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Turquie : une circulaire vise à interdire d'enregistrer la police

Manifestation IstanbulManifestation Istanbul
Dans une manifestation à Istanbul en mars 2021, @Sandro Basili
Écrit par Albane Akyüz
Publié le 3 mai 2021, mis à jour le 11 janvier 2024

Une circulaire du 27 avril 2021, envoyée par la Direction générale de la sûreté (Emniyet Genel Müdürlügü), prescrit l’interdiction d’enregistrements audio et vidéo des forces de police pendant leurs missions. Ces derniers jours, la circulaire fait l’objet de nombreuses contestations.

La circulaire a été relayée sur Twitter jeudi 29 avril par l’Association des juristes progressistes (Çağdaş Hukukçular Derneği), suite à quoi elle est devenue virale. Les défenseurs des libertés soulignent le risque que représente cette mesure quant aux libertés fondamentales, notamment à la liberté d’informer. Mais c’est aussi, et surtout, la crainte de la multiplication des violences policières en toute impunité qui alarme.

 

 

Une circulaire qui vise à cacher les violences policières ?

La circulaire enjoint aux forces de l’ordre "d’intenter une action en justice lorsque les conditions légales sont remplies". Si le motif de cette circulaire est que les images filmées "pourraient entraver le travail des personnels de police, et porter atteinte à leur vie privée, notamment lorsque les images sont diffusées sur les réseaux sociaux", il apparaît clair qu’en interdisant de filmer et d’enregistrer les forces de l’ordre pendant leurs missions, on tend à empêcher toute forme de preuve* que pourrait apporter le support ici controversé, lors de manifestations par exemple.

C’est ce qu’a dénoncé Murat Emir, député du CHP (opposition) dans un Tweet vendredi 30 avril, où il écrit : "L'objectif principal est d'empêcher que l'illégalité des forces de l'ordre et la violence policière ne soient révélées. Prendre des images lors d’événements n'est pas contraire à la loi".

Le président du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu s’est également exprimé au sujet de cette circulaire sur la chaîne KRT TV le 1er mai, déclarant que celle-ci signifie que "la démocratie a été suspendue en Turquie, la constitution a été suspendue, les droits et libertés ont été suspendus".  

Le texte manquant de précisions, si on l’interprète au sens large, on pourrait inclure dans son champ d'application les journalistes. S’exprimant dimanche sur la chaîne de télévision CNN Türk, Süleyman Soylu, le ministre turc de l’Intérieur, a indiqué que "cette circulaire est conforme à la constitution". "La sécurité existe pour la liberté. Il n'y a pas d'autre équilibre que la liberté des individus. Il n'y a ici ni violation de la Constitution, ni de la démocratie", a-t-il ajouté. Par ailleurs, il a indiqué : "Cela n'entrave pas la liberté de la presse. La presse a la liberté d’enregistrer".

La circulaire portée devant le Conseil d’État turc

Ce lundi 3 mai, le barreau d’Ankara (suivi d'autres barreaux et du CHP, le parti d'opposition) a contesté cette circulaire et demandé son annulation au Conseil d’État.

Dans la requête, il est précisé que la circulaire en question permet à la police "d’outrepasser son autorité", que la circulaire n’est "ni spécifique, ni prévisible", et qu’il est tout à fait "légal" pour les citoyens de prendre des images dans le but "d’apporter des preuves". Par ailleurs, la requête souligne que "l'enregistrement d’événements connus de tous, et les paroles qui y sont prononcées, ne constituent pas une atteinte à la vie privée".

La requête précise également que le 1er mai à Ankara, lors de rassemblements, les forces de l'ordre ont empêché les journalistes de prendre des images depuis leur téléphone portable, arguant de cette circulaire litigieuse.

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(*) C'est grâce à une vidéo amateur que le jugement du policier qui est à l'origine du décès de Georges Floyd a pu aboutir aux États-Unis.

 

 

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