

Fermez les yeux. Ce qui se savoure ici, ce sont avant tout les odeurs. Elles changent à chaque pas, à chaque pièce, elles vous assaillent tout particulièrement dans les « librairies » qui archivent des milliers de flacons… Nous sommes dans les locaux de MANE, fleuron français des arômes et des parfums, pour rencontrer Carine Leynaud et Benjamin Foatelli. Ils nous parlent de leur spécialité, qui est aussi leur passion : la première est aromaticienne, le second est parfumeur. Plongée dans un monde où les sciences sont reines.
La différence est dans le sens
Carine définit ainsi son métier : « un arôme est un ingrédient qui donne du goût à un aliment. Je créé donc des arômes au moyen de mélanges de matières premières (synthétiques ou naturelles) pour répondre aux besoins d’un client qui fabrique des produits alimentaires ». Ces derniers peuvent être très divers : liquides, en poudre, cuits, pasteurisés… Ce sont autant de contraintes qu’il faut intégrer dans le développement de l’arôme. L’équipe de MANE Indonésie s’est répartie les types de missions. Carine s’occupe plus particulièrement des arômes « café » pour boissons, et des produits laitiers. Un marché en pleine expansion en Indonésie.
Le métier de parfumeur consiste quant à lui à créer des odeurs en répondant au projet d’un client. Ce peut être pour un produit cosmétique, sanitaire, nettoyant, en poudre, liquide, aérosol, une bougie, un papier... « Je passe énormément de temps à m’intéresser au “comment faire” ? », nous explique Benjamin. « Ce métier est basé sur le ressenti. Il faut pouvoir identifier les tendances du moment, tout en évoluant par nuances sur ce qui s’est déjà fait. »
Pour comprendre la différence, comparons un arôme de pomme et un parfum de pomme. « Les ingrédients seront différents » nous expliquent Carine et Benjamin. « Pour faire court, l’arôme sera composé essentiellement de matières premières réellement identifiées dans la pomme, afin d’obtenir un goût au plus proche du fruit lui-même. Le parfum, même s’il a des chances de contenir quelques éléments chimiques similaires à l’arôme, sera aussi composé de muscs, de notes boisées afin de donner du “corps" et d’inscrire son sillage dans la durée. Le parfum peut beaucoup plus se permettre de s’éloigner du “vrai” fruit. »

Goût ou odorat ; lorsque vient un projet, concrètement, cela se passe selon le même schéma pour les deux. Le client explique ce qu’il cherche à produire et à quel prix. L’aromaticien ou le parfumeur développe sa proposition, qui sera testée en condition réelle d’utilisation.
« C’est un métier où il ne faut pas être susceptible ». Les deux collègues sont unanimes : les propositions ne peuvent pas plaire à tout le monde. Il arrive d’être ravi d’un résultat et de le voir repoussé par un client, ou à l’inverse de douter de ce qu’on a développé, alors que cela répond parfaitement au besoin. Dans ce domaine éminemment subjectif, « le recul et l’avis des autres est précieux. C’est le plus difficile pour nous : nous avons littéralement le nez dedans… ! »
Les spécificités indonésiennes : côté arômes, la force ; côté parfums, le fruit
Sur les arômes, Carine l’avoue « ça fait 20 ans que je suis là, pourtant les produits sont toujours trop puissants et sucrés pour moi. Mais c’est un marché particulièrement dynamique et motivant ».
Côté parfums, Benjamin travaillait précédemment en Inde. Il apprécie retrouver ici « une certaine normalité ». Les goûts sont moins « excentriques » et les clients favorisent des valeurs sûres.

Bien sûr, il faut prendre en compte le climat, la chaleur et l’humidité qui sont des facteurs clefs dans la perception d’un parfum. Ils font une différence notable avec ce qui est développé en Europe. Il faut aussi tenir compte de la culture locale : « j’apprécie les notes épicées, ça marche bien dans les pays chauds… Mais en Indonésie, ce n’est pas du parfum : c’est de la vie quotidienne ! Clous de girofle dans le tabac, sans parler de la nourriture… Ce qui fait plutôt “parfum”, ce sont les notes fruitées comme la pomme, et le fleuri. Les pommes c’est cher, c’est vert, c’est propre : ça résonne complètement différemment dans un esprit indonésien, et ça peut tout à fait s’utiliser en parfumerie fine. »
D’où le défi de ces professionnels : réussir à s’extraire de leur background pour comprendre ce qui va plaire sur le marché. Pour cela, rien de mieux que d’aller sur le terrain « regarder ce qui se fait et ce qui plaît ».
En permanence, MANE s’assure d’être en adéquation avec le goût des consommateurs par la réalisation de tests. « Nous avons un département d’analyse sensorielle, avec un panel d’experts mais aussi des panels consommateurs », détaille Carine.
Depuis 1871, une histoire d’inventivité
L’innovation est au cœur de la stratégie de cette entreprise familiale. « En France, nous développons des molécules brevetées qui ont la capacité de réduire les mauvaises odeurs. Nous proposons de plus en plus de parfums bio, biodégradables ou écologiquement responsables », s’enorgueillit Benjamin.
Qu’en est-il de la recherche sur le marché indonésien ? « Nous ne pouvons pas trop en dire », rit Carine. « Juste un exemple en arômes : nous travaillons sur le cascara, cette pellicule perdue du café qui commence à être utilisée dans de nouveaux produits alimentaires ». Le rôle de Carine et de Benjamin est aussi d’être force de proposition auprès des fabricants indonésiens. Par exemple, « nous avons développé un shampoing sec », confie Benjamin. « Ça n’existe pas encore en Indonésie, mais si un jour un producteur se lance, nous serons prêts. »
Et la tendance mondiale ?
Benjamin constate : « en période de crise, les notes vertes reviennent beaucoup à la mode. Mais les tendances de parfumerie ne font pas vraiment le tour du monde, mis à part certaines “notes signatures” comme Pantene par exemple ». Même conclusion chez Carine, pour qui le marché alimentaire indonésien est avant tout dominé par les gros acteurs locaux, beaucoup étant monopolistiques et ultra-concurrentiels.
MANE est le 5ème mondial sur son secteur et emploie 7.500 personnes dans 39 pays. L’Indonésie fait partie des centres les plus importants, avec près de 600 travailleurs. Carine et Benjamin travaillent sur la recherche et développement (R&D). Les formules ne sont jamais ouvertes au client et restent la propriété de MANE. Pour en savoir plus consulter le site de Mane ici.
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