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Beyoğlu, l’incontournable cœur battant d’Istanbul (2)

Ce second volet consacré à l’arrondissement de Beyoğlu tentera de donner un aperçu, par un petit itinéraire, de son extraordinaire patrimoine historique, culturel et humain.

Funiculaire de TünelFuniculaire de Tünel
Le funiculaire de Tünel
Écrit par Gisèle Durero-Köseoglu
Publié le 26 juin 2023, mis à jour le 7 août 2023

De Galatasaray à Tophane

Sur la place de Galatasaray, c’est le somptueux portail d’entrée de la célèbre école fondée en 1481 par Bayezid II, sous le nom de "Palais de Galata", et destinée à former les futurs cadres de l’Empire ottoman, qui attire le regard. En 1868, après son voyage à l’Exposition universelle de Paris, le sultan Abdülaziz choisit le français pour une partie des enseignements de la  "Grande Ecole impériale" qui devint, en 1924, le lycée Galatasaray, établissement public dont le concours d’entrée permet encore à des enfants de tous les milieux de s’élever jusqu’aux plus hautes fonctions.

 

lycée Galatasaray Istanbul
Le portail d'entrée du lycée de Galatasaray

 

En 1992, un protocole signé entre François Mitterand et Turgut Özal entérina la fondation de l’Etablissement d’Enseignement Intégré de Galatasaray, comportant école primaire, lycée et université, et qui constitue le phare de l’enseignement francophone en Turquie. Quant au célèbre club de sport de Galatasaray, il fut fondé en 1905 par un groupe d’élèves de Cinquième réunis dans une classe.

 

le lycée Galatasaray
Lycée Galatasaray sur la place du même nom

 

Dans la rue arrière du lycée, on peut aussi aller se restaurer Rue d’Algérie, autrefois momentanément nommée "Rue française", réhabilitée en 2003, dont les cafés et restaurants disposés dans les escaliers sont devenus l’un des "musts" de l’endroit. Non loin de là se trouve, à Çukurcuma, l’étape favorite des amoureux de littérature, le Musée de l’Innocence, créé en 2012 par Orhan Pamuk dans une maison traditionnelle.

 

musée Innocence Istanbul
Le Musée de l'Innocence d'Orhan Pamuk

 

musée de l'innocence Orhan Pamuk
La vitrine 40 du Musée de l'Innocence

         

Orhan pamuk

 

Ce très original musée présente la particularité d’exposer, dans 83 vitrines correspondant aux 83 chapitres du roman éponyme, les objets évoqués dans chaque passage ! Le célèbre écrivain, lauréat du prix Nobel de littérature en 2006, a expliqué qu’il avait constitué sa collection d’objets des années 1960 à 1980, en même temps qu’il écrivait son livre. Car la zone de Çukurcuma, avec ses brocanteurs et antiquaires, est en effet le véritable paradis de la chine pour les amateurs d’ancien.

 

une brocante cukurcuma
Une brocante à Çukurcuma

 

Quant au quartier de Tophane, descendant vers Karaköy, il tire son nom de la grande fonderie de canons créée par Mehmet II après la prise de Constantinople, qui abrite aujourd’hui une partie de l’université des Beaux-Arts. Sur la place se dresse l’un des chefs-d’œuvre de l’architecte Sinan, la mosquée Kılıç Ali Pacha, bâtie en 1580 dans un style inspiré de celui de Sainte-Sophie, pour l’amiral du même nom, qui souhaitait avoir un sanctuaire perpétuant son souvenir sur les rives du Bosphore.

 

Mosquée de Kılıç Ali Pacha
Mosquée de Kılıç Ali Pacha

 

Karaköy : de Galataport à la Rue des banques

Galataport

En marchant de Tophane vers Karaköy, après une halte au Musée d’Art Moderne, installé dans des docks désaffectés, on découvre le nouveau port d’Istanbul, Galataport, inauguré le 29 octobre 2021, dont les quais permettent d’accueillir d’immenses paquebots de croisière. La zone d’arrivée des passagers étant souterraine, cet ensemble pharaonique, longtemps controversé, permet de marcher au bord de l’eau durant 1500 mètres, tout en admirant l’extraordinaire panorama sur la péninsule historique et la rive asiatique. Une multitude de cafés, restaurants, luxueux hôtels, boutiques de marque et galeries d’art font désormais de Galataport un lieu phare pour la promenade.

 

galataport istanbul
Le quai de Galataport

 

Un paquebot à Galataport
Un paquebot à Galataport

 

L’ancien Karaköy

La zone de l’ancien port de Karaköy correspond à l’un des plus anciens périmètres d’habitation de la ville, puisque le port était déjà important sous les Byzantins, lorsque les commerçants génois s’y installèrent et édifièrent des murailles. Puis, au XVe siècle, les Juifs fuyant l’Inquisition espagnole s’y établirent, comme l’atteste la présence de plusieurs synagogues. Le Musée des Juifs de Turquie, inauguré près du pont de Galata, dans la synagogue Zülfaris, pour le cinq-centième anniversaire de l’arrivée des Séfarades dans l’Empire ottoman, a été déplacé depuis 2015 dans les locaux de la synagogue Neve Şalom, à Galata. Après la guerre de Crimée, les parages conservèrent leur vocation cosmopolite, avec l’installation de commerçants étrangers, surtout français et italiens, puis de Russes blancs fuyant la Révolution d’Octobre, dont les églises, placées au dernier étage d’immeubles anciens, sont encore fréquentées aujourd’hui.

 

Passage Cité française à Karaköy
Passage Cité française à Karaköy

          

Coupole de l'église russe Saint-André à Karaköy
Coupole de l'église russe Saint-André à Karaköy

  

Le pont de Galata

Le très célèbre pont de Galata, construction iconique de la ville d’Istanbul, n’est pas, en réalité, le pont historique, mais le cinquième du nom, construit en 1994, suite à un incendie qui avait détruit le quatrième. Le premier avait été édifié en 1845 par la sultane Bezm-i Alem, mère d’Abdülmecid, mais il fut refait, en fonction des besoins, en 1863, 1875 et 1912.

 

Le pont de Galata

 

Le quatrième, nommé "Ancien pont" ou "pont historique" de Galata, avait été installé plus loin dans la Corne d’or mais il a été enlevé en 2016. Le pont actuel, dont la partie basse comporte restaurants de poissons et bistrots, mesure 490 mètres et, bien qu’il soit équipé de rails de tramway, s’ouvre pour laisser entrer les bateaux dans la Corne d’Or. Les pêcheurs, qui, à toute heure du jour, jettent leur ligne depuis la rambarde, font partie des curiosités touristiques de la cité. À l’entrée du pont, longeant la Corne d’Or, se trouve le Marché aux poissons, avec de petits restaurants où l’on vous fait cuire sur-le-champ le poisson que vous avez choisi.

 

Marché aux poissons au pont de Galata
Marché aux poissons au pont de Galata

 

Même si aujourd’hui, une partie des anciennes rives est occupée par des magasins de quincaillerie, plomberie et électricité, il ne faut pas oublier qu’à la fin du XIXe siècle, Karaköy était le paradis des banques et des sociétés d’assurance. Le symbole en était le siège de la Banque Impériale Ottomane, installée Rue des Banques ou "Bankalar Caddesi", alors nommée "Rue Voyvoda". Son merveilleux édifice, réalisé en 1890 par l’architecte levantin Alexandre Vallaury, abrite aujourd’hui la Fondation Salt Galata, offrant un passionnant musée de l’histoire de la finance, des expositions temporaires mais aussi un centre de recherches, une bibliothèque, un café et un restaurant.

 

salt Galata
SALT Galata

 

De l’autre côté de la rue se dressent les inimitables escaliers Camondo, qui permettent de marcher jusqu’à la Tour de Galata, aménagés en style Art Nouveau par la célèbre famille de banquiers séfarades au destin illustrant la Roue de la Fortune.

 

es escaliers Camondo
Les escaliers Camondo

 

Après avoir été surnommés les "Crésus de la Sublime Porte" ou les "Rothschild de l’Orient", les Camondo émigrèrent en France où ils habitèrent au Parc Monceau une merveilleuse demeure contenant une exceptionnelle collection d’art du XVIIIe siècle (aujourd’hui musée Nissim de Camondo) ; mais leurs enfants, déportés, périrent dans les camps de concentration nazis.

Non loin des escaliers, un petit détour permet d’aller voir l’immeuble Saint-Pierre ou "ST Pierre Han", symbolique maison natale d’André Chénier, récemment restaurée par la municipalité d’Istanbul.

 

Immeuble Saint-Pierre avant restauration
Immeuble Saint-Pierre avant restauration

 

L’extraordinaire Galata

De Karaköy, il est aussi possible de remonter jusqu’à la tour de Galata par la célèbre pente de Yüksek Kaldırım, autrefois garnie d’escaliers. Erigée par les Génois au XIVe siècle et haute de 66,90 mètres, la tour fut longtemps la plus haute construction de la ville et offre sur les édifices, le Bosphore et la mer de Marmara un magnifique point de vue permettant de comprendre le plan d’Istanbul.

 

tour de galata istanbul

    

vue tour galata istanbul
Vue de la Tour de Galata

 

Les abords de la tour sont aussi connus pour leurs constructions anciennes, comme dans la rue Serdar-i Ekrem, où se trouve l’"Immeuble Doğan"ou "Doğan Apartmanı", édifié en 1894 par Raimondo d’Aronco.

La montée de Yüksek Kaldırım aboutit à Tünel, où le haut de la rue Galip Dede constitue le centre des magasins d’instruments de musique.

 

Magasin de guitares à Tünel istanbul
Magasin de guitares à Tünel

 

On peut aussi y visiter le Couvent des Derviches Tourneurs de Galata ou "Galata Mevlevihanesi" (momentanément fermé), où se déroulent souvent des cérémonies de "Sema", la danse giratoire rituelle des "Mevlevis", destinée à les rapprocher du Créateur. De là, au bout de l’Avenue de l’Indépendance, on débouche sur la place de Tünel, où se trouve la troisième plus ancienne ligne de chemin de fer souterraine du monde, après celles de Lyon et de Londres, le funiculaire de Tünel, qui comporte deux stations. Conçu par l’architecte français Eugène-Henri Gavand pour relier le bas de Galata à Pera, il fut inauguré en 1875.

Cette promenade de deux volets dans Beyoglu n’aura pu présenter que les lieux emblématiques de ce formidable arrondissement. Bonne promenade pour les revoir ou en découvrir d’autres…

Rendez-vous en septembre pour un nouveau volet... 

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