-ville de Lima.
Mais l'histoire qui sera héroïque de Madeleine est d’abord marquée par la mort prématurée de ses parents. Son père tenait une quincaillerie située au numéro 150 Jirón de la Unión et était également pompier volontaire dans la « Caserne France ». Lors d’une intervention, il sera victime d'un accident et il en meurt le 6 mai 1918. C’est aussi parce que Madeleine perdra sa mère très jeune, qu’à l’âge de 20 ans, en 1924, elle part pour la France rejoindre ses tantes, pour ne jamais revenir au Pérou.
Installée à Paris, Madeleine commence des études de philosophie à l'Université de la Sorbonne puis trouve un emploi comme assistante administrative dans la première succursale que la Banque espagnole Bilbao a ouverte dans la capitale française. Mais le déclenchement de la guerre et l'invasion rapide des nazis vient bouleverser la vie de millions de personnes en Europe. Madeleine ne fait pas exception.
« L'enfant du métro », un classique de la littérature jeunesse en France
En janvier 1942, Madeleine Truel est renversée par un camion de l'armée allemande qui la laisse handicapée. Pendant sa convalescence, elle profite de son repos forcé pour écrire le livre « L'enfant du métro » qui sera publié à Paris, en 1943, aux Editions du Chêne (un livre illustré par sa sœur Lucha Truel).
Madeleine s'inspire de Pascal Behar, l'un des enfants du 17ème arrondissement de Paris qui est venu dans son appartement pour l'écouter raconter les merveilleuses histoires apprises au Pérou pendant sa jeunesse. Pascal et sa mère, d'origine juive roumaine, sont capturés par les nazis en juillet 1942. Quelques jours plus tard, le petit garçon réussit à s'échapper et est recueilli par Madeleine et ses sœurs.
C'est à travers lui, mais aussi les arrestations et les passages à tabac qu'elle pouvait voir de sa fenêtre, qu'elle a commencé à montrer une grande empathie et solidarité avec les juifs persécutés pendant la guerre. Madeleine a été particulièrement touchée par la situation des enfants de juifs, qui vivaient sous la menace constante d'être découverts et déportés dans l'un des camps où 6 millions de juifs sont morts.
« L'enfant du métro » raconte les aventures d'un garçon de sept ans qui naît et grandit au milieu des tunnels et des stations de métro. Son imagination le mène dans un monde fantastique qu'il ne connaît pas, mais qu'il aspire à découvrir, même s'il doit affronter l'hostilité des gens, les griffes de bêtes sauvages ou même un géant maléfique.
Écrite très loin de son pays natal, la seule œuvre de la franco-péruvienne Madeleine Truel est devenue un classique de la littérature jeunesse en France, et est désormais traduite en espagnol sous le label « Maquinaciones Narrativa » : « El niño del metro ».
Retrouvez ici la critique littéraire de Sophie Canal (professeure de philosophie et écrivaine installée au Pérou depuis plus de 20 ans) parue en avril 2022 dans la revue en ligne « Las Críticas » (Des critiques littéraires écrites par des femmes) de Nataly Villena, écrivaine péruvienne qui vit à Paris.
Madeleine Truel, la Péruvienne qui a sauvé des centaines de juifs de l'holocauste
La date exacte à laquelle Madeleine Truel décide de rejoindre la Résistance française n’est pas connue, mais elle devient rapidement une extraordinaire faussaire de documents. Sous le pseudonyme de Marie, elle va sauver de nombreux juifs fugitifs et soldats alliés en empêchant qu’ils tombent entre les mains de l'envahisseur.
Son travail, crucial, consistait à falsifier des documents, notamment des passeports, pour permettre à de nombreux juifs de se mettre à l'abri et à des soldats alliés, entre autres des parachutistes, de pouvoir franchir les postes de contrôle des soldats nazis.
Si falsifier les documents des personnes qui combattaient l'oppression nazie était une tâche relativement facile car à l'époque les documents étaient écrits à la main, les membres de la Résistance française avaient du mal à se procurer l'encre utilisée par les autorités allemandes. Or c’est précisément alors que Madeleine se rend dans l'un des endroits où les Allemands cachaient l'encre, qu’elle est arrêtée par trois agents de la Gestapo, le 19 juin 1944.
Après avoir été torturée à la prison de Fresnes (près de Paris), elle est déportée début 1945 au camp de Sachsenhausen, à 35 kilomètres de Berlin. Dans le camp de concentration, elle se consacre à voler de la nourriture dans les cuisines pour la donner aux plus faibles et à remonter le moral des prisonniers en leur contant des histoires sur le Pérou lointain.
Madeleine Truel meurt finalement à Stolpe (Allemagne) le 3 mai 1945, seulement quelques jours avant l'arrivée des troupes russes et la capitulation allemande, lors d'une des marches dites de la mort, une marche forcée sans nourriture à laquelle les prisonniers étaient soumis juste avant la fin de la guerre et la libération alliée imminente pour cacher l’existence des camps. Madeleine Truel est la seule non-juive des 23 Péruviens tués dans les camps de concentration nazis.
Hommages à Madeleine Truel
Bien que la vie de Madeleine Truel ait inspiré les recherches du journaliste Hugo Coya et le roman de Raúl Tola, sa figure et son héroïsme sont passés pendant longtemps inaperçus au Pérou.
En 2012, un documentaire retrace son histoire, « Madeleine Truel, l'héroïne péruvienne de la Seconde Guerre mondiale », réalisé par le cinéaste péruvien Luis Enrique Cam.
En décembre 2021, la municipalité de Miraflores a inauguré dans le parc Itzhac Rabin une scultpture en l'honneur de Madeleine Truel. Une œuvre de l'artiste juive américaine, Varda Yoran, qui représente une jeune femme sans traits définis tenant dans ses mains une plume géante, tel un fusil symbolisant son combat dans les rangs de la Résistance française. A ses pieds, sur une pile de livres, on peut lire la phrase « Avec sa plume, elle a sauvé de nombreuses vies ».
Madeleine Truel Larrabure (1904 – 1945)