On oublie trop souvent que de nombreux vocables d'origine arabe sont quotidiennement utilisés en français, la langue de Molière ayant en effet absorbé de nombreux termes...
Si l'apport de la civilisation arabe est immense et reconnu dans les sciences, l'astronomie, les mathématiques (les chiffres arabes, l'algèbre), la médecine, les arts, la philosophie avec la préservation et la transmission de nombreux textes grecs de l'Antiquité, on oublie trop souvent que de nombreux vocables d'origine arabe sont quotidiennement utilisés en français, la langue de Molière ayant en effet absorbé de nombreux termes, certes pas en aussi grande quantité que l'espagnol, termes rapportés par les troupes coloniales stationnées en Afrique du nord à partir du XIXe siècle.
Le langage familier et populaire a ainsi adopté à une certaine époque la mouquère, mot arabe repris aussi en espagnol, un chouia (un peu), bésef (beaucoup), kif-kif (environ ou pareil dans "c'est kif-kif"), fissa (faire fissa, faire vite), le barda (le paquetage du militaire), il est maboul (il est fou), le toubib synonyme de médecin, mesquin qui signifie médiocre ou manquant de générosité, venu par l'italien de l'arabe meskin "pauvre", le bled, à l'origine la campagne ou le village mais qui signifie de manière dépréciative un endroit perdu et lointain, un "patelin".
Très utilisé dans les banlieues, le terme niquer appartient à un registre très familier et a pour sens avoir une relation sexuelle ou posséder mais aussi détruire ("il a niqué ma voiture"). Il provient lui-même de l'arabe nik ("faire l'amour"), ou nik?h le coït, mais vraisemblablement pas du français forniquer issu du latin fornicare, de même sens.
Terminons avec un autre terme très populaire dans le langage familier: kiffer. Le kif ou kief évoquait en arabe la sieste et le plaisir qu'elle procure comme de nombreux écrivains du XIXe l'attestent déjà. Bientôt, le mot désigne le plaisir en général, mais aussi le plaisir particulier procuré par la consommation du chanvre indien, c'est-à-dire le haschich. Le kif finit par désigner le haschich lui-même, puis le plaisir sexuel et le plaisir de façon générale. Quel kif! était une expression prisée par les Pieds noirs, marquant ainsi une complicité et une appartenance à leur communauté. Le mot est donc passé dans le français populaire et familier avant d'être repris assez récemment dans les banlieues par les descendants de migrants maghrébins qui construisent le verbe kiffer dans le sens de plaire ou aimer. Je te kiffe (tu me plais, je t'aime?), je la kiffe (elle me plait), c'est kiffant (c'est plaisant). Son usage est maintenant très répandu.
Décidément, la langue française a une capacité d'absorption réellement kiffante!
Hervé SALAUN pour l'Alliance française de Buenos Aires (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) - lundi 26 septembre 2011
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