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Français d’origine indonésienne, rencontre avec Anda Djoehana

Djoehana Anda Wiradikarta chercheur enseignantDjoehana Anda Wiradikarta chercheur enseignant
Écrit par Valérie Pivon
Publié le 25 août 2019, mis à jour le 1 août 2023

Français d'origine indonésienne, Anda Djoehana Wiradikarta est enseignant-chercheur en géopolitique et management culturel. De Total à Asialyst, sa connaissance affûtée de l'Indonésie l'a amené à collaborer avec différents sociétés, universités et sites d'informations. Rencontre avec un homme charmant, affable et plein d’humour. 

 

Afin de comprendre le parcours d'Anda, il est intéressant de revenir sur le contexte historique de l’époque. Le grand-père d’Anda, Raden Moehamad Djoehana Wiradikarta, est médecin spécialiste réputé de microbiologie et de sérologie à l’université de Bandung, il est également l’un des cinq fondateurs de la Croix Rouge indonésienne. Son grand-oncle s’appelle Sjahrir, il fut le premier ministre de la République d’Indonésie de 1945 à 1947, avant d’être exilé en 1960 par Sukarno, car Sjahrir contestait le tournant autoritaire pris en 1957, sous couvert de "démocratie dirigée".

Les parents d’Anda, tous deux jeunes étudiants au lycée néerlandais de Semarang, décident de poursuivre leurs études en Europe. En 1948, à Semarang, les cours sont dispensés en hollandais et en français. Ces écoles sont réservées aux enfants de parents fonctionnaires. Anda précise que parler « le hollandais et le français est un marqueur social à l’époque ». Son père poursuit ses études à la Sorbonne et sa mère en Angleterre où ils se marient. Ce fut le premier mariage indonésien dans la plus pure tradition célébré en Angleterre, ils eurent droit à la Une des journaux. Sa mère est habillée du beau costume sundanais de la région de Java, et son père porte la tenue Minangkabau, de la région de Sumatra, d’où est originaire sa famille.  « J’ai eu de la chance que mes parents décident de vivre à Paris, j’y suis né. J’aurais pu naître en Angleterre et passer à côté de tous ces plaisirs de la nourriture française »,  raconte Anda avec humour.

 

Sur les bancs de la première école française d'Indonésie

Pour lui, le premier séjour à Jakarta se fera entre 1957 et 1959, période durant laquelle ses parents travaillent dans la capitale, tandis que lui fréquente la première école française de Jakarta. « Nous habitions à Menteng, un quartier qui s’est développé dans les années 1930. J’ai eu la chance d’aller à l’école française Saint-Exupéry, nous étions une vingtaine d’élèves. Ce pavillon ouvert sur la plage avait été construit pour les enfants des employés d’une société française qui construisait la digue de Tanjung Priok. Heureusement, durant les cours nous faisions dos à la mer » nous raconte Anda.

baie Tanjung priok Jakarta
Baie de Tanjung Priok 1950 @COLLECTIE_TROPENMUSEUM

Puis retour à Paris, où il poursuit ses études : collège, lycée, classe préparatoire au réputé Lycée Stanislas, où il ne trouve pas l’ambiance extraordinaire. Il préfère le Lycée Saint-Louis, mieux situé et surtout plus pratique pour les escapades et participer aux manifestations. Il décroche un diplôme d’ingénieur en travaux publics, puis s’inscrit grâce à une bourse d’études à l’institut du pétrole.

 

Expert en management interculturel

Il travaille pour le groupe pétrolier Total pendant 13 années, puis 5 années pour un groupe indonésien à Jakarta. Il décide ensuite de passer un doctorat en sciences de gestion dans la capitale française. Son sujet de thèse est tout trouvé : "gérer les femmes et les hommes en Indonésie : l'exemple de Total". Dans ce cadre, il interroge de nombreux employés sur des cas concrets, tentant de comprendre ainsi la dimension importante de l’interculturalité. Il nous explique ainsi que le sourire indonésien est une manière inconsciente de signifier qu'on est "ouvert" car ce qui est inconsciemment craint dans les rapports entre individus dans la société indonésienne, c'est d'être confronté à quelque chose de perçu comme "fermé". De même, on craint de ne pas faire partie du groupe, ce qui ne veut pas dire que le groupe est en lui-même important. Chaque pays possède ses différences : « Oubliez de dire bonjour en France à quelqu'un avant de lui poser une question, vous allez vite comprendre », illustre t-il. 

Aujourd’hui, Anda est enseignant et chercheur en management interculturel à l’université du Havre et en géopolitique à l’École Supérieure de Commerce de Dijon. Il est aussi coach pour des sociétés françaises. Il nous donne le cas d’un expatrié tout juste arrivé à Jakarta qui essayait d’appliquer en Indonésie les mêmes modes de management qu’il utilisait en Afrique …

 

Faire connaître l’Indonésie en France

« On ne parle pas assez de l’Indonésie en France, ce grand pays reste méconnu. On en a une idée fausse, on le présente comme le plus grand État musulman au monde, c’est comme si on présentait l’Angleterre comme un pays protestant. L’Islam n’est pas affiché dans la constitution indonésienne, l’identité du pays c’est le pluralisme. Le Garuda, monture de Vishnou, l’un des trois dieux de la trinité hindouiste, est l’emblème du pays. La constitution reconnaît six religions. Les pays musulmans ont le Croissant Rouge, l’Indonésie a la Croix-Rouge  ».

Anda, passionné d’économie, de politique et de sciences humaines et sociales écrit depuis plusieurs années pour Asialyst, un site d’information en ligne créé par d'anciens journalistes basés en Chine, qui a la particularité de mettre en avant l’Asie. Son rôle est d’apporter un éclairage sur la situation économique et politique de l’Indonésie. 

 

Petite question pour la faim

On a demandé à Anda quel est le meilleur restaurant indonésien de Paris. « J’aime beaucoup aller au restaurant Djakarta Bali dans le 1er arrondissement, la nourriture y est délicieuse, de nombreux indonésiens de passage s’y retrouvent. »

Anda est français, mais Anda est aussi Indonésien dans le cœur.

 

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Crédit photo: Eleonore Mandel