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UNESCO – Le Miracle de Divriği, joyau seldjoukide

Mosquée de Divriği TurquieMosquée de Divriği Turquie
© Entreprise bgb berlin gerüstbau
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 27 décembre 2017, mis à jour le 27 décembre 2017

Parmi les 17 biens situés en Turquie et inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco, le Miracle de Divriği, joyau de l'art seldjoukide composé de la Grande Mosquée - Ulu Camii - et de l'hôpital - Darüşşifa – tient une place toute particulière.

Cette petite ville tranquille de la province de Sivas, perchée à 1250 mètres d'altitude, à 175 km de Sivas, est l’ancienne capitale d'une des branches de la dynastie des Mengujekides ayant régné dans la région de la fin du XIème jusqu'au début du XIIIème siècle. Par le passé, elle représentait un point de passage important entre l'Anatolie centrale et le bassin de l'Euphrate.

En 1228, Ahmet Şah, émir Mengujekide qui règne alors à Divriği, donne ordre de construire la mosquée. Son épouse Turan Melek fait, quant à elle, réaliser l'hôpital adjacent dans le but de soigner les malades atteints de troubles psychiatriques. Les travaux dureront 15 ans.

Ce complexe réalisé par l'architecte Hürrem Şah d'Ahlat constitue un chef d'œuvre inégalé composé d'ornements exceptionnels en pierre qui reflètent le niveau artistique hors pair de l'époque seldjoukide.

La superficie totale des deux constructions est de 1280 m2 dont 768 sont occupés par l'hôpital. Trois portails monumentaux, aux sculptures d'une finesse impressionnante et chaque fois différentes, permettent de pénétrer dans la mosquée, un autre d'accéder au Darüşşifa. C'est ce dernier de 14 mètres de haut et 10,50 mètres de large qu'on admire en premier en arrivant.

Divrigi turquie

Thérapie musicale

Des bas-reliefs avec une tête d'homme et d'une autre de femme avec des tresses symbolisant le soleil et la lune ornent les colonnes extérieures. Des bouquets et des disques agrémentent le portail. Une profusion d'étoiles orne l'intérieur de l'arc au-dessus d'une fenêtre qui éclaire le premier étage de l'hôpital. Devant cette ouverture se dresse une petite colonne également décorée. D'autres motifs de lune, des frises de feuilles, des éventails ainsi que différentes autres formes agrémentent cette porte extraordinaire.

Une fois passé le seuil, puis l''entrée de ce lieu voué à la médecine douce, voici l'atrium du Darüşşifa. Il est formé par quatre imposantes colonnes à la décoration différente pour chacune au niveau de la base, du fût et du chapiteau. Elles soutiennent un dôme surmonté d'une ouverture de forme circulaire – oculus - surplombant un petit bassin central.

Les salles de l'hôpital sont réparties autour du plan d'eau. Ce centre médical était destiné à soigner les malades mentaux avec le bruit de l'eau, celui des oiseaux ainsi que la musique.

Entre les deux colonnes de gauche de l'atrium, un mausolée surmonté d'un toit pyramidal abrite 16 sépultures de la famille d'Ahmet Şah dont la sienne et celle de son épouse, ces deux dernières étant recouvertes de faïences.

Une Fondation avait été créée par Turan Melek pour gérer l'hôpital. Une réglementation concernant le management de ce lieu à la fin du XIVème siècle indique que les membres du Conseil d'Administration de l'époque étaient toutes des femmes.

“Porte en textile”

La porte du Marché d'une hauteur de 9,5 mètres, d'une largeur de 6 mètres et d'une épaisseur de 2, mètres m se trouve à l'ouest de la mosquée. Certains spécialistes l'appellent “Porte en textile” en raison de sa décoration composée d'ornements floraux très détaillés, tel un tapis de soie. De part et d'autre de la porte, un relief représente un aigle à deux têtes. Ces symboles, tout comme l'oiseau de la porte Nord, ont été utilisés par de nombreuses dynasties pour représenter la puissance et la souveraineté.

La porte du Şah, aussi appelée “porte de la Couronne” en référence à ses fonctions, donne vers l'Est. Y figurent des motifs géométriques, de plantes, des étoiles ainsi que des tresses.

Divrigi turquie

Le portail Nord, orienté vers la Mecque, dévoile sa taille et sa magnificence une fois le minaret contourné. C'est la plus grande des trois et ses dimensions impressionnent autant que sa décoration. D'une hauteur de 14,50 mètres, sa largeur est de 11,5 mètres et son épaisseur de 4,50 mètres. La porte même dépasse le mur de la mosquée d'1,60 mètre.

Des deux côtés de la porte archée s'élève une succession de haut-reliefs donnant une impression de symétrie. Ils représentent des branches et de grandes feuilles aux nervures très accentuées, parfois bouclées. Des formes rondes telles un plat comprennent une frise ainsi que des étoiles. Un motif de vase apparaît également sur les deux côtés. Cette profusion d'ornementation laisse croire que l'artiste a souhaité y reproduire un jardin d'Eden... où se trouve également un relief d'oiseau.

Deux épitaphes situés sur ladite porte indiquent d'une part sur deux lignes que celle-ci date de l'époque du sultan Alaeddin Keykubad, et, d'autre part, en relief avec des motifs floraux, que l'édifice a été construit en 1228 par Ahmet Şah, fils de Soliman Şah.

Travaux successifs

A l'intérieur de la mosquée, le contraste est de taille entre la technique de réalisation des voûtes très élaborée, l'exubérance et la créativité décorative des portails évoqués précédemment et  les murs intérieurs des lieux démunis d'ornements. 19 voûtes et 6 coupoles – dont 5 ont été reconstruites durant l'Empire ottoman – chapeautent les 5 galeries perpendiculaires de la salle de prière.

La chaire – minbar – en bois date de 1240 et a été réalisée par un artiste géorgien de Tbilisssi dénommé Ahmed, fils d'Ibrahim. Le minaret, quant à lui, fut construit en 1523, durant le règne de Soliman le Magnifique.

Ce complexe unique a fait l'objet de plusieurs importantes restaurations aux XV et XIXème siècle. Au XXème siècle, les problèmes d'assise de la construction ont été réduits grâce à de nouveaux travaux, de même que les risques d'usure des matériaux.

Depuis 2016, la Grande Mosquée et l'hôpital de Divriği ont droit à tous les égards. Un chantier de grande envergure, suivi par la Direction générale des Fondations turques conjointement avec le ministère de la Culture et du Tourisme, a débuté afin de protéger au mieux les lieux.

Après plusieurs mois durant lesquels ont été réalisés les travaux préalables de recherches, d'analyses et de sondages, la première phase visible a démarré début août 2017. L'entreprise turque bgb berlin gerüstbau, basée à Ankara et à Berlin, va d'abord procéder à la mise en place un immense échafaudage extérieur.

Ici, pas question de faire venir de grosses machines pouvant endommager l'édifice, c'est la main de l'homme qui œuvre au maximum. Les fondations sont creusées tout autour de l'édifice avec pelles et pioches pour accueillir le béton destiné à supporter l'échafaudage. Celui-ci une fois monté, un toit provisoire en fibre optique en provenance d'Allemagne sera posé au-dessus de l'existant à l'aide de treuils. Dès l'achèvement de cette partie, une plate-forme piétonnière distante de 5-6 mètres devrait être mise en place pour les visiteurs.

Divrigi turquie

Fermé à la visite

Après ces premières réalisations extérieures (soit 4 à 5 mois de travaux, pose du toit provisoire comprise), d'autres échafaudages seront placés, tant autour des portes à l'intérieur où des déformations sont apparues qu'au niveau du haut du minaret. En tout, 9 mois sont prévus pour la totalité de ces travaux préliminaires.

Un système motorisé à turbine sera aussi installé au niveau des murs extérieurs afin que l'entreprise turque Kadıoğlu, spécialisée dans la restauration d'ouvrages historiques, puisse ensuite travailler dans des bonnes conditions à l'abri du froid, du vent et de la pluie.

Le toit existant sera restauré puis viendra le tour de l'ensemble de l'édifice d'en haut jusqu'en bas. Les professionnels vont remettre en état les endroits effondrés ou affaissés, consolider,... Ce travail de fourmi  va durer 5 ans et demi.

Lorsque la restauration sera achevée, le toit provisoire ainsi que les échafaudages pourront à nouveau être enlevés. Le complexe de Divriği aura fait peau neuve pour de nouvelles longues décennies.

Compte-tenu du chantier et pour des raisons de sécurité manifeste, la visite par les touristes était limitée aux week-ends jusque fin août. Depuis, pour les mêmes motifs, le site est entièrement fermé à la visite au moins durant quelques mois, le temps que les travaux préalables soient achevés... voire plus longtemps. Alors, renseignez-vous avant de partir à la découverte du Miracle de Divriği afin de ne pas vous retrouver devant porte close...

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Mais encore…

Inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco depuis 1985, cet exemple unique dans son genre allie l'architecture, l'esthétique et la culture aux valeurs d'égalité des sexes au XIIIème siècle.

Une fois remis de ce déploiement de maestria architecturale et de beauté difficiles à décrire par écrit, il reste à voir la citadelle tout proche, le centre avec ses anciennes demeures et quelques vieux commerces. De l'autre côté du boulevard qui traverse Divriği, de magnifiques maisons traditionnelles – konaklar -, pour partie restaurées, méritent aussi d'être vues.

Après la découverte de toutes ces richesses, une pause au hammam Ali Kaya datant de 1667 et qui a rouvert ses portes en avril dernier après une longue période de sommeil sera la bienvenue pour terminer la journée en beauté.

Nathalie Ritzmann (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 4 octobre 2017

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* Photos réalisées avec l'aimable autorisation d'Abdullah Özübek, sous-préfet de Divriği, et la collaboration de la société bgb berlin gerüstbau

 

 

 

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