La petite histoire qui se cache derrière les billets turcs est le reflet de la grande Histoire de Turquie. Depuis 2009, ce sont des visages de personnalités s'étant distinguées dans plusieurs domaines qui y figurent. Ne vous êtes-vous jamais demandé qui ils étaient ? Ce qu'ils avaient bien pu faire pour mériter leur place sur un billet de banque ? Voici toutes les réponses à vos questions...
Quand la nouvelle livre turque (Yeni Türk Lirası - YTL) était encore en vigueur, les billets de banque étaient ornés de grands symboles ou monuments turcs comme le mausolée d'Atatürk à Ankara sur les billets de 5 YTL, les cheminées de fée en Cappadoce sur les 50 YTL ou encore le Palais d'Ishak Pacha à Doğubayazıt sur les billets de 100 YTL. En remontant encore plus loin, la Tour de Léandre était représentée sur les billets de 10 de 1966 à 1981. Mais depuis 15 ans, les paysages turcs se sont fait détrôner par de grands noms. Qui sont ces pionniers qui, chacun à leur manière, ont marqué l'histoire de la Turquie?
Un billet, une symbolique?
Sur les billets de 200 TL, le visage de Yunus Emre, père de la poésie turque, ne vous aura pas échappé. Yunus Emre, poète soufi, a vécu à l'époque des Seldjoukides. À l'origine de la poésie turque, il a fortement contribué au perfectionnement de la langue turque. Aujourd'hui, peu nombreux sont les Turcs qui ignorent son nom. Sa poésie, à la portée intemporelle, aborde de grands thèmes tels que la vie, la mort, l'humain, la morale. L'amour et Dieu, duo indissociable dans les poèmes de Yunus Emre, restent toutefois les sujets fondamentaux de ses écrits, inspirés du Coran et de Mahomet. D'ailleurs, sur le billet à son effigie, on peut lire la mention "Sevelim Sevilelim" qui signifie "aimons, soyons aimés". Il est également accompagné d'un monument funéraire à son honneur, d'une rose et d'une colombe, symboles de paix et de fraternité.
Le visage de Buhurizade Mustafa Efendi, surnommé Itri, figure sur les billets de 100TL. Musicien, poète, compositeur et chanteur du 17e siècle, il est considéré comme le père de la musique classique turque. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, la musique classique turque n'a rien de comparable avec du Wagner ou du Beethoven. Il vous suffira d'écouter Neva Kâr d'Itri pour vous en apercevoir.
Fatma Aliye, sur les billets de 50TL, est considérée comme la première femme écrivaine du pays et dans le monde islamique du 19e siècle. Son premier écrit est une traduction du français vers le turc de la nouvelle de George Ohnet, Volonté. D'abord cachée derrière le voile de l'anonymat, elle publie sa première nouvelle Muhâdarât en 1892. C'est également dans ses nouvelles que, pour la première fois dans l'histoire de la littérature turque, des personnages féminins prennent des allures réalistes.
Et si l’on parlait des premières écrivaines féministes de Turquie ?
Les autorités, en choisissant Fatma Aliye pour le seul billet représentant une femme, s'étaient en 2009 attiré les foudres de nombreux historiens et hommes de lettres. Ils reprochaient alors à Fatma Aliye d'être en opposition avec les réformes d'Atatürk puisqu'elle avait développé ses idées féministes dans le contexte de la charia.
Derrière le petit billet vert de 20 livres turques, on découvre le portrait de l'architecte Mimar Kemaleddin, considéré comme le pionner de l'architecture moderne turque. Il compte à son palmarès de nombreux lycées, écoles et mosquées en Turquie. C'est d'ailleurs à Kemaleddin qu'Istanbul doit le bâtiment historique Vakıf Han d'Eminönü.
Le Premier Mouvement Architectural National, résurrection du monument ottoman
Le billet de 10TL fait honneur au professeur Cahit Arf, l'un des mathématiciens les plus renommés de Turquie.
Enfin, sur le billet de 5TL, on peut voir le visage du docteur en philosophie de l'université d'Harvard, Aydın Sayılı, mort en 1993. Il avait été l'un des premiers étudiants à partir faire ses études à l'étranger après la fondation de la République.
Et Atatürk alors ?
Le visage de Mustafa Kemal Atatürk avait été retiré des billets de banque à sa mort, en 1938, et remplacé par de nouveaux billets à l'effigie du président Ismet Inönü. Mais très vite, dans les années 1950, le père de la République a retrouvé sa place initiale, au recto des billets de banque. Si les billets ont changé d'apparence en 2009, le visage d'Atatürk, lui, est resté inchangé.
Laura Lavenne
Article publié en 2017, modifié et mis à jour en 2024
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