Même si nous consommons tous quotidiennement des produits contenant des ingrédients issus des usines Mane, rares sont les personnes qui savent ce qui se cache derrière le nom de cette multinationale qui emploie pourtant 5000 salariés à travers le monde pour un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros annuel. Dans le domaine des arômes et des parfums tout est question d'équilibre et de discrétion. Intrigués, nous sommes allés à la rencontre de Jérôme Pointecouteau, Directeur Général de Mane Indonésie depuis plus de 2 ans, pour qu'il nous éclaire sur son activité. Il nous reçoit dans ses bureaux du centre ville qui dominent Jakarta. Au-dessus du tumulte et de la pollution, il nous parle de goûts, d'odeurs, et surtout de sensations.
Mane, entreprise familiale fondée à Grasse en 1871, spécialisée dans l'extraction et la fabrication d'arômes et de parfums, s'est installée en Indonésie au début des années 90. Bernard Leynaud est alors envoyé en éclaireur à Jakarta par la maison mère. Il réalise rapidement qu'il y a de grandes opportunités sur le marché indonésien et une première usine est construite à Cikarang en 1998 dans laquelle sont traités aujourd'hui encore les arômes salés. Les arômes sucrés ainsi que la parfumerie sont pour leur part fabriqués dans la nouvelle usine de Cibitung qui a été inaugurée début 2016.
En tout, 500 employés travaillent actuellement pour Mane en Indonésie, dont plus d'un quart dans le département Recherche et Développement. Jérôme Pointecouteau nous confie en effet que le choix d'une odeur ou d'un goût est une affaire sérieuse et très subtile
c'est un accès direct aux émotions, qui renvoient souvent aux souvenirs de l'enfance. La fameuse madeleine de Proust
Et justement la réussite de Mane dans son domaine tient à sa faculté à répondre aux besoins des clients locaux en faisant coopérer des équipes composées d'expatriés français et d'employés indonésiens. Les uns apportent le savoir-faire et le patrimoine de la société Mane, qui est toujours détenue à 100% par la famille fondatrice (l'actuel Président étant Jean Mane descendant de la 4e génération) et les autres l'expertise locale, la sensibilité, l'histoire indonésienne, qui font toute la différence quand il s'agit de mettre au point une recette pour les épices d'un soto ayam ou d'un satay.
Les produits Mane sont présents dans tous les foyers indonésiens
Les arômes représentent 60% de l'activité de Mane. On en retrouve dans les produits laitiers, les boissons en poudre ou liquides, la confiserie, la biscuiterie, les sauces, les snacks. Les 40% restant représentent la part de l'activité parfums utilisés aussi bien pour les soins à la personne (c'est à dire les savons, les gels douche, les laits pour le corps...) que pour les lessives, les détergents voire même certains plastiques. Afin de pouvoir répondre rapidement aux besoins de ses multiples clients, une grande variété d'épices et d'huiles essentielles sont stockées en permanence dans les entrepôts : cannelle, poivre, chili, clou de girofle, bergamote, vetiver, ylang ylang prêtes à être mélangées et expédiées dans un délai d'une semaine maximum.
Car la deuxième clé de la réussite de Mane Indonésie c'est sa capacité à fabriquer localement des produits pour le marché intérieur.
Cette proximité permet de réagir rapidement et de produire des ingrédients parfaitement adaptés aux besoins du marché indonésien, tels que les arômes halal par exemple.
L'avenir de Mane dépend donc de sa capacité à accompagner les évolutions du marché et les habitudes de consommation. Aujourd'hui les chaines de supermarchés remplacent petit à petit les marchés traditionnels. Les Indonésiens consomment donc plus de produits manufacturés. Alors Jérôme Pointecouteau prévient :
il faut être vigilant et savoir capter les nouvelles tendances que ce soit un nouveau plat cuisiné ou une nouvelle chanson en vogue.
Et oui ! Avec l'utilisation intensive des réseaux sociaux, les informations circulent vites et les influences s'internationalisent. En Indonésie comme ailleurs, les jeunes regardent vers l'extérieur et particulièrement du côté de la Corée. D'une chanson en vogue K-pop écoutée par les jeunes à leur envie de cuisine coréenne, il n'y a qu'un pas qu'il faut savoir anticiper.
article paru le : Lundi 28 novembre 2016