Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

SVLI, un espoir d'intégration pour les réfugiés syriens d'Izmir

SVLI réfugiés syriensSVLI réfugiés syriens
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 14 janvier 2018, mis à jour le 11 avril 2018

Dans une rue du quartier de Konak à Izmir où les étudiants viennent travailler dans les centres d'aide scolaire se mêlent également les samedis et dimanches des hommes et femmes d'âges divers originaires de Syrie et qui se retrouvent dans une des trois salles de classe de SVLI (Syrian Vocational and Language Institute).

A sa tête le Dr Ahmad Al Yasın, né à Alep. Il est également président général adjoint de Sorunların Çözümünde Önce İnsan, autrement dit “Pour la résolution des problèmes, l'homme d'abord”. Né à Alep, il fait des études supérieures d’archéologie ainsi qu'en langues anciennes en France, où il vit successivement à Royan durant un an, puis à Paris et Versailles. Après ses études, il retourne en Syrie où il travaille au musée d’Alep. Fin 2014, en raison de la guerre, il vient à Iskenderun dans le sud-est de la Turquie durant un semestre. Il repart ensuite pour Royan pendant 1 an et demi avant de revenir sur le territoire turc, à Izmir, où il se trouve depuis mars 2016.

En arpentant les rues de la ville, il remarque les nombreux enfants qui s'y trouvent au lieu de fréquenter les bancs de l'école et il publie un article dans le journal local Ekspres. Le ministre de l'Education du Gouvernement transitoire syrien, installé à Gaziantep, demande à l'Etat turc d'ouvrir des écoles pour les réfugiés à Izmir comme il en existe déjà dans d'autres villes du pays. Le gouvernement turc ouvre alors des établissements dans cette ville et crée le “Suriyeli Öğrenciler Geçici Merkezi”, le Centre transitoire des étudiants syriens.

Pendant ce temps, Ahmad travaille un an dans le département de formation pour les syriens au sein de la fondation Antsevak, oeuvrant dans les services sociaux et de santé. Puis, il fait la connaissance de l'association S.ç. Önce Insan qui vient de rouvrir ses portes après quatre années de sommeil. L'objectif de cette structure créée il y a 12 ans est d’apporter une aide sociale aux Turcs démunis (soupe populaire, etc.)

Hüseyin

Avec l’aide d’amis syriens d’Izmir, Ahmad crée en mars 2017 SVLI rattaché à S.Ç. Önce Insan. Ouvert depuis juillet dernier, l'association développe un projet d’intégration en trois axes en faveur des réfugiés syriens : enseignement de la langue turque, organisation de stages de formation professionnelle, aide à l'embauche d'emplois déclarés. Les premiers cours de turc démarrent ainsi en juillet avec au départ un seul niveau  élémentaire.

En ce week-end de fin décembre, dans une petite salle de cours, 11 élèves d’une moyenne d'âge de 25 ans apprennent les rudiments du turc (alphabet, se présenter, poser et répondre à des questions basiques, comprendre le mécanisme des phrases et de la conjugaison, compter…). Outre le tableau, les cahiers et feuilles d’exercices, les cours sont aussi dispensés de façon audiovisuelle selon la méthode utilisée par l’Institut Yunus Emre.

cours
Niveau 2 avec Alaeddin parti depuis enseigner à Istanbul

Parmi ces élèves, deux jeunes hommes sont arrivés un mois plus tôt, un ingénieur et un pharmacien. Ils ne parlent pas encore mais sont studieux et se débrouillent bien en cours. Hüseyin Ramadan, 29 ans, a terminé ses études de pharmacologie à Homs en 2014, puis a tenu une pharmacie à Deir Ezzor. La guerre et Daech venu dans sa ville pour le pétrole l'ont contraint à partir. Une partie de sa famille est en Arabie Saoudite, une autre dans des camps de réfugiés en Syrie. Célibataire, ce jeune homme est venu seul à Izmir où il a de la famille – il vit chez son oncle - et des amis.

Hüseyin
Hüseyin

Il s'est d'abord rendu à IHH puis quelqu'un lui a parlé de SVLI où il a débuté les cours il y a 3 semaines. Pour lui, l'apprentissage de la langue est la clé de l’insertion dans la société. Hüseyin ne souhaite pas vivre comme un réfugié et désire partager ses connaissances. Il souhaite faire sa vie en Turquie et demander l'équivalence de son diplôme - apparemment possible - afin de pouvoir ensuite travailler... et pour cela, il faut parler le turc.

Dans deux autres salles, deux groupes constitués respectivement d’une dizaine et d’une quinzaine de personnes, dont 4 et 6 jeunes femmes, font partie du niveau 2.

Leyla, 39 ans, au caractère bien affirmé, fait partie de ces dames. Le 25 février 2018, cela fera 5 ans qu'elle habite ici. Son mari, couturier, est venu d'Alep en premier après avoir payé pour avoir du travail en Turquie. Son épouse l'a rejoint deux mois plus tard avec leurs deux garçons, alors âgés de 3 et 6 ans qui, à présent, vont à l'école publique turque.

CAHIER

Leyla

En Syrie, Leyla ne travaillait pas. A Izmir, elle a réalisé des albums de mariage à Bornova pour un studio photo durant 4-5 mois début 2017. Elle prend des cours au niveau 2 depuis deux mois chez SVLI connu grâce à Ahbdulrahman Bekkor, ami de son mari et directeur exécutif  au sein de l'association.

Elle souhaite trouver un autre poste et pour cela désire suivre le prochain cycle de formation de soins à domicile chez SVLI. Leyla veut rester en Turquie et voyager uniquement en Syrie pour rendre visite à ses parents.

Leyla
Leyla

Dans la même classe se trouve également Mohamed, 20 ans, depuis deux ans en Turquie avec son père âgé de 45 ans. A Edlib en Syrie, il a fait sa dernière année de lycée mais n’a pu passer son examen. Après 6 mois passés à Istanbul, il s'installe à Izmir. Le jeune homme vient à SVLI depuis 3 mois tous les week-ends. En semaine, il fabrique des sacs pour femmes.

Sa mère et ses 4 frères – d'un an et demi et 12 ans - et sœurs – de deux ans et demi et 21 ans -  sont restés à Edlib. La situation n'y est pas trop tendue, même si des bombes sont lancées régulièrement à partir d’avions...

Le père de Mohamed ne peut pas exercer son métier d'orthopédiste en Turquie et passe ses journées dans leur logement à Buca. Le fils aimerait que sa famille vienne les rejoindre à Izmir.

Mohamed
Mohamed

Formation de soins pour personnes âgées

Les élèves de SVLI suivent 96 heures de cours pour chaque niveau, soit 3 mois à raison de 4 heures le samedi et 4 heures le dimanche. Des contrôles intermédiaires ont lieu durant la période de formation. A la fin de celle-ci, le passage d'un examen donne lieu à la délivrance d’un diplôme attestant de l’apprentissage du turc.

Les enseignants sont recrutés  par voie d'annonce. İlknur, professeur de turc, travaille dans un collège. Venue d’abord donner un coup de main il y a trois mois, elle a pris goût et vient finalement tous les week-ends dispenser des cours des deux niveaux. Serhab, professeur d’histoire, quant à elle, est surtout chargée des cours élémentaires.

Serhab
Serhab

Depuis l’ouverture en juillet dernier, 110 étudiants tout confondu, dont 60 actuellement, sont venus s’installer sur les bancs de cette école pas tout à fait comme les autres.

Parmi ces élèves, 17 hommes et femmes ont suivi une formation de soins pour personnes âgées à domicile et en maison de retraite avec l’université Istanbul Medipol, une partie en cours à distance par informatique, une autre avec une enseignante venue d’Istanbul à SVLI pour donner 8 heures de cours intensifs de pratique suivis d’un examen. La remise d’un certificat de l’université attestant la formation de 280 heures a eu lieu dans les locaux de l'association le 8 janvier dernier.

Un nouveau projet de formation est en train de voir le jour afin de dispenser des cours de production textile. Une douzaine ou quinzaine de candidatures sont nécessaires avant d'envisager de monter cette cession qui nécessitera de trouver un local adéquat, l’acquisition de machines à coudre, le recrutement d’un enseignant... Parmi les 5 ou 6 intéressés actuels, Ahmed, 20 ans, venu d’Alep où il faisait ses études au collège. Pendant les vacances scolaires, il travaillait chez ses proches et réalisait de la teinture de tapis, du linge de lit, etc.

Ahmed
Ahmed

Ahmed

Voulant travailler et ayant de la parenté à Izmir, le jeune homme est arrivé directement ici  il y a 3 ans avec 8 proches et son frère de 23 ans qui lui est reparti en  Syrie 8 mois après son entrée, trouvant la vie finalement plus dure en Turquie. Son père, comptable en banque, sa mère, ses 4 frères et sœurs, sont toujours à Alep.

Ahmed vit aujourd'hui à 5 dans un appartement situé dans le quartier d’Eski Çamlık. Une semaine après son arrivée à Izmir, il a trouvé du travail dans une usine de meubles. Depuis 7 mois, il fabrique des sacs bon marché vendus dans la rue et se trouve pour la première fois dans les locaux de SVLI après avoir pris connaissance de l’annonce pour le projet de formation sur la page Facebook qu’il suit régulièrement.

Avec un tel apprentissage, il espère trouver un meilleur emploi dans le textile. Ahmed trouve la vie chère et plus difficile en Turquie, mais la différence est qu’il y a du travail, contrairement à la Syrie où il aimerait retourner selon l'évolution de la situation.

Contrairement à la plupart des réfugiés rencontrés à SVLI, les yeux d’Ahmed expriment une forme de tristesse et un sérieux en adéquation avec son parcours qui ne ressemble pas à un long fleuve tranquille pour un jeune de son âge.

Nathalie Ritzmann (http://lepetitjournal.com/istanbul) lundi 15 janvier 2018

Rejoignez-nous sur Facebook et sur Twitter

 

S.ç. Önce insan – SVLI ( Syrian Vocational and Language Institute)

859 Sk Sarai İş Hanı, B Blok Kat 8

Konak/İzmir

Tél : 0538 263 12 26

 

https://www.facebook.com/izmironceinsan/

 

 

Flash infos