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TEMOIGNAGE - Retour au camp de réfugiés d'Adana

Réfugiés syriens à AdanaRéfugiés syriens à Adana
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 3 janvier 2017, mis à jour le 8 janvier 2018

Après la première visite au camp de réfugiés non gouvernemental situé à Adana en compagnie de deux femmes chiropracteurs et d'un ami fin mars 2015, c'est le sac à dos chargé de 580 cartes d'achat BIM d'une valeur unitaire de 25 TL (soit environ 6,75 euros), acquises grâce à la générosité de nombreux amis, connaissances et autres donateurs, qu'a eu lieu le 26 décembre dernier la seconde visite.

Cemo, responsable du dépôt où sont stockées les aides destinés aux enfants en bas âge (couches, lait en poudre pour bébé, vêtements), a organisé la distribution des cartes alimentaires. Pour cela, il a fait appel à Fatih, turc habitant au Texas de passage à Adana, sa ville d'origine, Haci, syrien d'une trentaine d'années originaire de Kobane, père de 3 enfants, habitant en Turquie depuis 3 ans, épicier en Syrie et exerçant à présent son métier grâce à l'ouverture d'un magasin possible grâce à des dons et Izzedin, jeune Syrien de 26 ans, également originaire de Kobane, marié et père de famille, en Turquie depuis 3 ans après avoir vécu en Irak puis au Liban.

Plusieurs milliers de réfugiés, la plupart syriens mais aussi quelques irakiens, vivent dans des conditions plus que précaires, parfois depuis plusieurs années, dans des centaines de tentes réparties sur différents terrains privés inoccupés, situés dans le quartier du 19 mai. Comme tous les matins durant les jours de travail, des hommes se retrouvent aux abords de la mosquée en quête d'un emploi à la journée contre quelques sous qui seront les bienvenus.

De nombreux réfugiés rencontrés l'an passé sont partis vers d'autres villes de Turquie comme Şemsettin et les siens, qui habitent à présent du côté d'Erzin près d'Osmaniye, à environ 90 kms d'Adana. Cinq familles parmi les plus chanceuses, dont celle d'une petite fille sourd-muette au sourire inoubliable, ont pu aller vivre au Canada où leurs conditions de vie et de prise en charge sont sans doute bien meilleures. Entre-temps, de nouveaux arrivants, notamment venus d'Alep, ont investi les lieux.

Pieds nus dans la boue

Pantalons retroussés, circuler entre les tentes n'est guère aisé, la boue étant omniprésente en raison de la pluviosité importante des jours précédents. Un homme, grand et mince, père de 13 enfants, nous explique ses difficultés avec l'administration pour faire valoir ses droits, tout comme cette femme et ses enfants dont le mari et père est parti, emportant avec lui passeports et documents officiels prouvant leur nationalité...

Une autre personne nous montre un dépliant de l'Unicef sur lequel un simple post-it manuscrit prouve que lui et sa famille ont droit à de l'aide… D'autres, instinctivement, présentent leurs cartes "d'invités" en Turquie, pensant qu'elles sont indispensables pour recevoir une ou deux cartes Bim selon la composition de la maisonnée. Beaucoup de gamins, voire d'adultes, sont pieds nus sur la terre détrempée, trois garçonnets jouent même cul nu... alors que nous sommes chaudement vêtus...

L'intérieur des tentes se ressemble partout ; autour du poêle, quelques matelas où dort souvent un bébé emmailloté, une rallonge électrique avec quelques prises, seuls signes de modernité... Parfois, une chaise en plastique défoncée ou un canapé de récupération trône à l'extérieur à côté de la demeure. Sandalettes ou chaussures crottées sont posées devant les habitations. Le linge est lavé dans des bassines, puis rincé tant bien que mal avant d'être accroché aux clôtures lorsqu'il y en a, ou sur des fils tendus à proximité.

En bordure d'une des routes principales, une tente abrite un vendeur de tomates, pommes de terre et quelques autres légumes. Dans une boîte en polystyrène, des oignons ont été plantés, jardin de fortune. A côté, casseroles et autres ustensiles de cuisine font partie du décor.

Chacun vit cette situation différemment

Malgré ces conditions de vie, de nombreux et beaux visages, surtout d'enfants, gardent le sourire et les yeux pétillent toujours de malice. Certains adultes aussi semblent ne pas avoir perdu espoir, comme ce jeune et beau couple qui a souhaité être pris en photo, uni pour le meilleur et pour le pire? D'autres regards sont plus marqués, chacun vit cette situation différemment.

Un peu plus loin, un garçonnet peu volubile présente des plaques rouges peu réjouissantes à l'une de ses jambes. Une  adolescente souriante sort d'une tente, pieds nus, tend son moignon de main tordu et essaie tant bien que mal de tenir la carte Bim donnée... Plusieurs petits, ainsi que des personnes d'âge mur, souffrent de handicaps plus ou moins importants et passent leur journée à l'abri des tentes.

Une fillette d'une dizaine d'années glisse sa main rêche dans la nôtre et reste avec nous un long moment, suppliant à plusieurs reprises de l'aide. Des femmes, leur progéniture arrimée sur le dos, se jettent littéralement sur les dernières cartes restant à distribuer, prêtes à se battre si nécessaire. Des gamins emmitouflés dans leur anorak et manteau bien chauds reviennent gaiement de l'école et passent à côté de tentes avant de regagner leurs maisons. Sont-ils conscients de la misère qu'ils côtoient tous les jours et que pensent-ils, que voient-ils ?

Une jolie fillette de 2-3 ans, orpheline de père et de mère, la tête couverte d'un petit bonnet de laine vert, apprécie les caresses faites sur sa joue et nous salue de la main en souriant lorsque nous repartons. Le sac à dos s'est allégé, le c?ur, quant à lui, est gros et aussi lourd que les chaussures et la boue collée aux semelles tel un emplâtre.

Une demi-heure après la fin de la distribution, la pluie s'est mise à tomber de façon drue et discontinue durant 24 heures, transformant une nouvelle fois une bonne partie du camp en une mare de désespoir couleur gadoue. Les conditions météorologiques influent de manière indéniable sur la vie quotidienne et l'état de santé de ces hommes, femmes et enfants.

Photos Réfugiés syriens à Adana
Nathalie Ritzmann (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 4 janvier 2016

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