En cette journée du 11 novembre, nous commémorons la fin de la 1ère guerre mondiale. Lepetitjournal.com s’est intéressé à l’histoire de ce soldat mort au combat le 28 octobre 1914 à bord du torpilleur français le Mousquet lors de la bataille de Penang. Jacques Carissan est enterré sur l'ile de Weh au nord de Sumatra. L'ambassade de France se rend régulièrement sur l'île pour honorer le disparu.
L’enseigne de vaisseau Jacques Carissan n’a que 29 ans lorsqu’il succombe à ses blessures le 30 octobre 1914 à Sabang sur l’île de Weh.
Deux jours plus tôt, il croise au large de Penang à bord du Mousquet, un des 4 vaisseaux français chargés par les amiraux alliés des forces françaises d’Extrême-Orient, de garder le Détroit de Malacca, passage obligé pour le trafic extrême-oriental. Arrive alors le croiseur allemand Emden de trois mille six cents tonnes, armé de dix canons. À son bord, l’amiral Von Spee qui a reçu pour mission d’arraisonner et de détruire tous les bateaux alliés qu’il rencontre sur sa route, solution radicale imaginée par l’Allemagne qui n’est pas en position de force dans cette partie du monde, ses territoires y étant éparpillés et dépourvus de garnisons significatives.
Le subterfuge du croiseur allemand Emden
Pour passer inaperçu sur les mers, Von Spee use d’un subterfuge qui pourrait prêter à sourire aujourd’hui, mais qui fit ses preuves. Les bateaux allemands sont dotés de 3 cheminées alors que ceux des alliés en comptent 4. Il fait donc fabriquer une 4ème cheminée factice en bambou et en toile, le tout peint en gris.
À 4 heures du matin, le vaisseau allemand dépasse le torpilleur français Le Mousquet qui le prend, et pour cause, pour un bâtiment britannique et s’infiltre ainsi dans le port de Penang. Il torpille sans difficulté le croiseur russe Yemtchoug qui est au repos pour remise en état de ses machines et repart aussitôt au large en direction du Mousquet. Le Pistolet et la Fronde, deux navires faisant partie de l’escadrille du Mousquet, se lancent à la poursuite de l’Emden mais trop lents, ils ne pourront assister qu’impuissants au torpillage du destroyer français. Sur 88 officiers et marins que compte l’équipage du Mousquet, 44 disparaissent avec le bâtiment et 36 dont 16 blessés sont recueillis par les canots allemands.
Ne souhaitant pas s’embarrasser de prisonniers, le croiseur allemand arraisonne un cargo anglais et, contre l’immunité, lui intime de conduire les Français au port le plus proche. C’est ainsi que l’enseigne de vaisseau de 1ère classe Jacques Carissan est débarqué le 30 octobre 1914 à Sabang, la pointe nord de Sumatra, en terre des Indes néerlandaises. Grièvement blessé, il succombe à ses blessures peu de temps après son arrivée.
Une tombe perdue et retrouvée plusieurs fois
Il est enterré avec le matelot clairon Joseph Hamon dans le cimetière européen de Sabang. D’après des photos de l’époque, ils eurent droit à de somptueuses funérailles auxquelles prirent part des marins hollandais, des marins français survivants, des autorités militaires et civiles locales ainsi qu’une partie de la population. Ce n’est qu’en 1922 qu’un monument funéraire du style des monuments aux morts que l’on trouve en France est érigé. Puis arrive la seconde guerre mondiale et l’invasion japonaise et enfin le départ des Hollandais. Le cimetière de Sabang ainsi que l’aventure du Mousquet tombe peu à peu dans l’oubli.
En octobre 1985, Denys Lombard, grand spécialiste de l’Asie de l’Est et du Sud-Est et, à l’époque des faits, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales avant de devenir plus tard le directeur de l’École française d’Extrême-Orient, re-découvre à l’occasion d’une visite à Sabang la tombe de l’enseigne Carissan, ou tout au moins ce qu’il en reste. Une simple dalle brisée où n’apparait qu’un seul nom, celui de Joseph Hamon ayant disparu. Après plusieurs missions sur place, les autorités consulaires et militaires françaises de Jakarta décident en 1989 de procéder à une restauration de la tombe. Et là, quelle ne fût pas leur surprise quand en manipulant la plaque mortuaire, elles découvrent qu’elle avait été retournée dans des circonstances toujours inconnues et qu’à l’intérieur se trouve l’épitaphe originale où les noms de Hamon et Carissan sont gravés.
Les spécialistes pensent que le corps de Joseph Hamon a du être exhumé et rapatrié à la demande de la famille, vraisemblablement entre 1926 et 1942.
L’histoire incroyable de la dernière demeure de Jacques Carissan n’est pas encore complètement terminée, car suite à l’effroyable tsunami qui s’est abattu sur la région d’Aceh en 2004, les militaires du 3e RHC prenant part à une opération d’assistance humanitaire sont par le plus complet des hasards basés…à Sabang et font à leur tour la découverte de cette tombe. Pour éviter qu’elle ne soit à nouveau oubliée de tous, il est décidé qu'Olivier Tichit, Français basé à Sumatra depuis de nombreuses années, prendra en charge l’entretien de la sépulture. Il le fait à partir de 2006, tout d’abord à ses frais, et depuis 2014 avec une subvention de la mission de défense de l’Ambassade de France.
Grâce à Denys Lombard de l'École française d'Extrême-Orient, au général Grammatico et au lieutenant-colonel Rinaudo de l'opération Béryl et aujourd'hui grâce à Olivier Tichit, le 11 novembre, les soldats morts pour la France pourront donc être honorés jusqu’aux confins de l’Asie.
Pour en savoir plus sur cette bataille, un livre :
La bataille de Penang par John.R Robertson aux Éditions Intervalles