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Travaux de démolition : la polémique enfle à l’aéroport Atatürk

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Compte Twitter @alikdk
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 18 mai 2022, mis à jour le 10 janvier 2024

Alors que des travaux de démolition des pistes de l’aéroport Atatürk ont démarré, avec le projet d’y faire un "jardin public", l'opposition affirme que le gouvernement souhaite vendre la zone à des investisseurs qataris et saoudiens.

Ce lundi 16 mai, des bruits de bulldozers ont retenti à Yeşilköy (quartier de l’aéroport Atatürk), avec le lancement des travaux de reconversion de l'aéroport en jardin et lieu de loisirs ("millet bahçesi"), une sorte de "central park" puissance 4, comme l’annonçait le président turc Recep Tayyip Erdogan fin 2018.

Abandon de l’aéroport Atatürk au profit de l’aéroport d’Istanbul

L'aéroport Atatürk, situé sur la rive européenne d’Istanbul (sud-ouest), avait suspendu ses vols commerciaux en avril 2019, après l'ouverture du flambant neuf aéroport d'Istanbul quelques mois plus tôt, le 29 octobre 2018.

Depuis plus de trois ans, l'aéroport Atatürk est ainsi en grande partie resté inactif. Jusqu’en février 2022, l’aéroport était toujours utilisé pour le fret aérien (avions cargo).

Par ailleurs, deux de ses pistes avaient été détruites au début de la pandémie de Covid-19 pour être transformées en hôpital de campagne (coût : 2 milliards de TL). Cet hôpital préfabriqué, quasiment vide à l’heure actuelle, pourrait d’ailleurs être réhabilité en un établissement spécialisé dans la chirurgie esthétique et la greffe de cheveux

L'aéroport Atatürk avait l’avantage d’offrir des alternatives de transport au public, grâce notamment à la ligne de métro qui le desservait. À l’heure actuelle, la ligne de métro qui doit relier le nouvel aéroport d’Istanbul au centre-ville est encore en construction, faisant l’objet de critiques régulières. En effet, on se souvient des images de passagers bloqués à l’aéroport d’Istanbul en raison des fortes neiges, fin janvier 2022. À ce moment-là d’ailleurs, les ministres de l’Intérieur et des Transports, revenus en urgence, avaient dû atterrir à l’aéroport Atatürk.

Ali Kidik, membre (parti İYİ) du conseil municipal de la mairie métropolitaine d’Istanbul, a pour sa part indiqué, lors d’une émission sur la chaîne Halk TV, ne pas comprendre que l’aéroport Atatürk ne soit plus opérationnel, vu l’affluence du trafic aérien de la province, qui pourrait facilement justifier trois aéroports, comme c’est le cas dans de grandes métropoles (à l’instar de New-York, Moscou…).

Un appel d’offres fin avril

Le 9 mai, le journal Sözcü annonçait que le gouvernement turc avait organisé un appel d'offres le 29 avril dernier, avec pour projet de transformer l'aéroport Atatürk en "jardin public" ou "jardin de la nation". C’est la société Yapı&Yapı (proche du pouvoir) qui a fait la meilleure offre, pour 2,1 milliards de TL.

Selon le journal, ce sont 2 millions de mètres carrés de surface en béton du site de l'aéroport Atatürk qui devraient être détruits pour l’aménagement du jardin.

"Vendre à des investisseurs du Golfe"

L'opposition souligne que la décision de fermer l'aéroport Atatürk entraîne un énorme gaspillage de ressources publiques. L'État, par exemple, a dû verser 389 millions d'euros à la société gestionnaire de l'aéroport Atatürk (TAV), en raison de la résiliation anticipée de son contrat.

Selon l’opposition, derrière la précipitation de la mise en œuvre de ces travaux, se cacherait le souhait de vendre la zone à des investisseurs des pays du Golfe, qui ne souhaitent pas d'un deuxième aéroport du côté européen de la ville.

Kemal Kılıçlaroğlu, président du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), a publié des allégations en ce sens sur le réseau social Twitter, écrivant même en arabe : "Si un crime est commis contre les fonds publics, nous ne fermerons les yeux sur aucun des auteurs".

 

 

Tweet : "Ils ont vendu la valeur matérielle et morale de cette nation. Maintenant, ils détruisent l'un de nos biens les plus précieux avec des bulldozers. Pourquoi se sont-ils précipités dans cet ouvrage ?"

 

Le mardi 17 mai, la présidente du CHP de la province d’Istanbul, Canan Kaftancıoğlu, a tenu une conférence de presse devant l'aéroport Atatürk, déclarant qu'elle "tiendrait pour responsables" ceux qui ont nui à l'aéroport. "C’est parce qu'ils craignent de devoir rendre des comptes qu’ils essaient de vendre au plus vite l'aéroport d'Istanbul à leurs complices du Qatar ou d'Arabie saoudite", a-t-elle déclaré.

 

 

Murat Kurum : "Nous ne vendons pas l'aéroport au Qatar"

Murat Kurum, le ministre de l'Environnement, de l'Urbanisation et du Changement climatique, a affirmé dans une conférence de presse depuis Ankara le 17 mai, que la zone de l'aéroport ne serait jamais ouverte à l’urbanisation, et qu'il n'y aurait pas de projets de logements dans ce secteur. Il a indiqué qu’un espace vert de 5 millions de mètres carrés serait proposé au public, et que 132 500 arbres seraient plantés. "Le jardin public attirera plus d'un million de personnes quotidiennement […] Ce sera aussi une zone de rassemblement en cas de tremblement de terre", a-t-il précisé.

 

 

Il a également rejeté l'affirmation selon laquelle l'aéroport serait vendu à des investisseurs du Qatar, et a ajouté qu'une piste serait maintenue opérationnelle en cas d'urgence.

Ce mercredi 18 mai, Ekrem Imamoglu, le maire d’Istanbul, a porté plainte contre la société qui a remporté l’appel d’offres, Yapı&Yapı, car, si selon le contrat les travaux devaient commencer le 16 mai, le matériel nécessaire (bulldozers) a été placé sur les pistes dès le vendredi 13 mai.

 

Tweet partagé par le président turc mercredi, présentant le projet de "millet bahçesi"

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